La question de savoir si un adolescent qui subtilise les clés de la voiture de ses parents pour « faire un tour » commet un vol est posée dans l’affaire suivante. Au matin du dimanche 21 avril 2019, la berline de la famille X, dont les clés ont été prises par le fils Tom et confiées au cousin de celui-ci, William Y, qui n’a pas le permis de conduire, percute violemment un muret à la sortie d’un virage. Tom et sa sœur Margot sont sévèrement blessés. Tom, inconscient, doit être désincarcéré par les secours, puis transporté par hélicoptère à l’hôpital le plus proche.
Le tribunal correctionnel de Châteauroux déclare William coupable de blessures involontaires et de contravention au code de la route. Il condamne William à dix-huit mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende. Sur le plan civil, il le déclare responsable des préjudices subis par ses deux passagers. Mais il dit que la MAAF, assureur du véhicule, n’est pas tenue de garantir ceux qu’a subis Tom, auteur, ou à tout le moins complice, du vol de la voiture.
Depuis le 5 janvier 1994, le code des assurances (article L. 211-1 alinéa 2) précise que le contrat qui couvre un véhicule volé, impliqué dans un accident, ne doit pas garantir la réparation des dommages subis par les victimes qui sont « auteurs, coauteurs ou complices du vol ». Cette exclusion a été introduite par une loi du 21 décembre 1993 (article 18), en réaction à un arrêt de la Cour de cassation (91-15.867, du 17 novembre 1993), qui, compte tenu de la législation alors en vigueur, avait condamné l’assureur d’une voiture volée, impliquée dans un accident, à couvrir les dommages subis par le passager, coauteur du vol.
Les X protestent que la subtilisation des clés ne constitue pas un « vol », au sens du code pénal (article 311-1), c’est-à-dire une « soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Mais la cour d’appel de Bourges leur donne tort, le 12 mai 2022, après s’être référée à l’audition de Margot devant le juge d’instruction : il en ressort que Tom « avait conscience du caractère illicite de ses actes », et que la prise du véhicule s’est opérée « sans l’accord des parents », donc « en fraude », même si aucune poursuite pour vol n’a été enclenchée, en raison de l’« immunité familiale » prévue par la loi.
Les X se pourvoient en cassation, et leur avocate, M Claire Le Bret-Desaché, soutient que le jeune homme n’a fait qu’« emprunter la voiture pour faire un tour », sans avoir « la volonté de se l’approprier », qui caractériserait l’intention frauduleuse.