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quand la France parquait les harkis derrière des barbelés

quand la France parquait les harkis derrière des barbelés


Fatima Bouafia dans le documentaire « Bias, le camp du mépris », de Dalila Kerchouche.

FRANCE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Ses yeux sont « fatigués, (…) remplis d’eau à force d’avoir pleuré », dit-elle. La tête non plus, enveloppée de foulards, « ne va pas bien » : le souvenir des morts continue de la tourmenter. Yamina Tamazount a le sens des mots, aussi précieux que son grand âge. Cette dame a vu des drames de l’histoire s’enchaîner : l’Algérie au temps de la France, la guerre d’indépendance (1954-1962) et l’enfer du camp de Bias (Lot-et-Garonne).

Cette dame a épousé un harki, un combattant engagé dans l’armée française pendant la révolution algérienne. Lors de ces sept années de conflit, entre 200 000 et 300 000 supplétifs, selon les estimations, avaient été recrutés dans le cadre des « opérations de maintien de l’ordre ». A la fin de cette guerre, ils ont été lâchés par l’ancienne puissance coloniale. L’immense majorité est restée dans ce pays nouvellement indépendant, seuls 90 000 harkis (en comptant les familles) ont pu quitter l’Algérie pour rejoindre la France.

Une fois arrivés, ils ont été parqués pour des années dans des camps fermés, comme celui de Bias. Dans ce « refuge », quelque 1 300 personnes ont été privées de liberté ; les nourrissons sont morts de froid l’hiver et les enfants n’ont pas eu le droit d’aller à l’école de la République. « Pourquoi ? », martèle Dalila Kerchouche dans son documentaire Bias, le camp du mépris.

Baraquements sans confort

Cette journaliste est née « derrière les barbelés » de Bias, en 1973. Depuis une vingtaine d’années, elle s’efforce de faire émerger la mémoire des harkis et de leurs descendants. Dans ce film, elle raconte avec délicatesse le quotidien des familles et de la sienne dans des baraquements sans confort ; à quel point ses proches et ses voisins ont été « confrontés au vide » ; la souffrance aussi de l’un de ses frères, qui a fini par se suicider, épuisé par la violence de ce camp.

Documents à l’appui, elle évoque la spoliation des prestations sociales par le chef du camp de Bias, qui en prélevait la moitié pour financier l’entretien de cette prison qui n’en avait pas le nom. Elle parle aussi d’enfants enlevés à leurs parents pour être placés dans des centres de redressement sans aucune explication.

On tente de saisir toutes les violences décrites en écoutant les témoignages poignants – en français et en arabe – de quatre femmes, dont celui de Yamina Tamazount. « On était des gens de l’oubli », lance l’une d’elles. Pourtant, ces violences restent difficiles à concevoir : tant de maltraitances infligées par l’Etat semblent irréelles et incompréhensibles. L’administration a cherché à contrôler la vie de ces harkis jusqu’à imposer des noms français aux nouveau-nés. « On veut nous intégrer alors qu’on exclut », résume Dalila Kerchouche.

Pour son premier documentaire, la réalisatrice signe un film touchant et sans haine, qui met davantage en lumière le drame des harkis, ces Français si longtemps méprisés.

Bias, le camp du mépris, documentaire de Dalila Kerchouche (Fr., 2022, 52 min). En replay sur France.tv jusqu’au 24 décembre.

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