Les ultras ne sont pas toujours reconnus pour leur poésie. Vendredi 7 octobre, juste avant le coup d’envoi de Lyon-Toulouse et après une série de quatre défaites de leurs protégés, les Bad Gones ont démenti les stéréotypes en usant de finesse sur leur banderole : « Encore des mots, toujours des mots, les mêmes maux… Je ne sais plus comment te dire. »
Le message envoyé aux joueurs et à la direction n’a pourtant pas été entendu. Deux jours après un énième résultat décevant – un match nul 1-1 –, l’entraîneur de l’Olympique lyonnais Peter Bosz a été licencié dimanche 9 octobre à sept mois de la fin de son contrat prévue en juin 2023.
La décision apparaissait inévitable pour un club qui n’a plus gagné le moindre match depuis le 3 septembre (5-0 contre Angers) et qui ambitionne de retrouver la Ligue des champions à la fin de la saison : « Compte tenu des résultats décevants obtenus au cours de ce début de saison, qui demeurent très en deçà des attentes et des objectifs fixés, l’Olympique Lyonnais informe de la mise à pied à titre conservatoire de Peter Bosz », a annoncé dimanche soir le club rhodanien dans un communiqué. Pour le remplacer, l’arrivée de Laurent Blanc, qui n’a plus entraîné au haut niveau depuis son éviction du PSG en 2016, a également été officialisée jusqu’au 30 juin 2024.
Si le principal groupe de supporteurs lyonnais a repris Dalida le temps d’une banderole, le rôle tenu par Alain Delon dans la chanson Paroles, paroles, paroles semble échoir à Jean-Michel Aulas, adepte d’une communication proactive sur les réseaux sociaux et qui a tendance à s’essouffler après trente-cinq ans de présidence. A l’image de son dernier tweet la veille de la rencontre : « J’ai échangé avec nos joueurs, j’ai transmis toute votre énergie car je sais que nous avons tous envie de la même chose : retrouver le goût de la victoire ! »
Le foot, c’est notre passion, l’OL, c’est toute notre vie. J’ai échangé avec nos joueurs, j’ai transmis toute votre… https://t.co/R8WxEycaLk
Lors de cette 10e journée de Ligue 1, les mots du plus célèbre président du football français n’ont pas eu l’effet escompté puisque ses joueurs ont été incapables de battre le promu toulousain à domicile. Les maux observés depuis le début de saison, mais aussi depuis la saison 2021-2022 terminée à la 8e place – la plus mauvaise depuis 1997 – ne font que s’aggraver. Et cette nouvelle contre-performance, qui relègue déjà Lyon à 12 points du leader parisien, à 11 points de son dauphin lorientais et à 9 points de l’OM, troisième, a donc été fatale à l’entraîneur néerlandais, en poste depuis le 29 mai 2021.
Une situation intenable
La situation de Bosz était devenue intenable. Et s’il est loin d’être le seul coupable de cette situation, l’ancien coach de l’Ajax Amsterdam a des responsabilités dans cet échec. Débarqué dans le Rhône avec l’ambition d’un football « attractif et offensif », comme il s’est plu à la marteler au cours des mois, même quand l’évidence du terrain le contredisait, il n’a jamais été capable de transmettre sa philosophie de jeu à ses joueurs.
Après les expériences déjà compliquées des anciens entraîneurs Bruno Génésio et Rudi Garcia, qui avaient des relations difficiles avec une bonne partie des supporteurs, Peter Bosz avait pourtant bénéficié de la patience du public et de sa direction.
Le début de saison des joueurs lyonnais, vainqueurs de quatre de leurs cinq premiers matchs, n’a été qu’un mirage. Les succès ont été obtenus face à des adversaires modestes, et la manière n’avait pas été rassurante. Cet OL, souvent pathétique, n’a pas résisté au révélateur de confrontations plus ardues, s’inclinant à Lorient (3-1), à Monaco (1-0), contre le PSG (1-0) et à Lens (1-0).
La rupture entre l’entraîneur et ses joueurs a définitivement été actée après le dernier match nul. De retour au club après un exil de quelques années en Angleterre, l’attaquant Alexandre Lacazette – nommé capitaine par Bosz – a vendu la mèche au micro du diffuseur Prime Video au coup de sifflet final.
Il a d’abord regretté la sortie de son compère de l’attaque Moussa Dembélé. Puis, il n’a pas montré un grand enthousiasme à une question portant sur l’avenir de Bosz : « Ce n’est pas à moi de décider s’il reste ou non, c’est au président, au directeur sportif, au board de décider. Moi je suis là pour jouer, je veux juste gagner des matchs. »
Mais si Lyon, septuple champion de France des années 2000, n’a plus remporté le moindre trophée depuis une Coupe de France en 2012, c’est la politique sportive générale qui en est responsable. Fin 2021, le directeur sportif Juninho avait fait les frais d’une lutte de pouvoirs avec le directeur du football, Vincent Ponsot, ancien directeur… juridique de la Ligue de football professionnel.
Epuisée par les conflits internes, l’ex-gloire brésilienne du club avait claqué la porte après seulement deux ans à son poste. Depuis, il n’a jamais accepté de renouer le dialogue avec Jean-Michel Aulas, malgré les tentatives du président.
« Aulas est entouré par des incompétents »
C’est un nouveau duo – Vincent Ponsot associé à Bruno Cheyrou, le directeur technique en charge notamment du recrutement – qui a pris les commandes de la politique sportive. Une incongruité pour Juninho, nouveau consultant pour la radio RMC Sport depuis la rentrée, qui s’est exprimé après un ultimatum fixé par Ponsot à Peter Bosz : « Toi déjà pourquoi tu parles de foot, tu n’es pas directeur sportif. Vincent Ponsot ne doit pas se mêler. Tu te mêles publiquement, tu mets ton entraîneur en difficulté, ça ne se fait pas. »
Cette critique est partagée par d’autres ex-joueurs du « grand » Lyon. Après une énième défaite à Lens, Sidney Govou, qui a remporté les sept titres lyonnais de champion de France, a aussi ouvertement critiqué les deux hommes.
« Aulas est entouré par des personnes incompétentes, a-t-il tancé. Rien que sur la sémantique, on nomme représentant du football Vincent Ponsot, quelqu’un qui ne connaît pas le foot. C’est un homme très compétent dans son domaine [le juridique] mais sa seule sortie médiatique a été catastrophique. » Bruno Cheyrou a également été ciblé : « C’est un bon mec mais il ne connaît pas les réseaux pour vendre, ce qui est le plus difficile dans le recrutement. Gérard Houllier savait vendre, par exemple. »
Bonsoir Bruno Cheyrou, j’aimerais bien avoir votre avis sur le recrutement de l’OM svp.
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Cet été, malgré une certaine tendance à la forfanterie – il avait moqué le recrutement de l’OM en conférence de presse début juillet après le départ de l’entraîneur olympien Jorge Sampaoli –, Bruno Cheyrou n’a pas particulièrement brillé par son travail. Malgré les arrivées précoces de deux anciens produits de la formation lyonnaise, Lacazette mais aussi Corentin Tolisso, ainsi que la signature d’une des rares bonnes surprises du mercato lyonnais, le jeune Johann Lepenant, l’OL a eu du mal à vendre les joueurs qu’il voulait vendre.
Seul Léo Dubois est parti pour une modique somme en Turquie. Aucun défenseur droit de métier n’a été recruté pour doubler le poste dévolu au jeune Malo Gusto. Malgré des difficultés défensives de longue date, aucun défenseur central n’a également été recruté puisque l’on n’a pas réussi à se débarrasser des indésirables Jérôme Boateng et Damien Da Silva.
L’effectif lyonnais n’a fait que perdre en qualités. Le club a une nouvelle fois vendu son meilleur joueur, solution de facilité pour soulager les finances. Après le Brésilien Guimaraes l’hiver dernier (50 millions d’euros), c’est son compatriote Lucas Paqueta qui a rejoint l’Angleterre pour 60 millions d’euros. Les deux joueurs avaient été recrutés grâce à Juninho.
Alors que l’Olympique lyonnais est en train de finaliser sa vente (la date a été fixée au 21 octobre), le club traverse l’une des périodes les plus agitées et les plus incertaines de son histoire. Le futur propriétaire américain, John Textor, se penchera certainement de près sur la gestion sportive de sa nouvelle acquisition. Jean-Michel Aulas, qui a été prolongé pour trois ans à la tête du club selon l’accord conclu avec Textor, est plus que jamais sous pression.