À l’heure du tout connecté et du smartphone-roi — selon une étude de l’INSEE, 95 % de la population française possèdent un téléphone mobile et 77 % un smartphone —, certains souhaitent s’affranchir des nouvelles technologies. Ce mouvement porte un nom : le néo-luddisme, ou luddisme moderne. Et il n’a rien de récent. L’historien François Jarrige le définissait dans une interview publiée en 2016 sur Rue89 comme “une nébuleuse de personnes qui pensent que la technologie est une aliénation plus qu’un moyen d’émancipation”.
Le néo-luddisme, c’est quoi ?
Ce terme tire son nom du mouvement luddiste, appelé ainsi grâce à Ned Ludd, un ouvrier anglais qui a protesté contre l’usage des machines à tisser à la fin du XVIIIe siècle. Il a aussitôt initié un mouvement clandestin dont les membres étaient surnommés les “luddites” ou encore les “briseurs de machines”. Depuis, la lutte contre la mécanisation du travail a évolué en une opposition à la progression des nouvelles technologies. En 1990, la militante américaine Chellis Glendinning remet le terme “luddite” au goût du jour dans son ouvrage Notes toward a Neo-Luddite Manifesto, qui donne naissance au néo-luddisme, un mouvement activiste d’orientation technophobe.
Toujours d’après Rue89, le néo-luddisme mène plusieurs combats : lutte écologiste contre les OGM et le nucléaire, dénonciation des nanotechnologies, refus du fichage dans la vie quotidienne, résistance contre les impératifs sécuritaires (bracelets pour les nouveau-nés, caméras dans les rues). De nos jours, le luddisme — ou néo-luddisme — est plus un moyen de résister à la surveillance gouvernementale et à une forme de capitalisme.
Rébellion et libération de soi
Un journaliste du New York Times a relaté le quotidien du Luddite Club dans un papier publié le 15 décembre dernier. Ce groupe de lycéens de Brooklyn (New York) promeut un style de vie basé sur l’autolibération à l’égard des médias sociaux et de la technologie. Ses 25 membres ont décidé d’abandonner leurs smartphones, mais aussi leur présence sur les réseaux sociaux. Ils proposent également à d’autres étudiants des cures digitales d’une heure. Les lycéens mettent en avant les bénéfices de ce mode de vie : meilleure appréciation de soi, baisse de l’anxiété liée aux réseaux sociaux, intérêt grandissant pour la lecture et la nature. Pour se contacter les uns les autres, rien de plus facile. Des rendez-vous physiques et des téléphones à clapet, comme ceux que l’on utilisait il n’y a pas si longtemps. Leur source d’inspiration ? Un livre de 1996, Into The Wild de Jon Krakauer, l’histoire vraie de Chris McCandless, un jeune homme décédé en essayant de vivre dans la nature sauvage de l’Alaska.
Selon une étude de la société de marketing américaine Hill Holliday sur la génération Z — des personnes nées après 1995 —, la moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir arrêté ou envisagent d’arrêter au moins une plateforme de média social. En 2020, aux États-Unis, un mouvement appelé Log Off, qui se définit comme un mouvement de jeunesse initié par des adolescents pour des adolescents, a décidé de fournir un espace de conversation sur les méfaits des réseaux sociaux et la manière de les utiliser plus sainement. Le mouvement s’est engagé auprès de milliers d’adolescents dans plus d’une douzaine de pays, documentant le quotidien d’une génération de plus en plus inquiète de confier sa santé mentale aux mains d’entreprises technologiques à but lucratif. Pour en savoir plus, on peut retrouver ce mouvement… sur Instagram.