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À quelques jours de la journée internationale contre les violences faites aux femmes (25 novembre), des dizaines de milliers de personnes ont battu le pavé samedi dans plusieurs villes de France, à l’appel de 90 organisations, afin de réclamer plus de moyens, notamment juridique, pour lutter contre les violences envers les femmes.
« Stop à la culture du viol », « croire les victimes sauve des vies »… Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi 19 novembre dans toute la France pour dénoncer les dysfonctionnements de la justice en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et notamment réclamer une « loi cadre » contre l' »impunité » des agresseurs.
Cinq ans après l’émergence du mouvement #MeToo, près de 90 associations, syndicats ou partis de gauche ont appelé à un « raz-de-marée dans la rue pour crier notre colère ».
À Paris, plusieurs milliers de personnes ont commencé à défiler vers 14 h 30 de la place de la République vers celle de la Nation, a constaté un journaliste de l’AFP. « Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère », scandaient des manifestantes, tandis que d’autres criaient « meToo partout, justice nulle part ».
Sur des pancartes, uniformément violettes, la couleur emblématique du rassemblement, on pouvait lire notamment « mâle dominant, pour qui tu te prends ? », « stop à la culture du viol » ou encore « croire les victimes sauve des vies ».
« Ce qui nous met en colère, c’est l’impunité des agresseurs et le mauvais traitement réservé aux victimes » lorsqu’elles déposent plainte, a expliqué à l’AFP Maëlle Noir, membre de #NousToutes qui coordonne l’organisation des défilés.
« Nous manifestons aujourd’hui pour rendre hommage aux victimes », a insisté de son côté Sandrine Bouchait, de l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF), pour qui « les féminicides, c’est le sommet de la pyramide des violences sexuelles et sexistes » et dont l’association demande pour les proches « un statut de victimes avec un accompagnement psychologique et financier ».
Plus généralement, les associations réclament un budget public de deux milliards d’euros par an, mais aussi une « loi-cadre » qui instaurerait notamment des « brigades et juridictions spécialisées », une aide financière pour la « mise en sûreté » des femmes victimes, 15 000 places d’hébergement supplémentaires ou le renforcement de l’éducation à la vie sexuelle et affective à l’école.
Exaspération des organisations féministes
La ministre chargée de l’égalité hommes/femmes, Isabelle Rome, a rappelé sur RMC qu’elle était ouverte à la mise en place d’une police et d’une justice spécialisées, sujet sur lequel planche une mission parlementaire. Quant aux moyens financiers, « ils n’ont cessé d’augmenter », pour atteindre « un montant global de 2,4 milliards » d’euros, a-t-elle observé, reconnaissant que ces sommes ne sont « pas spécifiquement » dédiées à la lutte contre les violences.
L’appel à manifester – en amont du 25 novembre, journée mondiale de lutte contre les violences à l’égard des femmes –, concernait de nombreuses villes de France. À Rennes, la manifestation, aux cris de « pas d’violeurs dans nos quartiers, pas d’quartier pour les violeurs », a rassemblé quelque 700 personnes, selon la préfecture. À Metz (280 personnes selon la police), des manifestantes brandissaient des pancartes comme « dans 12 féminicides, c’est Noël » ou « Me croirez-vous quand je serai morte? ».
Marlène Leclercq, 19 ans, étudiante en sciences politiques qui défilait à Lille, a écrit sur une pancarte « bon anniversaire à un de mes viols ». Elle explique avoir été violée par un ex-petit ami : « je commence tout doucement à en parler. Qu’on les écoute (les femmes victimes de violences), ça pourrait éviter des féminicides », espère-t-elle.
L’exaspération des organisations féministes est alimentée par le nombre élevé de féminicides – déjà 100 depuis le début de l’année d’après un collectif associatif, contre 122 l’an dernier selon les chiffres officiels –, et par la frilosité du monde politique à écarter certains responsables accusés de violences envers les femmes.
Les partis EELV et LFI « ont signé notre appel à manifester. On va leur demander aujourd’hui de respecter leur signature » et de « retirer de leur groupe parlementaire des hommes mis en cause pour violences », a déclaré Pauline Baron, de #NousToutes, en citant les cas d’Adrien Quatennens (LFI) et Julien Bayou (EELV).
À Lille, Yann Marmignon, étudiant de 19 ans en arts, brandissait une pancarte « Quatennens démission », jugeant que les violences faites aux femmes, « c’est quelque chose d’important, qui nous touche tous, même au niveau des politiciens ».
Entre 2017 et 2021, le nombre de viols ou tentatives de viols enregistrés par le ministère de l’Intérieur a doublé, passant de 16 900 à 34 300. Les victimes ont davantage tendance à dénoncer des faits anciens, explique le ministère, qui y voit aussi le signe de la « libération de la parole ». Une expression qui exaspère désormais les associations, car « les femmes ont toujours parlé, mais elles ne sont pas écoutées », pointe Maëlle Noir.
Avec AFP