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Louer des résidences de luxe sans payer : impossible d’arrêter le bougon des maisons

Louer des résidences de luxe sans payer : impossible d’arrêter le bougon des maisons


Une famille pour qui louer des maisons de luxe sans payer semble être un mode de vie depuis de nombreuses années perpétue son stratagème en toute impunité, au grand dam de nombreux propriétaires floués. 

Depuis mars seulement, la famille Tsoukalas s’est fait chasser au minimum quatre fois de résidences louées à Montréal et Laval en raison d’importants retards de paiement et de fausses représentations.  

Aristidis Tsoukalas, 36 ans, semble être le chef d’orchestre derrière ce subterfuge. 

Le Journal avait d’ailleurs dévoilé ses manœuvres en 2019, alors qu’il avait cumulé à lui seul 65 000 $ de créance en loyers impayés pour des résidences cossues. Même si seul son nom apparaissait sur les baux et dans les décisions du Tribunal administratif du logement (TAL), déjà à l’époque, des membres de sa famille semblaient bien impliqués dans le coup. Des propriétaires floués nous avaient notamment dit que la grand-mère s’était présentée en fauteuil roulant lors de visites, possiblement pour attirer la sympathie, alors que Le Journal l’avait aperçu peu de temps après en train de marcher sans difficulté.

Or, depuis la médiatisation de son histoire et la publication de son identité, il semble être devenu plus difficile pour Aristidis Tsoukalas d’utiliser son propre nom pour perpétuer son stratagème. [voir autre texte]  

Ainsi, depuis, son père, sa tante et sa grand-mère ont signé des baux pour des maisons dans lesquelles toute la famille emménage. Cette ruse semble être devenue un véritable mode de vie pour cette famille, contre qui les jugements s’accumulent au TAL depuis 2010.

Dans l’espoir d’étirer les délais le plus possible, Aristidis Tsoukalas multiplie les excuses bidon et les mensonges pour justifier ses nombreux retards de paiement [voir plus bas].  

Faux documents

Uniquement cette année, les expulsions ont été nombreuses pour les Tsoukalas. En mars, ils ont dû quitter une luxueuse résidence qu’ils occupaient en bordure de la rivière des Prairies, dans le quartier Sainte-Dorothée, à Laval.  

« Ils nous ont donné un rapport d’Equifax falsifié pour le père. On a par la suite trouvé l’article sur eux », a dit l’agent immobilier, qui a préféré taire son nom.

En mai, une tante et la grand-mère d’Aristidis Tsoukalas ont cette fois-ci apposé leur nom sur un bail pour la location d’une résidence de Dollard-des-Ormeaux, à Montréal, dont le loyer frôlait le 5000 $ par mois. Comme ça semble toujours être le cas, toute la famille semblait occuper les lieux. Le propriétaire, qui vit à l’extérieur, recevait de l’information par des voisins.  

« Après avoir reçu plusieurs faux chèques, la banque m’a informée que c’était des fraudeurs », dit celui qui préfère que son nom ne soit pas associé publiquement à cette histoire.

Pendant qu’il tentait d’obtenir une ordonnance du TAL pour les expulser, la famille Tsoukalas a décidé de quitter les lieux en catimini.  

« Ils sont partis avec tous les meubles et les électroménagers, prétend le propriétaire. J’estime la valeur à environ 30 000 $. Quand les voisins m’ont averti, ça se passait en direct, alors j’ai avisé la police et ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire. À ce jour, je n’ai aucune idée d’où sont mes choses. »

Joint au téléphone, Tsoukalas admet avoir fait des « erreurs dans cette location », mais jure ne pas avoir volé le mobilier.

Pris en filature

En août, ils ont loué une nouvelle résidence à Laval, celle d’un couple de fiancés.

« On a acheté cette maison-là pour y emménager après notre mariage l’année prochaine, explique Abhiraamy Sriranganathan, la copropriétaire. En attendant, on voulait la louer, mais on a eu le malheur de tomber sur lui. »

Cette fois-ci, Aristidis Tsoukalas aurait utilisé une fausse identité ; celle d’un ancien procureur de la Couronne. Après avoir montré de très convaincantes preuves d’identité, un rapport d’Equifax faisant état d’un excellent crédit et une attestation de salaire, un bail fut signé. Devant un important retard de paiement, l’agente immobilière engagée par le couple de fiancés s’est mise à faire des recherches sur le locateur et a trouvé la vraie personne dont l’identité a été usurpée. Ironiquement, l’homme avait déjà porté plainte à la police de Montréal pour vol d’identité peu de temps avant.

Après de nombreuses démarches et beaucoup de difficulté, le couple a réussi à expulser les Tsoukalas de leur maison.  

Le jour où ils ont été chassés, ils se sont dirigés vers une autre maison lavalloise, où ils avaient signé un bail quelques jours auparavant, encore sous une fausse identité. Or, l’agente immobilière du jeune couple les a suivis et a alerté les propriétaires. Devant la pression, les Tsoukalas ont accepté de résilier le bail et de quitter sans faire de vagues.

Tous les agents et propriétaires interrogés par Le Journal s’expliquent mal comment cette famille peut poursuivre ce « mode de vie » sans jamais se faire prendre, même si plusieurs plaintes ont été déposées auprès des autorités. Joints par Le Journal, les services de police de Laval et de Montréal se sont contentés de dire que les dossiers font l’objet d’enquêtes.

SES EXCUSES POUR NE PAS PAYER 

  • Sa femme l’a trompé et il doit emménager le plus rapidement possible en raison du climat tendu.
  • Sa grand-mère est décédée, il est dans tous ses états.
  • Est en rencontre avec des avocats pour finaliser son divorce et le réseau ne fonctionne pas bien dans leurs bureaux.
  • Est dans un avion, le transfert bancaire ne passe pas.
  • Est en Ontario pour le travail et n’a pas accès à ses comptes.
  • N’a pas pu rappeler en raison de la météo plus difficile.
  • Blâme sa comptable en la traitant de « bitch » pour justifier ses retards de paiement.
  • Réfère les agents à une comptable avec qui il n’a jamais fait affaire. 

MARS

 

  • Luxueuse résidence de 1,3 million $ en bordure de l’eau, dans le quartier Sainte-Dorothée, à Laval
  • Expulsés en mars 2022
  • 16 000 $ de loyers impayés

SEPTEMBRE

 

  • Maison de 1,2 million $ dans l’arrondissement Dollard-des-Ormeaux, Montréal
  • Expulsés en septembre 2022
  • Près de 15 000 $ de loyers impayés

OCTOBRE

 

  • Maison fraîchement rénovée de près de 650 000 $ dans le quartier Sainte-Dorothée, Laval
  • Expulsés en octobre pour loyers impayés et fausse représentation

OCTOBRE

 

  • Maison de 1,1 million $ dans le quartier Laval-sur-le-Lac, Laval
  • Résiliation du bail sous pression en octobre après que l’agent a découvert qu’il avait fourni une fausse identité et de faux documents. 

« Mon nom est terrible, il est détruit »

Le bougon admet même de procurer de fausses identités sur le dark web


De son propre aveu, Tsoukalas se procure de fausses cartes sur le dark web afin de louer des maisons, puisque son vrai nom a été médiatisé par Le Journal en 2019.

Photos courtoisie

De son propre aveu, Tsoukalas se procure de fausses cartes sur le dark web afin de louer des maisons, puisque son vrai nom a été médiatisé par Le Journal en 2019.

Le nom du « bougon des maisons » a été « complètement brûlé » lorsque Le Journal a dévoilé son mode d’opération en 2019, si bien que l’homme de 36 ans avoue qu’il doit désormais voler des identités et se procurer de fausses cartes sur le dark web.

En entrevue téléphonique, Aristidis Tsoukalas a admis sans trop de retenue qu’il s’était acheté de fausses preuves d’identité sur internet.

« Mon nom est terrible, il est détruit, dit-il. J’ai fait ça pour être capable de me trouver un toit et pour que ma famille ne soit pas à la rue. Je ne peux plus utiliser mon nom à cause d’erreurs du passé. »

Un ancien avocat et son cousin

Le Journal a pu retracer au moins quatre fois où il a utilisé un faux nom et de faux papiers pour louer des maisons. Parmi les identités volées, on retrouve celle d’un ancien procureur de la Couronne ainsi que celle de son cousin.  

Bien qu’il semble poursuivre son stratagème de location de maisons en toute impunité, Tsoukalas est tout de même bien connu des services policiers. En août, il a été arrêté pour une histoire de recel avec des véhicules volés. En 2021, il a été accusé puisqu’il aurait une fois de plus prétendu être une autre personne auprès d’une institution bancaire.  

En 2019, il s’est reconnu coupable d’une fraude majeure et a été condamné à rembourser, avec ses complices, près de 150 000 $ à une banque flouée. En 2008, il a également plaidé coupable à des accusations de vol de cartes de crédit et de complot. 

 « J’ai fait des choses stupides dans ma vie, mais là j’ai changé, je le jure, je ne veux plus faire ça », a dit le trentenaire.

Recherché par plusieurs

D’ailleurs, comme il déménage sans arrêt, il fournit toujours la même adresse aux policiers et à la Cour ; celle de la maison de son ex-conjointe, où il a vécu il y a cinq ans.  

« Il y a tellement de personnes qui le cherchent, je ne comprends même pas comment ça il marche encore sur ses deux jambes », a lancé sous le couvert de l’anonymat celui qui occupe actuellement la résidence. Selon lui, de nombreuses personnes cognent à sa porte depuis des années dans l’espoir de tomber sur Aristidis Tsoukalas. En plus des policiers, des huissiers, et des représentants de la Cour, des criminels peu recommandables sont à sa recherche, assure l’occupant des lieux.  

« Il doit énormément d’argent à énormément de gens. C’est un escroc, rien de moins », dit-il.

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