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« Le smic est devenu un pilier fondamental du modèle social français »

« Le smic est devenu un pilier fondamental du modèle social français »


Jérôme Gautié est professeur d’économie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Il revient sur les origines historiques du salaire minimum et sur son importance sociale et symbolique.

Dans quel contexte est créé le salaire minimum en 1950 ?

Les prix et salaires étaient contrôlés par l’Etat depuis 1939. Quand on décide de revenir à la libre fixation des prix, les syndicats font valoir que les salaires ne peuvent rester bloqués, au risque d’une perte de pouvoir d’achat. La loi de 1950 rétablit la liberté de négociation collective, et crée du même coup le premier salaire minimum interprofessionnel garanti (smig). Il est pensé comme un garde-fou pour éviter toute exploitation là où les syndicats sont faibles ou inexistants. Il faut alors fixer son niveau. Il y a une grande crainte du gouvernement, déjà à l’époque, qu’on provoque de l’inflation ou qu’on déstabilise l’économie s’il est trop haut. Mais doit-il être un simple salaire plancher ou un salaire décent ? Et qu’est-ce que la décence ? Patronat et syndicats se mettent d’accord sur le budget alimentaire, pas sur le reste, avec des discussions acharnées sur le nombre de savonnettes, de costumes ou de chemises de nuit nécessaires, ou les dépenses d’électricité ! Finalement, c’est le gouvernement qui a tranché.

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Pourquoi le smig devient-il le smic en 1970 ?

Lors des grèves de 1968, une des premières revendications syndicales est la revalorisation du smig. Celui-ci a nettement décroché par rapport au salaire moyen : sur la période entre 1951 et 1967, son pouvoir d’achat n’a progressé que de 25 % contre 103 % pour le second, poussé par la croissance et les gains de productivité. Le protocole de Grenelle acte une hausse du smig de 35 %. Le patronat, apeuré, a accepté quasiment sans discussion, alors qu’il avait refusé 3 % quelques mois plus tôt ! Pour éviter tout nouveau décrochage, on change la méthode de calcul à partir de 1970, avec le passage au smic : le salaire minimum interprofessionnel de croissance sera partiellement indexé sur le salaire horaire moyen d’un ouvrier.

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Avec l’inflation, le smic rattrape les bas salaires, certains prônent sa désindexation, d’autres prônent, au contraire, d’indexer tous les salaires. Cette question s’est-elle déjà posée ?

Dès l’origine, le lien entre le salaire minimum et les minima des conventions collectives est au cœur des débats. La grande crainte du gouvernement quand il adopte le smig, c’est que tous les salaires augmentent dans la même proportion. C’est d’ailleurs ce qu’a toujours prôné la CGT. Mais la loi de 1970 l’interdit. C’est un peu le paradoxe aujourd’hui : face aux hausses successives du salaire minimum, le gouvernement pousse les branches à négocier pour ne pas se faire rattraper. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui le smic est devenu un pilier fondamental du modèle social français. C’est un contrat social, un « salaire de civilisation », disaient certains à sa création. Pour faire en sorte que celui qui travaille ne décroche pas. Revenir là-dessus est symboliquement impossible et serait très coûteux politiquement.

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