La réforme de l’AVS récolte toujours une nette majorité des intentions de vote, mais les opposants ont comblé une partie du retard, selon le deuxième sondage SSR publié mercredi. Les deux camps sont au coude-à-coude sur la loi sur l’impôt anticipé. Enfin, le non à l’initiative contre l’élevage intensif a pris l’ascendant sur le oui.
La partie n’est pas encore perdue pour les opposants à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. A la faveur de la campagne, la gauche, les syndicats et les milieux féministes ont en effet réussi à combler une partie du retard, montre l’enquête de l’institut gfs.bern menée pour le compte de la SSR. L’écart reste toutefois conséquent et, même s’il n’est absolument pas exclu, un refus de la réforme AVS 21 dans les urnes le 25 septembre constituerait une énorme surprise.
Dans le détail, la modification de la loi sur l’AVS – premier volet du projet de stabilisation du premier pilier – bénéficie de 59% d’opinions favorables, en baisse de cinq points par rapport au premier sondage. Le camp du non gagne du terrain et convainc 38% de la population (+5 points). La tendance est la même, mais dans une moindre mesure, pour le second volet de la réforme, à savoir le relèvement de la TVA. A noter que si un seul de ces objets est refusé, c’est le paquet dans son ensemble qui tombe à l’eau.
Le sort de la suppression partielle de l’impôt anticipé est quant à lui beaucoup plus incertain. Le rejet de cette mesure a nettement progressé durant la campagne pour atteindre 44% (+9 points), tandis que l’approbation du projet a stagné (47%, -2 points). Ce sont les indécis qui feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Enfin, la majorité s’est inversée sur l’initiative contre l’élevage intensif: le non récolte désormais 52% d’intentions de vote (+6 points), contre 47% pour le oui (-4 points).
La gauche en ordre de marche sur l’AVS
Lors de la publication du premier sondage SSR le 19 août, la mobilisation contre la réforme du premier pilier semblait très molle, malgré l’importance de l’enjeu. Le relèvement de la TVA était accepté par les sympathisants de tous les partis et seuls les socialistes repoussaient majoritairement la réforme de la loi sur l’AVS, qui consacre l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes. Sur ce sujet, plus de la moitié des électeurs et électrices des Verts avaient d’ailleurs l’intention de déposer un oui dans l’urne, rejoignant la droite et le centre dans le soutien au projet.
>> Pour en savoir plus: Réforme des retraites: sur quoi vote-t-on le 25 septembre?
Un mois plus tard, la gauche a réussi à remettre de l’ordre dans ses troupes. L’opposition à la réforme de la loi sur l’AVS atteint 70% chez les proches du PS et 63% chez les écologistes, soit une poussée de près de 20 points. L’électorat indépendant a aussi changé son fusil d’épaule, se rangeant dans le camp des opposants à l’harmonisation de l’âge de la retraite entre hommes et femmes (53% de non, +14 points). Dans le même temps, les sympathisants de la droite et du centre, très largement favorables à AVS 21, se sont contentés de maintenir leurs positions.
En ce qui concerne le relèvement de la TVA, les fronts se sont durcis. L’unanimité du début de campagne a laissé la place à un affrontement entre la gauche socialiste et le bloc bourgeois. Du côté des Verts, les rangs des partisans de ce financement additionnel des retraites ont fondu comme peau de chagrin, même si un électeur écologiste sur deux est encore prêt à voter oui. La droite et le centre, quant à eux, ont réussi à renforcer leurs garnisons, déjà abondamment étoffées.
Une guerre des sexes et des langues
Plus encore qu’une lutte partisane, la réforme AVS 21 est le théâtre d’une guerre des sexes qui ne dit pas son nom. L’harmonisation de l’âge de référence de la retraite est acceptée par plus de sept hommes sur dix. A l’inverse, une courte majorité des femmes rejette l’idée de devoir travailler un an de plus. Rarement dans l’histoire des votations fédérales, un tel écart (26 points) entre les intentions de vote des unes et des autres n’a été constaté. Sur le volet financier de la réforme, la confrontation est toutefois beaucoup plus apaisée.
Si l’on ne prend en compte que l’aspect le plus controversé de la réforme – c’est-à-dire la hausse de l’âge de la retraite des femmes -, la carte des résultats pourrait bien dévoiler un Röstigraben au soir du 25 septembre. Alors que cet objet semble largement accepté outre-Sarine (64% de oui, 34% de non), le non pourrait l’emporter en Suisse romande et au Tessin. Une majorité relative des francophones (49%, +3 points) se disent en effet opposés au projet. Côté italophone, le oui reste légèrement devant (48% contre 47%), mais le non s’est nettement renforcé (+6 points).
>> Ecouter à ce sujet:
L’âge et les revenus jouent également un rôle non négligeable dans la prise de décision de l’électorat. L’approbation de la réforme de la loi sur l’AVS est ainsi particulièrement importante chez les personnes de plus de 65 ans, qui ne sont pas directement concernées par le projet. La force du oui est aussi corrélée au revenu mensuel du ménage: plus on gagne bien sa vie, plus on soutient l’harmonisation de l’âge de la retraite des hommes et des femmes.
>> Ecouter aussi l’analyse de Rouven Gueissaz dans le 19h30:
Remontée du non à l’abolition de l’impôt anticipé
Un peu plus de six mois après leur succès contre l’abolition du droit de timbre, les socialistes veulent rééditer l’exploit avec l’impôt anticipé. La campagne leur a été fructueuse: le retard des référendaires est passé de 14 points il y a un mois à trois points seulement. Cette remontada s’explique en grande partie par un sursaut de l’électorat traditionnel de la gauche (+20 et +22 points pour le non au PS et chez les Verts), mais aussi par une fronde des indépendants (+16 points) et d’une partie des sympathisants UDC (+5 points). Au Centre et chez les Vert’libéraux, les positions se sont cristallisées. Seuls les proches du PLR ont sensiblement accentué leur soutien à cette nouvelle réforme fiscale.
Cette tendance au non n’est pas la règle en matière de référendum. En général, le soutien aux projets du Parlement se renforce au cours de la campagne. Reste que les opposants à l’abolition partielle de l’impôt anticipé n’ont pas encore réussi à convaincre une majorité de la population dans aucune région linguistique. De même, le rebond du non observé chez les femmes (49% de non, +16 points) ne contrebalance pas encore l’opinion majoritaire des hommes, toujours solidement favorables à la réforme (54% de oui, +1 point).
Elevage intensif: les fronts politiques se crispent
Alors qu’elle récoltait une majorité d’avis favorables lors du premier sondage, l’initiative « Non à l’élevage intensif en Suisse » serait désormais rejetée par 52% des sondés, contre 47% de oui. La polarisation sur l’échiquier politique s’est renforcée: à gauche, les sympathisants des Verts sont près de 90% à soutenir le texte, ceux du PS 74%.
Dans le camp vert’libéral, le oui s’élève toujours à plus de 60%. La tendance s’inverse au sein des autres groupes. Le non obtient 72% des voix du Centre et 80% des votants du PLR ainsi que ceux de l’UDC.
Un fossé ville-campagne qui persiste
Comme lors du dernier sondage, les différences restent très marquées entre les villes et la campagne. Le texte est largement rejeté dans les zones rurales (62%). Le non devient aussi majoritaire dans les petites et moyennes agglomérations (52%). Dans les grandes communes, le oui domine toujours (53%), malgré une légère baisse. Les auteurs du sondage relèvent également que le fossé ville-campagne, concernant cet objet de politique agricole, devrait être moins profond que celui observé lors des votations sur les initiatives anti-pesticides en 2021.
Les régions linguistiques, elles, sont unanimes et affichent toutes un refus. Un refus toutefois relatif, puisqu’il atteint tout juste 51% en Suisse alémanique et 53% en Suisse romande. Il est plus franc en Suisse italienne, où il s’élève à 57%.
La différence entre les sexes persiste également, en dépit d’une baisse de soutien chez les femmes qui sont 53% à soutenir le projet. Chez les hommes, le non s’est renforcé et atteint près de 60%.
Mathieu Henderson et Didier Kottelat