Marianne Vos est « la GOAT [Greatest of All Time, la meilleure de tous les temps] absolue ». Le compliment est signé Mark Cavendish, rien de moins. Quand il rend hommage à son homologue néerlandaise, ce 8 juillet 2021, le cycliste britannique est sur les routes du Tour de France. Deux jours plus tôt, à Valence, il s’est adjugé une 3e victoire d’étape sur cette édition de la Grande Boucle, la 33e de sa carrière, à une longueur du record du « Cannibale » Eddy Merckx – qu’il finira par égaler avant l’arrivée sur les Champs-Elysées. Mais, pour le natif de l’île de Man, cet été-là, c’est la coureuse de la Jumo-Visma qui mérite la lumière.
De l’autre côté des Alpes, Marianne Vos venait de lever une 30e fois les bras sur le Giro Rosa, la déclinaison féminine du Tour d’Italie, l’épreuve la plus prestigieuse du circuit féminin. Une prouesse que la Britannique Elizabeth Banks tentait avec une pointe d’humour de remettre en perspective : « Imaginez que le Giro Rosa a 11 étapes de moins [que la Grande Boucle]. On pourrait considérer que ça équivaut à 69,3 victoires d’étape du Tour de France. »
Wow! To put this in to perspective, think about @MarkCavendish incredible 33 TDF stage wins. Then think that the Gi… https://t.co/PnRLRepjgV
Cette année, Marianne Vos a ajouté deux étapes supplémentaires à sa liste, avant d’abandonner la course italienne. Pour « [s]e concentrer sur les prochains objectifs de l’équipe », expliquait-elle.
Lundi 25 juillet, la Néerlandaise de l’équipe Jumbo-Visma a remporté la deuxième étape du Tour de France, à Provins (Seine-et-Marne), endossant par la même occasion le maillot jaune d’une épreuve qui fait son grand retour, après plus de trente ans d’absence.
« Notre meilleure porte-parole »
Cette course, la native de Bois-le-Duc (’s-Hertogenbosch en néerlandais) l’appelait de ses vœux depuis de nombreuses années. Avec les cyclistes Kathryn Bertine, Emma Pooley et la triathlète Chrissie Wellington, elle en avaient fait une revendication dans les discussions avec Amaury Sport Organisation, le gestionnaire du Tour et l’Union cycliste internationale, pour assurer plus de parité dans la discipline.
« C’est notre meilleure porte-parole », résume la directrice de la course, Marion Rousse. Si l’ancienne championne de France voit davantage la Néerlandaise Annemiek van Vleuten repartir avec le maillot jaune, le 31 juillet, elle est convaincue que Marianne Vos sera l’une des actrices-clés de cette édition : « Elle va peut-être plus être là pour dynamiter les étapes que pour viser le classement général, mais elle va être hyperimportante dans le déroulé de l’épreuve. »
La Batave a connu un début d’année en demi-teinte : après un huitième sacre mondial fin janvier en cyclo-cross, à Fayetteville (Arkansas), sa reprise sur route a été contrariée par le Covid-19, ce qui l’obligera, au dernier moment, à renoncer à la « reine des classiques », Paris-Roubaix. Un crève-cœur pour celle qui était bien décidée à prendre sa revanche après sa 2e place, lors de l’édition inaugurale, en octobre 2021.
Treize titres mondiaux dans trois disciplines différentes
Son appétit de victoire, Marianne Vos le cultive depuis son plus jeune âge. C’est dans le sillage de son frère, Anton, qu’elle découvre la passion du cyclisme. Premier vélo à 6 ans, première course à 8 ans, premières victoires à 14 ans. Dès le début, elle a été louée pour sa force, pour sa vitesse et surtout pour son incroyable mental de gagnante.
« Quand j’ai gagné mon premier maillot arc-en-ciel, en 2004 [championne du monde sur route junior, à Vérone, en Italie], l’idée d’une carrière en tant que cycliste professionnelle a traversé mon esprit. Il n’y avait pas beaucoup de filles qui s’y consacraient à 100 %, mais j’ai décidé de tenter le coup et de faire de mon mieux », explique-t-elle, sur son site Internet.
Quatre ans plus tard, Marianne Vos devient, à 21 ans, la première cycliste à avoir enlevé un titre de championne du monde dans trois disciplines différentes : route, piste et cyclo-cross. Aujourd’hui, elle en cumule huit en cyclo-cross (en 2006, de 2009 à 2014 et en 2022), deux sur piste (la course aux points en 2008 et le scratch en 2011) et trois sur route (2006, 2012 et 2013).
Elle peut aussi se targuer, entre autres, d’avoir remporté par deux fois l’or olympique – la course aux points aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008, et la course en ligne, à Londres, en 2012 –, trois fois le général du Giro et cinq Flèche wallonne.
« Elle a fait beaucoup pour le cyclisme féminin, et son palmarès parle pour elle. Surtout, c’est une fille très sympathique qui ne se met jamais en avant », sourit Marion Rousse, qui l’a côtoyée lors de ses années passées dans le peloton professionnel.
Ce qui impressionne aussi dans la carrière de la Néerlandaise, c’est sa capacité à surmonter les revers pour durer au plus haut niveau. En 2015, Marianne Vos a souffert de problèmes de dos et n’a pu disputer que deux courses sur la saison. Mais elle revient l’année suivante, persévère et renoue avec la victoire avant de regagner, en 2019, le sommet de la hiérarchie mondiale.
« Etre sur le podium à ses côtés, c’est extraordinaire »
« Elle a été une source d’inspiration pour moi à bien des égards, depuis tellement d’années », avait salué Mark Cavendish, auteur lui aussi d’un impressionnant come-back, en 2021, après trois années de traversée du désert.
Henk Vos, le père de la championne, se souvient de cet été 1996 où le Tour de France avait fait escale à Bois-le-Duc, de l’excitation de sa fille alors âgée de 9 ans. De son envie de glaner les autographes de ses coureurs préférés. C’est désormais à son tour d’endosser le statut d’icône.
Tout juste sacrée championne du monde sur route, en septembre 2021, l’Italienne Elisa Balsamo (Trek-Segafredo), 23 ans, avait fait savoir, sur Eurosport, toute l’admiration qu’elle porte à Marianne Vos, qu’elle venait de devancer au sprint :
« Sur une de mes premières courses pro, j’ai demandé à prendre une photo avec elle. Alors être sur le podium à ses côtés, c’est extraordinaire. J’ai toujours été impressionnée par sa capacité à gagner tout type de course. Je pense qu’elle est un exemple pour tout le monde. »
Depuis les premiers coups de pédale de la petite Marianne, il y a près de trente ans, le peloton féminin s’est étoffé, spécialisé et professionnalisé. « Avant, il y avait juste Marianne Vos. Maintenant, on a aussi des sprinteuses, des puncheuses, des grimpeuses », plaisantait auprès du Monde, en 2021, la cycliste belge Jolien D’Hoore, désormais retraitée. La reine a dû apprendre à partager son trône. Pour son plus grand plaisir.