Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, renvoyé devant la Cour de justice de la République – il annonce se pourvoir en cassation –, puis le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, mis en examen : c’est un lundi difficile, sur le plan judiciaire, pour l’entourage d’Emmanuel Macron.
Si l’annonce est intervenue lundi 3 octobre, M. Kohler, 49 ans, est en réalité mis en examen depuis le 23 septembre, comme l’a précisé le procureur de la République financier, Jean-François Bohnert, dans un communiqué, confirmant une information de Franceinfo. La justice le soupçonne de « prise illégale d’intérêts » dans les relations entre l’Etat et le puissant opérateur de fret Mediterranean Shipping Company (MSC), l’un des leaders mondiaux du secteur.
M. Kohler est également placé sous statut de témoin assisté pour trafic d’influence dans ce même dossier. Il a fait savoir, par le truchement de son avocat, Me Eric Dezeuze, qu’il « conteste avec force avoir commis tout délit » pour des faits « pouvant remonter à plus de dix ans », et qu’il compte désormais « démontrer son innocence ».
Un camouflet pour le PNF
Cette décision est aussi un camouflet pour le Parquet national financier (PNF). En août 2019, il avait en effet classé sans suite une première enquête, ouverte à la suite de plaintes consécutives aux révélations de Mediapart sur cette affaire, estimant les infractions insuffisamment caractérisées. L’association Anticor s’était alors constituée partie civile, déclenchant l’ouverture d’une information judiciaire, le 23 juin 2020, confiée à deux juges d’instruction. Ces derniers ont décidé de passer outre les réquisitions du PNF, qui avait demandé l’abandon des poursuites.
« Cela démontre que les juges sont encore indépendants », se félicite Elise Van Beneden, la présidente d’Anticor. Pour autant, regrette-t-elle, « il faut en arriver à l’étape où l’on saisit ces juges, c’est la preuve que l’action d’associations comme Anticor est importante ».
Le fond de l’affaire repose sur la dissimulation par M. Kohler de ses liens personnels avec la famille Aponte, principale actionnaire de l’opérateur de fret maritime italo-suisse MSC et principal client des chantiers navals de STX France, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Les Aponte sont les cousins de la mère de l’actuel secrétaire général de l’Elysée.
Or, celui-ci a siégé au conseil d’administration du Grand Port maritime du Havre (GPMH) en tant que sous-directeur de l’agence des participations de l’Etat (2010-2012). Il a ainsi approuvé des contrats entre une filiale de MSC et le GPMH. S’il assure s’être mis à l’écart des négociations, des documents révélés par Mediapart montrent qu’il a bien participé aux réunions, ce que confirmait en partie l’enquête préliminaire. Il a également pu prendre des décisions en faveur de MSC en tant que membre des cabinets de Pierre Moscovici et Emmanuel Macron au ministère de l’économie. Autant de postes stratégiques, où il a pu influencer les choix de l’Etat.
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