La foule des grands jours se pressait, mercredi 12 octobre, dans la salle des fêtes de l’Elysée, venue assister à la décoration de Jean-Pierre Chevènement, qui avait refusé toute médaille par le passé. Avant de lui remettre les insignes de commandeur de la Légion d’honneur, Emmanuel Macron a rendu hommage au souverainiste, « sourcil de jais et regard grave », ayant incarné « l’esprit de la République ». « La République a votre rigueur têtue, votre patriotisme, a-t-il lancé devant un aréopage âgé et masculin. Elle a votre autorité morale, celle d’un homme qui n’a eu de cesse de dire sa vérité, souvent prémonitoire sur les crises géopolitiques, les crises de l’intégration, les défis industriels et les tentations nihilistes. »
Silhouette fragile mais résolue, l’ancien ministre de François Mitterrand, 83 ans, a écouté le discours debout, dédaignant le fauteuil qu’on lui avait installé. Juste avant, il a dit son amitié à ce jeune président qui avait voté pour lui en 2002 et qu’il a soutenu en retour à la dernière présidentielle. « J’ai vraiment pris conscience de votre valeur quand vous avez fait turbuler le système », a loué celui qui avait voulu rassembler « les républicains des deux rives » à la présidentielle de 2002.
« Revoir la famille »
Puis, les invités se sont mêlés sous la verrière. Parmi eux, d’anciens premiers ministres – Edith Cresson, François Fillon, Bernard Cazeneuve –, l’ancien ministre socialiste Hubert Védrine, l’ex-PDG d’Airbus Louis Gallois, le réalisateur Serge Moati, l’ex-conseiller élyséen Aquilino Morelle, le haut fonctionnaire Didier Leschi, ainsi que des anciens du Parti socialiste (PS) et du Ceres, l’ancien courant de Chevènement. « Ça me fait plaisir de revoir la famille même si elle vieillit », glisse Ségolène Royal. L’ex-candidate à la présidentielle de 2007 se souvient « comme si c’était hier » que le « Che » avait été « le premier dirigeant du PS » à la soutenir. Elle qui a appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon en avril se fait alpaguer par des socialistes mécontents. « Pourquoi vous préoccupez-vous de Mélenchon alors que c’est le bazar dans le pays ? », rétorque-t-elle, évoquant les files d’attente aux stations-service.
De son côté, Arnaud Montebourg se réjouit que la question de la souveraineté, chère à son « mentor », ait retrouvé une actualité. Lui s’entretient avec des invités du « risque Le Pen ». « Si Macron dissout, le RN [Rassemblement national ] revient avec 200 députés ! C’est quoi le plan B d’Emmanuel ? Quelle orientation donne-t-il à son mandat ? », s’inquiète l’ex-ministre, persuadé que l’« axe républicain » de Chevènement, « s’il devient une politique », pourrait aider à « éviter le pire ».