Dans un secteur en crise depuis des décennies, Indigo Publications est un oiseau rare: voilà un éditeur de presse bénéficiaire, en forte croissance et qui semble avoir plus de mal à recruter des journalistes que des abonnés.
Quentin Botbol a transformé avec succès la formule des lettres confidentielles, inventée 40 ans plus tôt par son père, le journaliste Maurice Botbol. Actionnaire majoritaire (à 80%) depuis l’été 2020, il assume la direction générale depuis janvier 2021. Sous la houlette de cet ingénieur de formation, au calme très réfléchi, le groupe a pris un virage en épingle à cheveux dès 2018 : d’une lettre hebdomadaire en PDF, La Lettre A s’est muée en un quotidien numérique. « C’était brutal », reconnaît aujourd’hui en souriant le directeur général de 35 ans. Publiés en français et en anglais, les deux autres titres, Africa Intelligence et Intelligence On Line, ont suivi le même chemin. Cette digitalisation s’est accompagnée d’un élargissement de l’audience : réservés autrefois aux seuls dirigeants, les trois quotidiens ciblent largement les cadres, du privé ou du public. Finie aussi l’époque où la Lettre A était bouclée dans l’urgence par une toute petite équipe. Les effectifs ont grossi, la publication s’est professionnalisée.
16 procès en cours contre le groupe, 20 procès gagnés
La ligne éditoriale, elle, n’a pas changé : Indigo Publications vend sous forme d’abonnements une information exclusive. La Lettre A révèle les dessous de l’économie, des médias et de la politique en France, Intelligence on Line décrypte les opérations du renseignement partout dans le monde, Africa On Line enquête sur les réseaux d’influence en Afrique » Nous couvrons ce que nous appelons les trois pouvoirs : la politique, les médias, l’économie « , résume Quentin Botbol. Les services français achètent un nombre important d’abonnements.
Exclusives, les enquêtes sont souvent explosives. En témoignent 16 procès en cours contre le groupe- qui par le passé a gagné les 20 procès, le plus souvent en diffamation, menés contre lui. « On nous décrit souvent comme des « emmerdeurs » », sourit Quentin Botbol. En juillet 2021, La Lettre du Continent (fusionnée au sein d’Africa Intelligence depuis) a par exemple été relaxée face au président ivoirien Alassane Ouattara. La Lettre A avait également fait l’objet d’une plainte du mouvement En Marche !, après la publication d’un article sur les donateurs ayant soutenu le parti d’Emmanuel Macron.
Transparence sur les comptes
L’information a un prix : 1.200 euros l’abonnement annuel, 600 euros pour Glitz, la petite dernière, un hebdomadaire sur le luxe. Une équipe de 15 commerciaux fait grossir une clientèle française (groupes du CAC40, DGSI, parlementaires…) comme internationale (ONU, FMI, Departement of States…) en proposant des licences multiples à prix dégressifs. Le groupe investit chaque année en développements informatiques et surtout en ressources humaines. En 2023, les quatre publications – 50 journalistes et 130 pigistes – prévoient une vingtaine d’embauches.
Une martingale très efficace : au rythme de 20% de croissance annuelle (25% pour la lettre A), Indigo Publications, qui tient à la transparence sur ses comptes, a réalisé 7 millions de ventes fin 2022. L’éditeur compte dépasser les 10 millions d’euros en 2024. Qui a dit que la presse allait mal ?