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GenèvePoliciers cogneurs confondus par les «images de la honte»
Filmés par la vidéosurveillance, deux agents ont frappé un dealer lors d’une interpellation. Le prévenu principal lui a brisé la mâchoire et a caché l’incident dans son rapport.
Une violence «inutile», des coups «disproportionnés» et un rapport d’arrestation «intentionnellement» incomplet ont conduit la justice à condamner deux policiers, mardi, suite à l’interpellation mouvementée d’un dealer en 2017 (cf. encadré ci-dessous). Le Tribunal de police a confirmé les sanctions prises par ordonnance pénale, que contestaient les prévenus: soit des jours-amende avec sursis. Leur durée et les montants ont toutefois été légèrement réduits (100 jours-amende à 160 francs le jour, et 50 jours-amendes à 130 fr. le jour).
L’intensité du coup en question
Le prévenu principal, D. a été reconnu coupable de lésions corporelles simples, d’abus de pouvoir et de faux dans les titres. Il a brisé la mâchoire du revendeur de drogue lors de son interpellation. Sans contester le coup, il ne se «rappelle pas une frappe aussi franche; c’était juste pour déstabiliser» le fuyard. De quoi faire bondir Me Dina Bazarbachi, avocate de la victime. La scène a été filmée par des caméras de vidéosurveillance. «Ces images de la honte montrent un coup d’une violence inouïe» de la part d’un prévenu qui, tout au long de l’instruction, «a accumulé les mensonges, les contradictions et a minimisé ses actes».
Avocate du policier, Me Stéphanie Francisoz Guimaraes a décrit une situation où son client «a eu moins de deux secondes pour décider quoi faire alors qu’il était seul et se sentait menacé par un individu qui ignorait ses injonctions». Le juge ne l’a pas suivi. Le coup était «disproportionné» et «inutile», car les vidéos le montrent, le dealer «ne semblait pas agressif» à cet instant.
«Une faute professionnelle»
Et puis, il y a ce rapport d’arrestation. À l’intérieur, nulle mention de l’incident. «C’est une faute professionnelle, s’est repenti D. Après une journée harassante, j’ai été interrompu dans ma rédaction puis j’ai oublié de signaler le coup. J’aurais dû. Ensuite, je n’ai pas eu le courage d’assumer mon erreur.» C’est une négligence, a concédé son avocate, mais l’agent «n’avait pas l’intention de tromper». Cela n’a pas été l’avis du tribunal.
Recours
Le deuxième policier, lui, a donné un coup de pied à l’homme à terre. Les images de la scène ne sont pas totalement explicites mais le faisceau d’indices est suffisant pour sanctionner le policier d’abus de pouvoir, a estimé le juge. La défenseuse du prévenu principal hésite à faire appel. Avocat de l’autre accusé, Me Jean-Francois Marti a d’ores et déjà annoncé un recours.
Course poursuite mouvementée
Le 6 avril 2017 vers 19h40, les deux prévenus se lancent à pied à la poursuite d’un dealer. À la hauteur du 29 rue de la Coulouvrenière, au centre-ville, le fuyard s’arrête net et se retourne. D. le frappe alors du poing et lui casse la mâchoire; l’homme tombe au sol. Arrivé sur les lieux, l’autre policier lui donne un coup de pied au visage, sans causer de lésions. Dans son rapport d’arrestation, sous la rubrique «usage de la force/contrainte», le premier agent n’a pas évoqué sa frappe au visage. Il contestera les faits jusqu’à que, confronté à des images de vidéosurveillance, il admette avoir cogné.