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GenèveLe patron «mégalo et colérique» réclame son acquittement
Un chef d’entreprise qui se serait enrichi au détriment de ses ouvriers durant des années a été jugé mardi, en son absence. Le Parquet a demandé sept ans de prison ferme à son encontre.
Le procès d’un homme «qui s’est enrichi sur le dos de bien trop de personnes» s’est enfin tenu mardi à Genève. Le prévenu, ex-patron d’une entreprise de bâtiment, également actif dans la restauration et la vie nocturne, est poursuivi pour par moins de 19 chefs d’accusation (lire encadré). D’entrée de jeu, le Ministère public a posé le décor, décrivant «un mégalomane colérique prêt à tout pour obtenir ce qu’il veut».
«Un système bien rodé»
Bête noire du syndicat SIT depuis 2016 pour ses méthodes jugées «mafieuses», le Kosovar de 53 ans a une fois encore déserté le banc des accusés, après avoir déjà fait faux bond à deux reprises, invoquant le Covid, puis un AVC. Cette fois, pas d’excuse de dernière minute, mais qu’importe. Les débats ont été maintenus, malgré son absence.
Aux yeux du Parquet, pas de doute, cet «homme de pouvoir avait mis en place un système bien rodé pour profiter des gens». Entre 2015 et 2016, il aurait ponctionné plus de 1,2 million de francs de sa boîte, en versant des sommes vers une société écran, également à son nom, ou en retirant directement l’argent, sans justification. Une pratique qui a mené la boîte à la faillite deux ans plus tard, plongeant les employés dans la précarité. Car durant toutes ces années, les travailleurs qui œuvraient à son service étaient traités de «manière inhumaine».
Une année de salaires impayés
Sous-enchère salariale, non-paiement des cotisations sociales, des vacances, des 13es salaires ou encore du deuxième pilier. «L’homme a pillé la République et ceux qui la bâtissent», a résumé Me Olivier Peter, avocat d’un ancien employé qui réclame justice depuis six ans. Pour le poseur de sol défendu par Me Clémence Jung, «si on fait le calcul, au total, c’est l’équivalent d’une année de salaire qui ne lui a jamais été versé, soit 74’000 francs». Le prévenu, qui faisait souvent appel à des étrangers en situation irrégulière «sans le savoir», payait certains employés «jusqu’à 3000 francs de moins que le salaire prévu dans la branche». «L’État aussi est gravement lésé dans cette affaire», assure Olivier Peter. Selon son estimation, les délits du prévenu auraient causé pour «4 à 6 millions de dommages» à la Ville.
Un homme qui voulait sauver sa boîte
Mais la défense donne une tout autre image de son client. Ce self-made man, qui a monté des boîtes florissantes (ses sociétés ont été mises en faillite en 2018) aurait agi de la sorte pour «sauver l’entreprise et faire face à ses responsabilités. C’était ça où la faillite et le licenciement de tous les employés», a assuré son avocate Me Ioana Balas. Et d’ajouter que l’accusé «regrette sincèrement d’avoir causé la détresse de ses employés».
Le prévenu encourt 7 ans de prison et 15 ans d’expulsion du pays. De son côté, la défense, qui rejette presque toutes les accusations, demande l’acquittement, voire le sursis. Les juges trancheront mercredi après-midi. Un verdict très attendu par les syndicats, qui espèrent une condamnation exemplaire pour ériger cette affaire en symbole de la lutte contre les pratiques patronales abusives, trop fréquentes dans le secteur de la construction genevois.
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