in

En pleine croissance démographique, les mégapoles africaines face au besoin de transports en commun

En pleine croissance démographique, les mégapoles africaines face au besoin de transports en commun


Des minibus Danfo, réseau informel de transport public à Lagos, à la station Ojodu-Berger, le 19 octobre 2022.

A Lagos, Tade Balogun doit planifier ses déplacements bien en avance pour s’éviter le calvaire d’attendre des heures dans des embouteillages monstres qui paralysent la ville de 20 millions d’habitants aux services publics quasi inexistants. Chaque jour, il part au travail avant l’aube, finit sa journée et attend jusqu’à 21 heures pour éviter les monstrueux « go-slow » faits de milliers de voitures et de camions sur des routes abîmées où les vendeurs à la sauvette se faufilent dangereusement entre les voies.

Lire aussi : Les villes d’Afrique face à leur avenir

Comme ce consultant de la capitale économique du Nigeria, beaucoup en Afrique doivent jongler avec l’absence ou l’inefficacité des transports en commun que les autorités locales essaient de développer, un défi immense mais vital à l’heure où le continent est confronté à une urbanisation croissante et à une explosion démographique. Selon les Nations unies, la planète comptera bientôt 8 milliards d’humains. A la fin du siècle, les trois villes les plus peuplées au monde seront africaines.

Déjà l’une des villes abritant le plus d’âmes sur le continent, Lagos deviendra la plus peuplée au monde en 2100, selon une étude. La façon dont elle gérera cette explosion démographique pourrait inspirer les autres mégapoles africaines, comme Kinshasa ou Dar es-Salaam, qui compléteront le podium des villes les plus peuplées au monde en 2100. L’Etat de Lagos assure avoir des plans ambitieux – que les sceptiques qualifient de « fantaisistes » –, notamment la création d’un nouvel aéroport et d’un réseau de transports publics (trains, bus, ferrys).

Mais comment intégrer les vastes réseaux informels de transports dont dépendent des millions de personnes ? Comment fournir des logements et de l’électricité ? Autant de questions posées par les urbanistes tant les défis sont immenses. Effectuer un recensement serait une première étape, rendue compliquée par le nombre de quartiers informels, explique Muyiwa Agunbiade, professeur de développement urbain à l’université de Lagos : « Si vous ne connaissez pas le nombre d’habitants, c’est difficile pour nous de planifier. »

La population de Dar es-Salaam va doubler d’ici à 2030

L’Institut des « Global Cities » de l’université de Toronto estime que les trois villes les plus peuplées au monde en 2025 seront situées en Asie : Tokyo, Bombay et Delhi. Progressivement, les villes africaines prendront ensuite le relais. Le mois dernier, la présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, a alerté sur les défis posés par cette démographie galopante, la population de Dar es-Salaam, la capitale économique, devant doubler pour atteindre les 10 millions d’ici à 2030.

De son côté, Lagos, économie majeure en Afrique de l’Ouest, devrait abriter 88 millions d’habitants dans quatre-vingts ans seulement, soit plus que la population actuelle de l’Allemagne. « Pour que l’économie de n’importe quelle ville prospère, votre système de transport doit être adéquat et efficace », insiste auprès de l’AFP Abimbola Akinajo, la directrice de l’autorité des transports de l’Etat de Lagos : « C’est une grande partie de ce que nous devons mettre en place pour que la ville fonctionne correctement. »

Lire aussi : La pollution de l’air, un « tueur silencieux » dans les villes africaines

Mais certains quartiers se transforment en une masse chaotique de véhicules s’évitant les uns les autres, en particulier les minibus jaunes Danfo omniprésents, réseau informel de transport public. « Le Nigeria est-il censé être OK comme ça ? Tous ces embouteillages… », souffle Ayo Babatunde Ogunleyimu, conducteur d’un Danfo plein à craquer. Lagos a beau être une puissance économique et abriter les superstars de l’afropop, ses habitants bricolent pour avoir accès à l’eau et l’électricité. Lindsay Sawyer, du département d’urbanisme de l’université de Sheffield, assure que pour offrir des transports durables à Lagos, il faut maintenir des coûts bas. « Les Danfo sont toujours présents partout parce qu’ils restent l’option la plus abordable », estime-t-il.

Depuis des années, les autorités de Lagos peinent à finaliser une ligne ferroviaire, longtemps retardée. Abimbola Akinajo admet des problèmes de financement mais assure que la première partie de la « Blue Rail Line » sera terminée d’ici à la fin d’année. « Le plus gros problème est celui de la mise en œuvre », insiste le professeur Agunbiade ; mais si la ligne fonctionne, « cela changera radicalement la donne ».

Lagos essaie de développer un réseau de ferrys

En Tanzanie, Dar es-Salaam a déjà enregistré plusieurs succès avec ses lignes de bus rapides qui, grâce à des routes élargies, ont réduit la congestion sur une artère principale. « Les bus rapides nous aident, témoigne Saidi Jongo, un habitant. Au moins, plus d’embouteillages ! »

Pour ce qui est de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), la donne est tout autre. Une guerre civile au début des années 2000 et des violences en 2016 ont ajouté des déplacés à une population galopante. Des masses de gens y « font les pieds » (marchent) sur de longues distances, tandis que les routes sont souvent bloquées en raison d’embouteillages monstres. En mauvais état dans la plupart des cas, les transports en commun, assurés par des taxis et des minibus, sont surnommés « esprit de mort ».

Lire aussi : A Kinshasa, des citadins s’attaquent à l’immense défi de l’assainissement

« Quand on voit la taille des embouteillages et la masse de gens qu’il y a autour, on se rend compte que le transport routier ne peut pas résoudre le problème de mobilité de la population », estime Martin Lukusa, directeur général de la Société commerciale des transports et ports (SCTP), une entreprise publique.

Lagos essaie par exemple de développer un réseau de ferrys sur ses lagunes. Mais les financements sont quasi introuvables car le coût de transport est plus élevé. Alors la plupart des habitants de la banlieue, harassés, attendent toujours de meilleures solutions. « C’est une maison de fous ! », s’énerve Ochuko Oghuvwu, gérant d’un courtier en Bourse qui fait vingt heures de trajet par semaine : « A l’heure qu’il est, Lagos devrait avoir une ligne de métro. »

Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traités par la rédaction du « Monde Afrique ».

Le Monde avec AFP

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Nouveaux heurts à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan avant des pourparlers

Nouveaux heurts à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan avant des pourparlers

Plus de 32 heures d’attente pour prendre l’avion à l'aéroport de Québec

Plus de 32 heures d’attente pour prendre l’avion à l’aéroport de Québec