Le Parlement argentin examine durant plusieurs jours le train de réformes dérégulatrices du nouveau président Javier Milei. Des milliers d’opposants ont manifesté mercredi, à l’appel de mouvements sociaux et de gauche radicale. Selon la présidente du FMI, le nouveau chef de l’État a pris « des mesures audacieuses » pour la croissance.
Publié le : 31/01/2024 – 18:27
Modifié le : 01/02/2024 – 02:51
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Le test de la rue, puis des élus : en Argentine, le Parlement va poursuivre, jeudi 1er février, l’examen des réformes dérégulatrices du président ultralibéral Javier Milei, un projet déjà fortement amendé par un exécutif contraint aux compromis parlementaires et voué à un débat de plusieurs jours.
Après douze heures de débats, la Chambre des députés a suspendu la veille les discussions animées sur ce texte, à la fois volumineux et polémique. Une session marathon est prévue sur plusieurs jours, avec près de 200 orateurs.
« Le projet est polémique mais seulement pour ceux qui veulent conserver leurs privilèges », a assuré José Luis Espert, un des députés du parti présidentiel, La Libertad Avanza, qui ne constitue que la troisième force au Parlement.
À l’extérieur, quelques milliers d’opposants aux réformes ont manifesté mercredi, à l’appel de mouvements sociaux et de gauche radicale. Quelques heurts ont opposé en fin de journée une partie des manifestants à la police, qui dégageait les axes proches du Parlement et a fait usage de gaz lacrymogène, a constaté l’AFP.
Mobilisation toutefois sans commune mesure avec la grève générale et les manifestations dans plusieurs villes du 24 janvier, un mois et demi après l’investiture de Milei.
Le train de réformes touchait presque tous les domaines, du système électoral à l’éducation, de la culture aux privatisations, au code pénal, commercial, à la légitime défense, la lutte contre les incendies, le divorce, le statut des clubs de football. Après des semaines de tractations, il a été amputé de moitié, notamment d’une série de réformes fiscales cruciale et la modification controversée de l’indexation des retraites.
Quels super-pouvoirs ?
Restent des points de contentieux : les privatisations – le géant pétrolier YPF en a été exclu mais 40 entreprises restent visées -, et la délégation temporaire de pouvoirs accrus à l’exécutif au nom de « l’urgence économique » et sociale.
Les députés devaient dans un premier temps, jeudi sans doute, procéder à un vote dit « général », sur le principe de la loi, avant l’examen des articles dans le détail. Le scénario reste incertain : des députés de l’opposition centriste sont prêts à donner « des possibilités de gouverner » à l’exécutif, mais restent réticents sur la délégation de pouvoirs, sa durée, son extension. Pour Martin Tetaz, « un tiers du projet va avoir des difficultés à être approuvé » en l’état et son bloc exigera des modifications.
Dans l’opposition de gauche, le député Hugo Yasky a exhorté la Chambre à ne pas voter la délégation de pouvoirs, « chèque en blanc à un admirateur de Vox, Bolsonaro, Trump et de toute l’extrême droite du monde ».
« Aujourd’hui, la politique a l’opportunité de commencer à réparer le dommage qu’elle a causé au peuple argentin », a lancé le président Milei sur le réseau social X.
Stagflation
Javier Milei, un économiste de 53 ans se définissant comme « anarcho-capitaliste », a bousculé la politique argentine en deux ans d’ascension éclair – député en 2021 puis président en novembre 2023 – avec un programme de dérégulation et de « tronçonnage » d’un « État ennemi » et dispendieux.
« Il n’y pas de plan B » à l’austérité budgétaire, a-t-il encore martelé ces derniers jours, pour stabiliser une économie endettée et étranglée par une inflation chronique, à 211 % en 2023.
De fait, ses mesures les plus fortes à ce jour affectent déjà le quotidien de millions d’Argentins : une dévaluation de plus de 50 % du peso en décembre, des prix « libérés » – que le gouvernement précédent tentait d’encadrer tant bien que mal – et la fin des subventions aux transports, à l’énergie notamment.
Premier impact concret : une inflation mensuelle record à 25 % en décembre. Javier Milei lui-même a prévenu que les choses « allaient empirer » dans un premier temps, avec une « stagflation » (stagnation de l’activité combinée à une inflation élevée) en 2024.
La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a estimé mercredi que le gouvernement prenait « des mesures audacieuses pour restaurer la stabilité macroéconomique et commencer à s’attaquer aux obstacles à la croissance ».
Le FMI qui anticipait 2,8 % de croissance en Argentine en 2024, a toutefois révisé ses prévisions et projette une récession à – 2,8 %, de la troisième économie d’Amérique latine, sous l’effet des mesures d’austérité. Le pays serait ainsi le seul du G20 en récession en 2024, avant une reprise à + 5 % en 2025, selon le Fonds.
Avec AFP