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Deux magistrates jugées après le suicide d’un détenu

Deux magistrates jugées après le suicide d'un détenu



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Eric Hager s’est suicidé dans sa cellule en juin 2015 après avoir appris qu’il était maintenu en détention. La décision de justice qui le laissait pourtant libre avait été modifiée par deux magistrates.

La famille d’Eric Hager dit n’avoir que très peu confiance en la justice. Pour cette raison, elle ne prendra pas place ce mercredi sur le banc des parties civiles du tribunal correctionnel de Lyon malgré une bataille de sept ans pour obtenir le procès de deux magistrates qu’elle tient pour responsable de la mort de leur fils.

Le 12 juin 2015, Eric Hager, qui s’apprêtait à fêter ses 50 ans, se suicide en prison. Cet homme sous tutelle, souffrant de diabète et sans emploi, venait d’être jugé pour avoir poignardé le concubin de sa mère après une journée à boire de l’alcool. Après neuf mois de détention provisoire, il est condamné à 24 mois de prison dont 18 mois ferme par le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc. A l’audience, aucun mandat de dépôt n’est requis ni prononcé.

« Son avocate de l’époque lui annonce qu’il va donc pouvoir sortir de prison le jour même », reprend pour BFMTV.com Me Stéphane Giuranna, avocat de la famille d’Eric Hager.

Modification de la fiche pénale

Sans mandat de dépôt prononcé, reste en effet à un juge d’application des peines d’aménager ou non les neuf mois ferme qu’il lui restait à purger. Eric Hager, sous escorte, traverse donc la rue qui sépare le tribunal de Bar-le-Duc de la prison pour récupérer ses affaires. Là, le greffier se questionne à la lecture de la fiche pénale. Pourquoi cette fiche ne mentionne pas un maintien en détention?

Cette question, il va la poser à la substitut du procureur qui a représenté le ministère public à l’audience d’Eric Hager. Il retrouve la magistrate vers 13h-13h30 en discussion avec la présidente de la cour qui a prononcé le jugement du quinquagénaire, avec deux auxiliaires de gendarmerie. Selon les témoignages, les deux femmes discutent de cette situation entre 4 et 10 minutes. Certes, la cour avait discuté de la détention, sans finalement trancher. La magistrate du parquet décide alors de modifier la fiche pénale du prévenu pour y rajouter la mention « maintien en détention ».

Le greffier pénitentiaire revient à la prison, informe un surveillant qu’Eric Hager reste en prison. L’homme téléphone à sa mère et lui lance « je vais m’accrocher ». Quelques minutes plus tard, il est retrouvé pendu avec ses lacets dans sa cellule.

Pas de sanction de leur hiérarchie

L’affaire n’est pas ébruitée, l’avocate d’Eric Hager est prévenue le lendemain du décès de son client. Le parquet général de Nancy informe sa hiérarchie. Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi quelques mois plus tard pour évaluer si les magistrates doivent être sanctionnées. Le 13 juillet 2017, l’institution tranche: certes une erreur a été commise mais « le prononcé d’une sanction ne paraît pas justifié » pour des magistrates à la carrière encore courte mais exemplaire.

« Elle a ce faisant, manqué à son devoir de rigueur et de légalité; mais attendu que les faits ainsi qualifiés présentent un caractère isolé dans le parcours d’un magistrat qui ne disposait alors que d’une faible expérience, pour n’avoir été nommée dans ses fonctions, à la suite d’une intégration dans le corps judiciaire, que trois mois auparavant; dans ces conditions, le prononcé d’une sanction n’apparaît pas justifié », écrit le CSM.

« A ce moment-là, la famille se dit qu’Eric Hager ne vaut rien », explique Me Stéphane Giuranna qui accompagne ses clients depuis cette date pour obtenir un procès. Une première plainte est déposée. Le dossier est délocalisé à Epinal. Mais au terme de l’enquête, la plainte est classée sans suite, pour erreur de droit, une clause qui exonère de poursuites au même titre que la légitime défense, par exemple. En clair, le parquet d’Epinal estime que les magistrates ont cru au bien fondé de leur acte.

« Ces magistrates ont fait des études de droit, ont suivi une formation à l’École nationale de la magistrature, je ne peux croire à une erreur de droit », s’agace Me Giuranna.

Pas de caractère intentionnel

En mai 2019, la famille d’Eric Hager persiste et dépose plainte avec constitution de partie civile. Ce qui engendre automatiquement la désignation d’un juge d’instruction. Au terme d’une nouvelle bataille judiciaire, c’est dans le bureau d’un magistrat lyonnais que le dossier arrive. Un juge qui a renvoyé les deux magistrates, l’une actuellement en poste à Chartres, l’autre candidate à la présidence d’une cour d’assises. Il a toutefois prononcé un non-lieu concernant les poursuites pour « homicide involontaire ».

« S’il y avait eu une sanction, la famille d’Eric Hager aurait laissé tomber, estime leur avocat. Pour cette famille, c’est insupportable, elle ne veut pas croire qu’il est mort pour rien. »

L’audience de mercredi devant le tribunal de Lyon va donner lieu à un véritable débat de juristes. La magistrate qui a ajouté la mention « maintien en détention » reconnaît, par l’intermédiaire de son avocat contacté par BFMTV.com, avoir modifié la fiche pénale mais nie le caractère intentionnel et la volonté d’avoir voulu faire un faux.

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