Le transporteur Air Canada n’a pas l’intention de s’inscrire au programme de francisation de l’Office québécois de la langue française, préférant attendre l’adoption accélérée de la réforme fédérale des langues officielles, qui lui permettra de se soustraire à la loi 101.
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Les grandes entreprises de juridiction fédérale de 50 employés et plus ont jusqu’au 1 décembre pour s’inscrire auprès de l’OQLF, en vertu de nouvelles exigences découlant de réforme de la langue française.
Or, Air Canada, mais aussi le Canadien Pacifique, le Canadien National, ou Via Rail ne sont toujours pas inscrits auprès l’Office, selon sa porte-parole, Chantal Bouchard.
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Choisir son camp
Québec et Ottawa sont engagés dans un long bras de fer sur les langues officielles, forçant les entreprises sous juridiction fédérale à choisir leur camp.
Le gouvernement Legault veut soumettre ces dernières à la nouvelle loi 101 pour qu’elle s’applique à tous au Québec.
De son côté, le gouvernement Trudeau souhaite empêcher Québec d’imposer sa volonté en les maintenant dans le giron fédéral.
Air Canada et les autres transporteurs nationaux semblent déjà pencher vers la législation Ottawa.
Pour le bloquiste Mario Beaulieu le régime linguistique du Québec devrait avoir présence, puisque selon lui, la réforme libérale «vient renforcer le bilinguisme» et non le français.
«La Loi sur les langues officielles est un des principaux facteurs d’anglicisation du Québec. Moi je pense qu’on ne peut pas continuer comme ça», dit-il en entrevue.
Air Canada préfère Ottawa
Pour sa part, Air Canada déclare être «déjà assujettie à la Loi sur les langues officielles par sa loi constitutive, et a la responsabilité d’assurer, au quotidien, l’application de ses obligations linguistiques».
Les lobbyistes d’Air Canada ont rencontré le gouvernement à 13 reprises depuis le début de l’année pour faire valoir leur point de vue sur la loi C-13, soit la grande réforme de la Loi sur les langues officielles.
Le transporteur canadien souhaiterait d’ailleurs «un régime uniforme et cohérent» pour que ses obligations linguistiques soient partagées avec l’ensemble des lignes aériennes.
Seule la filiale Vacances Air Canada détient une certification de l’OQLF puisqu’elle est de juridiction provinciale.
Un succès mitigé pour l’instant
L’OQLF affirme que quelque 800 entreprises de compétence fédérale ont été contactées depuis le mois de juillet «pour les informer des nouvelles obligations auxquelles elles étaient soumises, dont celles d’entreprendre une démarche de francisation si elles employaient 50 personnes ou plus».
En date de vendredi dernier, 80 % d’entre elles sont entrées en communication avec l’OQLF et une centaine seulement se sont inscrites à la démarche de francisation avant le délai prévu.
Une douzaine d’autres ont fait savoir à l’organisme qu’elles préféraient attendre l’adoption de la réforme fédérale avant de poursuivre leurs démarches avec Québec.
Des limites au débat
Celles-ci pourraient s’avérer chanceuses, puisque les libéraux et les néodémocrates du comité sur les Langues officielles ont voté pour circonscrire les discussions d’ici au 1er décembre, après quoi les amendements seront soumis au vote sans débat.
Selon une source libérale près du dossier, l’accélération du processus est d’adopter le projet de loi avant les vacances des Fêtes et n’a aucun lien avec l’échéancier du 1er décembre prévu par l’OQLF. La demande vient des communautés minoritaires francophones, qui exigent que le fédéral presse le pas pour protéger leur langue, dit-on.
«Ils veulent faire ça rapidement. On en a très peu parlé au Québec de la Loi linguistique fédérale», déplore Mario Beaulieu, selon qui des «dizaines d’autres témoins» n’auront pas la chance d’être entendus.
Pour la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, « la modernisation de la Loi sur les langues officielles est un travail de longue haleine qui a débuté dès 2019. Depuis les quatre dernières années, des centaines d’intervenants et partenaires ont été consultés et ont participé à l’amélioration de cette loi modernisée qui fera une réelle différence dans la vie des Canadiens ».
« Le projet de Loi C-13 contient la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, applicable au Québec et dans les régions à forte présence francophone à l’extérieur du Québec », précise-t-elle dans une déclaration écrite.
Le gouvernement se dit encore ouvert à appuyer certains amendements, sans préciser lesquels.