En feuilletant L’ADN, nous sommes tombés sur un article accrocheur : délocaliser les datacenters dans l’espace serait une solution envisagée pour limiter leur impact environnemental.
Partant du principe que ces centres de données — toujours plus nombreux — consomment 10 % de l’énergie mondiale et génèrent 4 % des gaz à effet de serre selon l’University of Quebec’s College of Technology, on apprend que l’Union européenne envisage “des installations de traitement et de stockage extraterrestres via un projet baptisé ASCEND (Advanced Space Cloud for European Net zero emission and Data sovereignty)”.
Connexion haut débit et conquête spatiale
En installant les datacenters en orbite et en les alimentant en électricité produite par des centrales solaires “de plusieurs centaines de mégawatts”, on pourrait a priori fortement réduire l’impact écologique de ces infrastructures. Après tout, les satellites en orbite basse de SpaceX fournissent déjà une connexion Internet haut débit pour les abonnés à Starlink. L’évolution rapide des technologies réseaux permet donc d’envisager concrètement un tel scénario.
Au sein du projet ASCEND, avec l’aide de Thales Alenia Space, on travaille donc sur le processus de lancement par fusées des pièces nécessaires à l’assemblage automatique de ces centres de données par des robots. Deux prérequis sont mis en avant : la faisabilité du projet, de sa mise en œuvre à son exploitation et son entretien, et la preuve de son intérêt écologique, dont le coût environnemental total devra être inférieur à l’exploitation des datacenters sur Terre.
De sacrés défis en perspective
Et c’est bien là que nous avons d’énormes doutes, pour ne pas dire que nous considérons ce projet comme une fuite en avant technologique déraisonnable. Selon les initiateurs du projet, installer un datacenter dans un environnement beaucoup plus froid réduirait drastiquement sa facture énergétique. En effet, le refroidissement représente jusqu’à 50 % de la consommation électrique de ces infrastructures, avec une énergie qui reste très majoritairement produite par des sources fossiles à l’échelle mondiale. Or s’il fait jusqu’à -157 °C à l’extérieur de la Station spatiale internationale à 408 km d’altitude, cette température peut monter à 121 °C sous l’effet des rayons du Soleil. L’amplitude thermique d’environ 280 °C poserait à n’en pas douter un sacré défi puisque le matériel informatique n’est pas conçu pour fonctionner à des températures aussi extrêmes.
Cela répond aussi à une problématique d’artificialisation des sols, les datacenters prenant beaucoup de place. Mais quid des énormes ressources à engager pour y parvenir. Il faudrait compter sur l’impact écologique lié à la conception, la fabrication et l’entretien de tout le matériel nécessaire, les interventions incessantes de robots pilotés depuis la Terre, sans oublier le coût CO2 des lancements pour mettre en orbite aussi bien les racks de stockage que les panneaux de ces hypothétiques fermes solaires orbitales.
Des lancements de fusée à fort impact environnemental
Car oui, les lancements de fusées ont une empreinte carbone démesurée, du moins celles dont les moteurs ne fonctionnent pas avec le duo hydrogène/oxygène. On parle alors de 200 à 300 t d’équivalent CO2 pour la seule consommation de carburant d’un lanceur moyen au décollage. Une fourchette qui, bien sûr, n’englobe pas le coût environnemental de la fabrication de ces équipements, encore plus grand. De même, l’émission de gaz a d’autres effets nocifs, comme leur impact sur la couche d’ozone. Heureusement, il n’y a en moyenne qu’un lancement de fusée tous les trois jours dans le monde. On est très loin des 100 000 décollages d’avions quotidiens, mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’en soucier.
Autant de paramètres qui nous laissent grandement dubitatifs et très curieux de la mission de démonstration qui devrait intervenir courant 2026. Les autorités européennes, elles, semblent réellement croire que les technologies spatiales seront des accélérateurs de la décarbonation des activités humaines. Ce programme est même cité parmi les initiatives qui doivent permettre de respecter le Green New Deal, cet engagement selon lequel l’UE sera neutre en carbone à l’horizon 2050. Heureusement, d’autres mesures plus concrètes seront également mises dans la balance.