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De tristes records pour la santé des lacs québécois

De tristes records pour la santé des lacs québécois


Le nombre de lacs dont l’état est jugé très préoccupant atteint un sommet depuis que Le Journal présente son grand dossier estival. Et les problèmes des algues bleu-vert semblent empirer.

Ces données ne sont pas seulement inquiétantes pour l’environnement. Un lac en mauvaise santé a des impacts économiques considérables et peut même faire baisser la valeur des propriétés. Nous nous sommes particulièrement intéressés à cet aspect cette année dans notre dossier. 

Selon les plus récentes données du Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL), soit pour l’année 2021, on compte maintenant 21 lacs dans un état très préoccupant. Ils sont en train de mourir, en quelque sorte. Il y a 4 ans, lorsque nous avons réalisé ce premier palmarès, nous en comptions 15.


La traînée laissée par un bateau sur le lac Saint-Augustin, près de Québec, montre l’ampleur du problème de cyanobactéries en 2020.

Photo Courtoisie

La traînée laissée par un bateau sur le lac Saint-Augustin, près de Québec, montre l’ampleur du problème de cyanobactéries en 2020.

POINTE DE L’ICEBERG

La surveillance de la qualité des lacs repose encore sur des bases fragiles. Elle dépend du travail de bénévoles, et c’est loin d’être l’ensemble des 3,6 millions de plans d’eau douce québécois qui sont analysés. 

En 2021, la qualité de l’eau de 458 lacs a été analysée, un sommet depuis la création du RSVL en 2004. 

Le fait que le Ministère assume, depuis l’an dernier, 75 % des coûts des analyses a pu mobiliser des organismes qui devaient payer entièrement de leur poche. 

«Il y a un manque de financement, il y a un manque de connaissances et le RSVL, on ne se le cachera pas, c’est un minimum, déplore Mélanie Deslongchamps, directrice générale de l’organisme AGIRO, qui intervient dans le bassin versant de la rivière Saint-Charles à Québec. Et ce sont les citoyens qui paient pour ça. Ça fait un suivi pas trop cher pour le gouvernement, mais ce n’est pas un portrait réel.» 


Mélanie Deslongchamps, DG de l’organisme AGIRO.

Photo Stevens LeBlanc

Mélanie Deslongchamps, DG de l’organisme AGIRO.

Les problèmes de cyanobactéries (algues bleu-vert) semblent s’aggraver. «L’année dernière a été la pire année au lac Saint-Charles, précise Mme Deslongchamps. On n’a jamais eu autant de floraisons de cyanobactéries que l’année passée. On se parle entre organismes et on se disait tous que c’était une grosse année. Le lac Saint-Augustin était épouvantable.» 

Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal, qui mène actuellement un des plus grands projets de recherche sur les cyanobactéries au monde, demeure plus prudent. «Ce n’est pas facile d’avoir une évaluation quantitative pour toute l’année pour tout le Québec, mais il n’y a aucune indication que ça s’améliore», dit-il. 


Sébastien Sauvé, chercheur à l’Université de Montréal, croit que l’absence de suivi sur les cyanobactéries est un choix politique.

Photo Courtoisie, Amélie Philibert

Sébastien Sauvé, chercheur à l’Université de Montréal, croit que l’absence de suivi sur les cyanobactéries est un choix politique.

UN LAC ROSE

Il mentionne toutefois un phénomène troublant : une efflorescence hivernale de cyanobactéries rosées nommées Planktothrix rubescens a été observée en hiver depuis 2020 sous la glace du lac Fortune en Abitibi, ce qui est plutôt rare. 

Cette cyanobactérie, qui peut être toxique, a déjà été observée ailleurs dans le monde. «Mais souvent, ce sont des phénomènes ponctuels et non récurrents [contrairement au lac Fortune]», explique Lawrence Gervais, coordonnatrice à l’organisme de bassin versant (OBV) du Témiscamingue. 


Le lac Fortune a pris une étonnante couleur rose l’hiver dernier, à cause d’une cyanobactérie potentiellement toxique.

Photo Courtoisie Association du Lac Fortune

Le lac Fortune a pris une étonnante couleur rose l’hiver dernier, à cause d’une cyanobactérie potentiellement toxique.


Photo Courtoisie Association du Lac Fortune

Des chercheurs de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue tentent toujours d’en établir les causes. Comme le Ministère n’avait pas d’employé pour échantillonner le lac, c’est l’OBV qui s’est rendu sur place. L’association riveraine est aussi très impliquée. 

«On trouve dommage qu’il n’y ait pas de programme structuré au ministère de l’Environnement pour ce genre de problématique, on est dans l’improvisation», reconnaît Mme Gervais, qui précise tout de même que le travail avance bien et qu’il est réalisé par des chercheurs qui seront en mesure de produire des données scientifiques rigoureuses.

Le nombre de signalements explose

Le nombre de signalements pour des cyanobactéries faits au Ministère par des citoyens a bondi de 334 % en deux ans, passant de 61 à 265 entre 2019 et 2021. 

Pendant ce temps, le ministère de l’Environnement ne fait plus de suivis du nombre de plans d’eau affectés depuis 5 ans. Il se concentre seulement sur les plus sensibles. 

«Depuis 2017, le Ministère ne tient donc plus de bilan des plans d’eau touchés», précise la relationniste Caroline Cloutier. 

Les inspecteurs se déplacent uniquement si un signalement concerne un lac qui n’était pas encore connu pour avoir des cyanobactéries ou il sert à l’approvisionnement en eau potable, par exemple. 

Malgré la hausse de signalements, le ministère n’a visité que six lacs en 2021, soit un de plus qu’en 2019, une année où on comptait pourtant quatre fois moins de signalements. La présence de cyanobactéries a été confirmée dans quatre des six plans d’eau. 

MILIEU AGRICOLE

En l’absence de suivi, personne ne peut dire si la hausse de signalements reflète une intensification du phénomène, ou simplement une augmentation du nombre de personnes inquiètes à la suite de la médiatisation du problème. 

Le Ministère explique qu’il concentre plutôt ses interventions sur les sources de rejet de phosphore, qui sont la cause principale des algues bleu-vert.

Ces sources comprennent par exemple «l’épandage de fumier en milieu agricole, les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux ou les installations septiques». D’ailleurs, depuis 2019, le nombre d’inspections réalisées dans le secteur agricole a doublé. 

Mais cette stratégie ne permet pas d’avoir un portrait de l’évolution du problème. «On a beaucoup parlé qu’il fallait diminuer le phosphore, alors les communautés de cyanobactéries qui aimaient le phosphore sont un peu disparues. Mais [les cyanobactéries] qui aiment l’azote sont favorisées parce qu’on n’a pas travaillé sur l’azote», souligne Mélanie Deslongchamps, directrice générale d’AGIRO. 

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