OTTAWA – Le premier ministre de l’Ontario refuse de comparaître devant la commission d’enquête sur les mesures d’urgence.
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La commission a sommé aujourd’hui le premier ministre de l’Ontario Doug Ford et sa vice-première ministre Sylvia Jones de comparaître.
Le gouvernement Ford a jusqu’à présent déclaré qu’il n’avait pas été invité par les commissaires, mais ceux-ci indiquent plutôt que Doug Ford et son équipe n’ont pas répondu à leurs invitations, refusant de coopérer volontairement, ce pour quoi ils n’ont d’autre choix que de lui adresser une citation à comparaître.
Le gouvernement Ford a immédiatement fait savoir qu’il contesterait cette sommation devant les tribunaux. Il plaide qu’il s’agit d’une affaire policière et que les témoins de la police qui témoignent sont les mieux placés pour fournir les éléments de preuve dont la commission a besoin.
La semaine dernière, des documents déposés en preuve montraient que le premier ministre Trudeau, qui comparaîtra volontairement dans les prochaines semaines, reprochait à Doug Ford de «fuir ses responsabilités» dans cette crise pour des «raisons politiques».
Dès les premiers jours de l’enquête, Me Paul Champs, l’avocat de la coalition de citoyens et de commerçants d’Ottawa, a souligné que certains membres du gouvernement Ford étaient sympathiques aux manifestants. La propre fille de Doug Ford, Krista Ford Haynes, ouvertement anti-mesures sanitaires, a participé à une portion du convoi à Milton, en Ontario. Elle l’a qualifié d’«expérience incroyable».
Le fédéral pointé du doigt
La commission entend aujourd’hui le chef par intérim de la police municipale d’Ottawa, Steve Bell, qui a remplacé le chef Sloly en plein cœur de la crise, en février.
Au cours de son interrogatoire, un rapport du service de renseignement de la police d’Ottawa, qu’il dirigeait avant sa promotion, a été présenté. Ce document indique que le refus du gouvernement fédéral de rencontrer les représentants du «convoi de la liberté» avait le potentiel de jeter de l’huile sur le feu.
«Le gouvernement fédéral ignore l’évènement. Historiquement, un refus des dirigeants d’écouter ou de tenir compte d’un soulèvement populaire, historiquement, a rendu des situations ingérables», peut-on lire dans un document de renseignement de la police municipale d’Ottawa déposé en preuve aujourd’hui à la Commission d’enquête sur les mesures d’urgence.
Le rapport souligne que, la première fin de semaine de l’occupation, la seule organisation d’envergure qui s’est exprimée sur l’évènement est l’Alliance canadienne du camionnage, et qu’il a fallu attendre le lundi avant que le premier ministre mentionne la manifestation de façon «oblique». Il a alors accusé les conservateurs de semer la peur en associant les obligations vaccinales aux perturbations sur les chaînes d’approvisionnement, dit le document.
«Ces conditions créent le terreau pour des émotions passionnées», prévient l’auteur en gras dans le texte.
Résumant l’information collectée, l’auteur du rapport de renseignement prévient qu’«il est probable qu’il y est une désorganisation et une confusion généralisée».
André Durocher, inspecteur à la retraite du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), se questionne à savoir s’il y a eu une «intervention politique» qui aurait poussé les services policiers à ne pas agir malgré les renseignements dont ils disposaient.
Des armes saisies
M.Bell s’est défendu en indiquant que bien qu’elles laissaient présager une grande foule décidée à rester longtemps, les données de renseignement ne laissaient pas penser que les manifestants seraient violents ou ne respecteraient pas les lois.
Des informations de renseignement dont ses équipes disposaient indiquaient néanmoins que certains des manifestants avaient accès à des armes et que de l’armement avait été saisi parmi les participants en route vers Ottawa, d’après des documents déposés en preuve aujourd’hui.
Ces documents indiquent notamment que les policiers québécois ont informé leurs collègues d’Ottawa qu’il avait rencontré un homme qui comptait se rendre à la manifestation avec une arme, le 29 janvier. L’arme a été saisie et la résidence de son propriétaire a été fouillée, mais aucune accusation n’a été portée. Une autre saisie d’arme est notée, en Nouvelle-Écosse, au sein du convoi de l’est en route vers Ottawa.
La commission d’enquête doit déterminer s’il était justifié que le gouvernement fédéral invoque la Loi des mesures d’urgence pour mettre un terme à la crise.
Selon M.Bell, le recours à cette loi a permis à la police de mobiliser les remorqueuses nécessaires pour déplacer les camions qui bloquaient le centre-ville de la capitale fédérale. Il a aussi permis de geler les comptes bancaires des participants pour les forcer à lever le camp.