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comment TikTok veut se faire aimer aux États-Unis

comment TikTok veut se faire aimer aux États-Unis



Jeudi 23 mars, le PDG de TikTok, Chew Shou Zi, était auditionné devant le Congrès américain. Cela marque la fin d’une longue bataille menée par le réseau social chinois, qui a investi des milliards de dollars pour tenter de prouver aux Américains qu’ils peuvent lui faire confiance. Cette audition a soulevé des enjeux technologiques, culturels, politiques et diplomatiques, mettant en jeu l’avenir de TikTok en face des élus américains. Ceux-ci cherchent à savoir si la sécurité nationale américaine est en danger, et une réponse insatisfaisante de Chew Shou Zi pourrait basculer la majorité des législateurs en faveur de la vente forcée de TikTok à un partenaire américain ou de son interdiction pure et simple sur le territoire américain.

Un tel résultat serait désastreux pour TikTok, car les États-Unis représentent entre 30 et 40 % de leur chiffre d’affaires global. Cette audition est le point culminant d’une bataille d’influence menée en coulisse depuis des années par TikTok pour apaiser les craintes des autorités américaines. Le climat politique s’est soudainement tendu pour l’application en 2020 alors que Donald Trump était encore à la Maison Blanche. Le président avait décidé d’interdire le réseau social et de le vendre à une société américaine, simplement parce que l’application était chinoise et que la Chine est un rival économique et politique.

TikTok avait été sauvé à cette époque par la justice américaine, qui avait annulé le décret de Donald Trump. Mais le réseau social, échaudé par cet épisode, s’était alors attelé à la mise en place de son « Project Texas », nom de code pour son offensive de charme aux États-Unis. Il s’agit d’un vaste éventail de mesures censées démontrer que TikTok a coupé le cordon ombilical avec ByteDance, et donc ne serait plus à la merci de l’interventionnisme de Pékin, principale inquiétude à Washington.

Le Project Texas est détaillé dans un document de 90 pages remis en 2022 à l’administration américaine et dont certains détails ont été dévoilés à un petit groupe de journalistes américains et de spécialistes des questions de protections de données en janvier de cette année. Le plan comporte deux initiatives principales : la mise en place d’une structure 100 % américaine, avec un personnel 100 % américain, et la remise des clefs de l’accès aux données des utilisateurs américains de TikTok à un partenaire de confiance. Oracle, dont le siège est au Texas, doit devenir le gardien des données du réseau social sur le sol américain.

Le premier volet de ce plan a été achevé avec la création de TikTok U.S. Data Security Inc. (USDS) dès juillet 2022. Cette filiale américaine du réseau social doit s’occuper de l’accès aux données et de la modération du contenu, c’est-à-dire, les principales questions qui peuvent relever de la sécurité nationale américaine. L’administration américaine est censée avoir un droit de regard direct sur tous les employés embauchés par cette structure. Elle peut notamment mener des enquêtes sur les antécédents de ces salariés, afin de s’assurer qu’aucun espion chinois ne s’est glissé dans l’entreprise.

Le volet protection des données est plus technique, et TikTok a ouvert aux États-Unis des « centres de transparence » pour montrer concrètement comment des employés d’Oracle pourront vérifier qu’aucune information personnelle d’un ressortissant américain ne soit transférée vers ByteDance. Oracle pourra vérifier qu’il n’y a rien de suspect dans le code de l’algorithme de TikTok et s’assurer qu’il n’y a pas de changement de l’application qui permettrait à la Chine d’exercer une forme de censure sur les contenus vus aux États-Unis.

C’est un effort très coûteux pour TikTok, qui veut dépenser 1,5 milliard de dollars pour mettre en place le Project Texas. C’est aussi un plan très complet, mais il n’est pas sûr du tout que cela va suffire, assure Hamza Mudassir, cofondateur du cabinet britannique de conseils pour start-up Platypodes et professeur de stratégie entrepreneurial à l’université de Cambridge. Les États-Unis, culturellement, n’abordent pas la question TikTok sous l’angle de la protection des données, mais essentiellement en invoquant le menace à la sécurité nationale, résume Luca Mattei, spécialiste des questions de protection des données pour l’International Team for the Study of Security (ITSS) Verona.

En effet, les États-Unis, tout comme d’autres pays, veulent garder un contrôle sur la destination des données personnelles exploitées par des groupes étrangers. L’affaire TikTok pose ainsi la question de la gouvernance des données et notamment la tendance actuelle au protectionnisme en la matière. Reste à savoir si les efforts déployés par TikTok pourront convaincre les Américains de laisser le réseau social opérer librement sur leur territoire ou si le lobbying des géants américains du Net auront raison de TikTok.

La guerre d’influence continuera pour TikTok, mais également pour tous les services en ligne qui opèrent sur plusieurs marchés internationaux, face à la montée du protectionnisme en matière de données.

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