Publié
ClimatDu CO₂ suisse envoyé en Islande pour y devenir de la roche
Un projet écologique d’une ampleur inédite vise à enfouir du gaz carbonique produit par l’industrie helvétique dans un sous-sol aux propriétés singulières.
«Les promesses de succès sont importantes», prédit la Dr Eleni Stavropoulou, depuis son bureau à l’EPFL. Les espoirs de la responsable des recherches expérimentales du projet pilote DemoUp Storage font écho au grondement d’une foreuse à 2600 km de là, qui perce le sous-sol islandais depuis mi-septembre. Un consortium de 24 partenaires – dont l’Université de Genève (UNIGE), les Écoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zurich, ainsi que l’Institut fédéral des sciences et technologies aquatiques, mais aussi la start-up suisse Climeworks qui a inauguré une première installation en 2021 – travaille sur un procédé helvétique aux bénéfices écologiques prometteurs, selon les scientifiques.
Les volcans essentiels
Il s’agit d’enterrer des millions de tonnes de gaz carbonique (CO₂), principal responsable du réchauffement climatique. Via une réaction chimique naturelle, le gaz se solidifie et devient alors inoffensif. Sauf que pour réaliser cette métamorphose, il faut une roche volcanique poreuse: le basalte. Le sous-sol islandais en est truffé, alors qu’en Suisse, il n’y en a quasiment pas.
Le CO₂ est récupéré dans les aciéries, les cimenteries ou les centrales à gaz, stocké dans des conteneurs qui sont ensuite transportés par camion et par train, puis par bateau en Islande. Pareille opération à cette échelle, avec l’élimination possible de dizaines de millions de tonnes de gaz carbonique à la clé, c’est du jamais-vu, d’après les experts helvétiques. À terme, d’autres terres d’origine volcanique pourraient être mises à contribution, en Italie, au Brésil ou encore en Éthiopie.
Quels risques?
Reste qu’exporter ces déchets gazeux par terre puis par mer jusqu’en Islande a un coût écologique. «C’est vrai, admet l’un des responsables du projet, le professeur Andrea Moscariello, de l’UNIGE. Mais vu les volumes que l’on prévoit d’enfouir, le bénéfice en matière d’élimination de CO₂ sera très probablement bien plus important.»
L’actuelle phase test permettra de le vérifier, mais l’expert assure aussi qu’il y a guère de risques pour le sous-sol islandais: «La pression utilisée pour injecter le gaz carbonique dans les couches géologiques est assez faible, elle ne devrait pas casser la roche et créer de secousses sismiques significatives. Enfin, la matière issue de la solidification du CO₂ est inoffensive pour l’environnement.»
Chimie écologique, mode d’emploi
Minéraliser le gaz n’est pas nouveau