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La cimenterie McInnis pollue plus que jamais

La cimenterie McInnis pollue plus que jamais


La cimenterie McInnis a rejeté encore plus de gaz à effet de serre en 2021, au point où elle est maintenant loin devant les autres au sommet des plus grands pollueurs du Québec.

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En 2021, la cimenterie de Port-Daniel en Gaspésie a émis plus de 1,4 million de tonnes de gaz à effet de serre (GES), a appris notre Bureau d’enquête.

Au cours de la dernière décennie, aucune usine n’a libéré autant de GES en une année, selon le registre des établissements assujettis au marché du carbone du ministère de l’Environnement.

La cimenterie dépasse ainsi de plus de 200 000 tonnes de GES le deuxième plus grand pollueur, soit la raffinerie Jean-Gaulin de Valero à Lévis.

La cimenterie, exploitée depuis fin 2021 par Ciment St-Marys, une filiale du géant brésilien Votorantim Cimentos, était devenue le plus grand pollueur en 2020.

L’ancienne porte-parole de l’entreprise Florence Gauthier affirmait pourtant en 2014 qu’il était faux de dire que la cimenterie deviendrait le plus grand pollueur. L’avenir lui prouva le contraire.

Inaugurée en 2017, la cimenterie n’a d’ailleurs toujours pas atteint son plein rendement et à mesure qu’elle augmente sa production, elle émettra encore davantage de GES.

Pendant ce temps, la production de la raffinerie Jean-Gaulin a ralenti en 2020 en raison de la pandémie et de différents travaux. En 2021, ses émissions de GES ont recommencé à augmenter.

«Pire des scénario»

Depuis 2019, la cimenterie McInnis augmente ses émissions d’environ 200 000 tonnes chaque année. Elle se rapproche ainsi de plus en plus du «pire des scénarios» de 1,76 million de tonnes de GES par année.

Ces données évoquées par l’ancien PDG Christian Gagnon ne devait être que des «hypothèses qui ne se matérialiseront jamais dans la réalité», avait-il assuré dans une lettre ouverte en 2014.

Christopher Masonle porte-parole de Votorantim en Amérique du Nord, explique aujourd’hui que « l’usine prévoit des émissions de GES de 1,6 million de tonnes de CO2 par an, lorsqu’elle fonctionnera à pleine capacité.

Il cite, en exemple, les carburants à faible teneur en carbone, «l’étude active» de technologies émergentes pour la capture du carbone ou encore la production de ciment à faible teneur en carbone (par exemple, le ciment Portland-Limestone).

Pour aller chercher une certaine acceptabilité sociale de ce projet controversé, car très polluant, l’ancienne administration avait promis d’utiliser dans un avenir très rapproché des résidus forestiers (biomasse) comme combustible pour remplacer jusqu’à 50% de coke de pétrole.

Questionné par le Journal à savoir si le projet de biomasse forestière était toujours dans les cartons, M. Mason explique que la recherche de « combustibles à faible teneur en carbone reste une priorité pour toutes les usines de St Marys» et se contente de dire « différentes options » sont à l’étude.

«Il est important de noter qu’une fois soumis, le processus d’autorisation peut prendre plusieurs années», précise-t-il.

Pas avant 2027

Encore l’an dernier, la cimenterie croyait pouvoir rouler à plein régime en 2023. M. Mason précise que la nouvelle administration prévoit plutôt cela pour 2027.

Ce changement ne serait pas en lien avec les nombreux problèmes de l’usine depuis deux ans, assure le porte-parole.

Le plus grand pollueur du Québec est effectivement sous le coup d’une ordonnance du ministère de l’Environnement depuis septembre pour l’obliger à cesser d’émettre des poussières collantes et autres contaminants qui ne respectent pas les normes.

En 2020 et 2021, il y a eu au moins 10 bris d’équipement qui ont entrainé des rejets de poussières ou contaminants. Au moins 80 signalements et 11 plaintes ont été réalisés pour la qualité de l’air. L’usine a reçu cinq avis de non-conformité, et le ministère enquête depuis.

Le Journal a d’ailleurs révélé cet été que la cimenterie, sous l’ancienne administration, avait tenté de cacher au ministère de l’Environnement le fait qu’elle recrachait des poussières sur les résidences de ses voisins.

M. Mason explique que le changement de date pour atteindre le plein régime se base sur différents facteurs comme la production, la distribution et l’état du marché actuel, mais aussi des impacts potentiels des améliorations environnementales sur leurs opérations.

« Depuis que nous avons pris en charge la gestion de l’usine, nous nous concentrons sur des opérations sûres et durables en fournissant un produit de haute qualité et en optimisant les performances de l’usine, tout en gérant les initiatives en cours pour améliorer les performances environnementales », ajoute-t-il.

ENTREPRISES AYANT ÉMIS LE PLUS DE TONNES DE GES

Ciment McInnis 

  • 2021 : 1 429 550      
  • 2020 : 1 210 596

Énergie Valero-raffinerie Jean-Gaulin 

  • 2021 : 1 216 788      
  • 2020 : 1 202 802

Aluminerie Alouette 

  • 2021 : 1 143 685          
  • 2020 : 1 120 641

Suncor Énergie-raffinerie à Montréal 

  • 2021 : 1 141 302      
  • 2020 : 1 081 570

ArcelorMittal Produits Long-Contrecoeur 

  • 2021 : 997 009   
  • 2020 : 738 978

Rio Tinto Fer et Titane-Complexe métallurgique (Sorel-Tracy)

  • 2021 : 884 280      
  • 2020 : 889 507

Rio Tinto Alcan-Usine Alma 

  • 2021 : 845 840  
  • 2020 : 822 512

ArcelorMittal exploitation manière-Usine de bouletage Port-Cartier  

  • 2021 : 814 776 
  • 2020 : 819 803

Ciment Québec 

  • 2021 : 791 288         
  • 2020 : 610 252 

Source : Ministère de l’Environnement

On s’éloigne de l’objectif

Après avoir fléchi en 2020 grâce à la pandémie, les émissions de GES des plus gros pollueurs du Québec sont reparties à la hausse en 2021.

Les quelque 125 usines assujetties au marché du carbone, qui sont les plus polluantes de la province, rejettent même plus de GES qu’avant la pandémie.

En 2021, elles ont rejeté 19,8 millions de tonnes des GES, contre 18,5 millions en 2020 et 18,9 millions en 2019.

Les émissions de ces grands pollueurs représentent la part du lion de l’ensemble des GES émis par le secteur industriel.

Inefficace

Selon Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie, cette augmentation prouve bien que le plafond d’émissions du marché du carbone est trop haut et n’a pas l’effet attendu.

Chaque année, ce plafond diminue pour contraindre, en théorie, les pollueurs à réduire leur GES.

« C’est comme si on construisait une maison pour des personnes grandes, mais qu’en fait elle était habitée par des nains [donc il est] peu probable que le plafond soit une contrainte », illustre M. Pineau.

Pendant ce temps, les ministres de l’Environnement Benoit Charette et Pierre Fitzgibbon se sont rendus ces derniers jours à la COP 27 sur le climat en Égypte pour vanter les atouts du Québec en matière environnementale, «mettre en valeur notre expertise» et «continuer à faire du Québec un chef de file dans la transition verte», selon ce qu’ils ont écrit sur leur compte Twitter respectif.

Mauvaise direction

Mais la province est incapable de réduire ses GES. Le dernier inventaire des GES, qui inclut aussi ceux produits par les transports notamment, remonte à 2019 et marque même une augmentation par rapport à 2018.

Celui de 2020 devrait être publié en décembre mais risque d’être affecté par les confinement et arrêts de production de la pandémie.

Ce décalage d’environ 2 ans entre la publication de l’inventaire est d’ailleurs critiqué par plusieurs experts.

Le gouvernement de la CAQ promet de réduire l’ensemble des GES de 37,5% par rapport au seuil de 1990 d’ici 2030. De 1990 à 2019, nos émissions n’ont diminué que de 2,6%.

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