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Chablais«Cette jeune femme handicapée devrait attaquer les TPC en justice»
Alors qu’elle montait pour la première fois dans un bus avec son scooter flambant neuf, une personne à mobilité réduite a eu un accident. La compagnie refuse de se responsabiliser.
Victime d’un crime d’honneur, Rosa* a perdu une jambe dans son pays d’origine, au Moyen Orient. Pour éviter d’autres sévices, elle s’est réfugiée en Suisse. Sa vie en tant que personne à mobilité réduite n’est toutefois pas simple. Rêvant de davantage d’autonomie, elle s’est acheté cet été un petit scooter pour handicapé, sensé lui permettre de prendre les transports publics.
À peine deux heures après avoir reçu sa nouvelle machine, elle a pris un bus des TPC (Transports publics du Chablais) pour se rendre au bord du lac. Mais le rêve s’est vite transformé en cauchemar. Son scooter – mal arrimé – s’est fracassé contre les parois du bus. «Il y en avait pour environ 2000 francs de dégâts», rapporte sa curatrice.
Considérant que le transporteur a l’obligation de véhiculer les personnes et leurs biens à bon port, la jeune femme a demandé un dédommagement pour les frais de réparation. Sans succès. «La loi indique que les personnes doivent pouvoir être autonomes. Donc, monter seules dans le bus et ensuite mettre le frein à leur chaise et s’attacher par elles-mêmes. Nous ne sommes pas responsables du dommage survenu sur le scooter de cette personne», commente une porte-parole.
Reste qu’il était impossible pour Rosa d’attacher son scooter à l’endroit prévu à cette effet. «La chaise est plus grande que la norme, et nous n’aurions peut-être pas dû faire embarquer cette personne. Mais, pour des questions d’éthique, ne pas laisser monter une personne à mobilité réduite reste délicat», estime la porte-parole.
Aucune information sur internet
Pour l’avocate Muriel Vautier, spécialiste en responsabilité civile et droit des assurances, la situation n’est de loin pas aussi limpide. «Cette jeune femme devrait attaquer les TPC en justice. Contrairement à celui des CFF par exemple, leur site ne donne aucune information sur les dimensions des moyens de locomotion auxiliaires acceptés dans les bus. Il ne renvoie pas non plus aux articles de loi et il n’invite même pas les personnes à se renseigner par elles-mêmes.»
Dans le détail, les transports publics sont tenus d’accepter ces véhicules, s’ils mesurent jusqu’à 120 cm de long. Celui de Rosa fait 165 cm. «Il est vrai que nul n’est censé ignorer la loi. Mais, dans le cas présent, il s’agit d’une ordonnance difficile à trouver et qui, en plus, n’est pas très claire. Entre d’autres confusions, elle indique ce que les transports publics ont l’obligation d’accepter, mais c’est juste un minimum. Ils pourraient très bien prévoir plus grand; c’est d’ailleurs le cas des CFF. Entre d’autres termes, seul un juge très rigide et conservateur donnerait raison aux TPC. Et aujourd’hui, la tendance est plutôt à faciliter l’accès aux transports publics pour les personnes en situation de handicap que leur mettre des bâtons dans les roues.»
En attendant, Rosa a pris peur et n’ose plus monter dans les bus. Son autonomie se limite donc désormais à celle de la batterie de son scooter.
Pour Sylvie Podio, directrice de Pro Infirmis Vaud, plutôt que s’acharner à savoir qui est responsable de l’accident, il faut adapter les infrastructures pour qu’elles puissent accueillir tous les moyens auxiliaires. «La mobilité doit être accessible à la diversité des personnes. La vrai question, selon elle, c’est: «Comment est-il possible que certains fauteuils ou scooters soient interdits?» Ces normes sont là pour intégrer davantage de personnes, mais les transports publics s’en servent pour en exclure. C’est absurde. Comme il est absurde de pinailler pour 2000 francs. Les TPC auraient tout intérêt à trouver un accord.»