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Cerfs de Longueuil: entre émerveillement et désagréments


Le sort des cerfs du parc Michel-Chartrand, à Longueuil, soulève les passions, c’est le moins qu’on puisse dire. Pendant que certains les nourrissent, d’autres sont exaspérés par leur présence. 

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Depuis le mois de février, tous les deux jours, René Grignon se rend au parc Michel-Chartrand avec un sac de 30 livres de moulée pour cerfs.


René Grignon, un citoyen de Longueuil, nourrit les cerfs de Virginie (chevreuils) du parc Michel-Chartrand pour les aider, à Longueuil, le mercredi 5 octobre 2022.
Joël Lemay / Agence QMI

Joël Lemay / Agence QMI

René Grignon, un citoyen de Longueuil, nourrit les cerfs de Virginie (chevreuils) du parc Michel-Chartrand pour les aider, à Longueuil, le mercredi 5 octobre 2022.
Joël Lemay / Agence QMI

Il a commencé à suivre le dossier pendant la pandémie, lorsque Sylvie Parent, qui occupait alors le poste de mairesse, a annoncé leur abattage. Un ami lui avait proposé de l’accompagner pour voir les cerfs.

«C’est comme d’avancer dans une piscine. Tu y vas petit à petit, et tu finis par réaliser que tu es impliqué jusqu’au cou», a illustré M. Grignon.

À force, il s’y est attaché, allant jusqu’à leur donner des noms. Lors de notre passage, qui a eu lieu plus tôt qu’à l’accoutumée, seul Pirlouit s’est présenté.

M. Grignon n’est pas le seul à les nourrir sur une base régulière. Deux autres citoyens, à qui nous avons également parlé, le font sur une base régulière, à deux autres endroits stratégiques du parc.

Pourtant, l’article 6 du règlement de la Ville sur le contrôle des animaux stipule qu’il est interdit de nourrir un animal «indigène au territoire québécois». Les contrevenants s’exposent à une amende de 100$ pour une première infraction, et de 200$ pour une récidive.

Marc Beaulieu, qui s’y rend chaque jour depuis quatre ans, en avait d’ailleurs reçu une en mars dernier. Malgré tout, il poursuit la mission qu’il s’est donnée.

«En faisant ça, les cerfs sont en santé, ils ne sont pas tout maigres. Et ils ne traversent plus la rue pour aller manger les haies de cèdres et les plates-bandes des gens à côté», a-t-il affirmé.

Toutefois, dans les faits, ça ne semble pas avoir cet effet. En 2020, le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) a reçu 46 appels pour des collisions avec un cerf dans le secteur, et 43 au cours de l’année 2021. Dans son bilan de mi-année pour 2022, il en répertoriait 18 entre les mois de janvier et de juin.

«Cela exclut les collisions non rapportées au 911. Donc les chiffres sont certainement plus élevés», nous a-t-on indiqué.

Polarisation

Après avoir annoncé la décision de la Ville d’abattre les cerfs en novembre 2020, l’ex-mairesse Sylvie Parent avait reçu plusieurs menaces de mort, pour lesquelles trois individus avaient été arrêtés. La polarisation du dossier l’a toutefois fait reculer.

Catherine Fournier, qui lui a succédé au poste de mairesse, a également reçu des menaces, après avoir décidé d’aller de l’avant avec leur abattage.

«Les menaces, c’est inacceptable. Moi, je l’aime ma mairesse en dehors de ça. C’est juste ce problème-là avec elle. Quand je l’ai rencontrée, c’est une femme charmante», a dénoncé M. Grignon.

Lui-même, qui a pris la parole publiquement en faveur des cerfs, a reçu une lettre de menace chez lui, ainsi qu’un appel en ce sens.

«J’ai hâte que ça finisse. Je n’ai pas de plaisir à faire ça. On se fait des ennemis à la Ville. Mais j’ai l’impression de faire quelque chose de bien», a-t-il confié.

Dommages

Lors de notre passage dans le voisinage du parc, les avis étaient plutôt mitigés.

Sur la rue Gendron, un mur de soutènement protège les propriétés d’une dénivellation du terrain voisin, plus en hauteur.

«Les cerfs sautent chez nous, mais à force de le faire, avec leurs sabots, ils font tomber les murets. Ça fait au moins cinq fois qu’on le répare à nos frais. À chaque fois, c’est 5000 à 6000$ de dépenses», s’est désolée Line*.

Sa voiture a aussi été grandement endommagée en août 2021, lorsqu’un cerf a sauté du côté conducteur.

«Quand t’habites près du métro à Longueuil et que tu vas au parc, c’est sûr que tu les trouves beaux, parce qu’après, tu reprends ta voiture pour t’en retourner, sans savoir les ravages que ça fait. Quand t’habites alentour, c’est une autre paire de manches», s’est-elle exaspérée.

Habitant au coin du boulevard Fernand-Lafontaine, Josée Girard n’est pas dérangée par leur présence. «C’est sûr qu’on en voit souvent morts sur la route. Au moins une fois par mois», a-t-elle constaté.

Une estimation qui est même en deçà de la réalité, selon les chiffres du SPAL.

La Ville de Longueuil a décliné notre demande d’entrevue.

Un abattage nécessaire

Pour Martin Leclerc, chercheur à l’Université Laval qui s’intéresse aux effets de l’activité humaine sur la faune sauvage, l’abattage des cerfs est la meilleure solution.

«D’un point de vue écosystème, une densité élevée de cerfs va amener plusieurs problèmes. Ça va manger toute la régénération forestière et à un moment, on va avoir une rupture de la canopée. Si on veut avoir une forêt dans 15-20-30 ans, il faut agir tout de suite», a-t-il vulgarisé.

À ses yeux, leur relocalisation n’aurait que très peu de bénéfices en regard des inconvénients, expliquant que leur taux de mortalité est souvent élevé dans la première année, sans compter la propagation de maladies.

Toutefois, le dialogue avec les défenseurs des cerfs est nécessaire, selon lui.

«C’est une réaction légitime qu’il faut entendre. Il faut réussir à bâtir des ponts et discuter avec eux pour pouvoir procéder à des actions qui vont mener à une stabilisation de l’écosystème et une augmentation de la biodiversité», a-t-il pondéré.

Une longue saga

Selon la Ville, plus d’une centaine de cerfs seraient présents au parc Michel-Chartrand. Cependant, l’écosystème du parc ne pourrait en soutenir qu’environ une douzaine.

À son arrivée en poste, la mairesse Catherine Fournier a annoncé qu’elle procéderait à l’abattage d’une partie du cheptel pour normaliser la situation.

En juillet dernier, après plusieurs rebondissements, la Ville a statué sur la mise sur pied d’une chasse contrôlée à l’arbalète, pour laquelle elle a obtenu les permis nécessaires du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFPP).

Des défenseurs ont toutefois demandé un recours devant les tribunaux pour empêcher leur exécution. Mardi dernier, la Cour supérieure a finalement rejeté la demande de sursis. La SPCA compte cependant porter la décision en appel.



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