Ce fut la dernière grande entrevue qu’a livrée Guy Lafleur. C’était le 3 août 2021, à l’hôtel Marriott du Château Champlain, à Montréal.
• À lire aussi: Le CH veut-il (vraiment) le retour des Nordiques?
• À lire aussi: «C’était une population contre l’autre» – Guy Lafleur
• À lire aussi: Repêchage de Guy Lafleur : 50 ans déjà
Au bout de deux heures, au moment de conclure l’entretien devant servir à la série documentaire «Canadiens Nordiques – La rivalité», on a demandé au légendaire hockeyeur ce qu’il souhaitait laisser comme héritage, ce qu’il voulait que les gens se souviennent en pensant à lui. Lafleur a alors éclaté en sanglots. Pendant de nombreuses minutes.
Devant le monument, Réjean Tremblay et Mathias Brunet, co-scénaristes, l’ont évidemment laissé vivre ses émotions. Le grand Guy Lafleur savait alors très bien que la mort approchait, lui qui est finalement décédé en avril 2022, à 70 ans, des suites d’un cancer du poumon.
«Après l’entrevue, il y a eu ces photos, raconte Réjean Tremblay, en pointant son téléphone intelligent. Mais quand est-ce que tu fais ça? Jamais.»
En effet, Réjean Tremblay a mené des milliers d’entrevues durant sa carrière, mais avec Lafleur, il a vécu, ce jour-là, un moment d’une rare intensité. Spontanément, il a posé ce geste inhabituel : prendre quelques photos avec son sujet, dont une avec la tête blottie sur l’épaule de « Flower ». Aujourd’hui, il conserve toujours précieusement les clichés dans son téléphone.
«Pour moi, Guy Lafleur était mon idole de jeunesse, note pour sa part Mathias Brunet. Ç’a été le moment le plus émotif de ma carrière. On avait ce monument, ce roc, qui montrait cette vulnérabilité-là face à son existence. J’avais la chair de poule, je n’ai jamais vécu quelque chose de fort comme ça.»
«Un privilège de le voir»
Si les coulisses du tournage sont dignes de mention, la série «Canadiens Nordiques – La rivalité» ne tourne pas directement autour de Guy Lafleur. Or, il est certainement celui qui porte le «C» de capitaine parmi la centaine d’intervenants ayant été rencontrés.
«C’est un privilège de le voir», résume Réjean Tremblay, quant à la présence de Lafleur dans l’œuvre pour laquelle il est aussi producteur associé.
Dans sa globalité, la série documentaire produite par Fair-Play en collaboration avec Québecor Contenu vient mettre en évidence, à travers huit épisodes, la rivalité ayant opposé les deux clubs du Québec, de 1979 à 1995. Elle sort ce mardi 29 novembre sur Vrai, une plateforme québécoise par abonnement offerte aux clients Helix Télé et Appli Helix TV, sur l’application QUB et sur illico Télé.
Cette scène où Guy Lafleur éclate en sanglots, en fin d’entrevue, ne figure pas parmi les huit épisodes. Mais comme certaines photos dans le téléphone de Réjean Tremblay, les images sont conservées précieusement. Qui sait si elles ne serviront pas plus tard pour une autre série documentaire concernant spécifiquement Lafleur?
En toute humilité
Dans la série documentaire, Guy Lafleur laisse tomber, avec émotion : «il me semble que j’aurais joué encore». On devine maintenant que son cœur disait aussi «il me semble que j’aurais vécu encore».
Avec la série «Canadiens Nordiques – La rivalité», le Démon blond revit un peu, bien que les légendes ne meurent jamais. Entre l’entrevue et son décès, une tournée d’adieu avait permis à Guy Lafleur de voir la Ligue hockey junior majeur du Québec retirer son chandail numéro 4, qu’il avait porté avec les Remparts de Québec, à travers le circuit. Alors affaibli, il n’était pas question pour lui de rater cette soirée. Lafleur aura tout donné jusqu’à la fin.
«Ce qu’on retient de l’être humain, c’est son humilité, conclut Mathias Brunet. À la question sur ce qu’il souhaitait qu’on retienne de lui, la réponse de Guy Lafleur avait été toute simple : il a dit vouloir laisser le soin aux gens de décider comment il le voyait.»