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Après la courte victoire de Lula, le « camp de la démocratie » entre soulagement et inquiétude

Après la courte victoire de Lula, le "camp de la démocratie" entre soulagement et inquiétude


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Avec un score de 50,9 %, Luiz Inacio Lula da Silva est élu à la tête du Brésil au terme d’une très longue campagne qui laisse un pays fracturé en deux camps politiques qui se détestent. Cette victoire étriquée laisse entrevoir des lendemains difficiles, quand le troisième mandat du revenant Lula débutera le 1er janvier 2023.

Au quatre coins du Brésil, les supporters de Lula ont dû attendre que plus de 80 % des voix soient décomptées pour voir leur champion virer en tête de l’élection la plus disputée de l’histoire du Brésil, dimanche 30 octobre. 

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Autour de 20 h (heure du Brésil), ils ont pu laisser exploser leur joie quand le décompte quasi définitif du TSE (le Tribunal électoral supérieur) a donné au candidat du Parti des travailleurs une très courte avance avec le score de 50,9 % des voix. Avec presque deux millions de voix de retard, Jair Bolsonaro, le président sortant, ne pouvait mathématiquement plus l’emporter.

Plus qu’un ouf de soulagement, c’est la joie et l’euphorie qui se sont emparé des partisans de Lula, alors que le spectre d’une victoire aussi inattendue que redoutée du président sortant planait depuis les résultats du 1er tour, le 2 octobre.

Lula sur le fil, pas de remontada pour Jair Bolsonaro

Avec un score de 43 %, Jair Bolsonaro semblait alors en mesure de faire une incroyable remontada et de coiffer sur le fil toutes les forces politiques, de la droite à l’extrême gauche, qui s’étaient rassemblées derrière la candidature de l’ex-président (2003-2010). 

Une fois de plus, ce sont les États pauvres du Nordeste qui ont donné la victoire à Lula et à son “camp de la démocratie”. Les riches États du Sud, tout comme ceux de Rio de Janeiro et de Sao Paulo, ont eux voté largement pour Jair Bolsonaro.

La victoire de Lula est étriquée, bien loin du raz-de-marée que lui avaient promis les instituts de sondages pendant des mois, et laisse un pays profondément fracturé, entre Nord et Sud, entre riches et pauvres, entre traditionalistes et progressistes.

Quant à l’ex-capitaine Bolsonaro, soutenu par une solide base électorale radicalisée, reste à savoir s’il acceptera une défaite aussi courte. Le déploiement de barrages sur certaines routes et ponts opérés par l’armée et le corps de police chargé de la surveillance du réseau routier (la PRF qui compte 13 000 agents) durant la journée de vote de dimanche laisse présager des journées de grande tension.

Des lendemains qui chantent ?

Après avoir mis son bulletin dans l’urne, Lula disait être confiant dans “une victoire de la démocratie” tandis que Jair Bolsonaro lâchait qu’il allait remporter l’élection “si Dieu le veut”. Au lendemain d’une confrontation aussi radicale que violente, Dieu et la démocratie vont devoir se réconcilier pour que l’ancien président parvienne à gouverner un pays qui, pour une moitié, a exprimé son adhésion à un agenda politique ultra conservateur.

De retour pour quatre ans à la tête du géant brésilien (215 millions d’habitants, 156 millions d’électeurs), l’habile négociateur va devoir faire des miracles pour satisfaire le camp de la démocratie, qui l’a élu, et tenter d’apaiser les supporters du bolsonarisme. Sur l’éducation, la santé, les services publics et bien plus encore sur des sujets tels le droit à l’avortement, la libéralisation du port d’arme, ou l’exploitation agricole et minière de l’Amazonie, l’ancien syndicaliste trouvera-t-il d’impensables compromis ?

« À partir du 1er janvier 2023, je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens et pas seulement pour ceux qui ont voté pour moi. Il n’y a pas deux Brésils. Nous sommes un seul pays, un peuple unique et une grande nation. »


À 77 ans, l’infatigable guerrier est haï autant qu’il est adulé. Et si Jair Bolsonaro a été battu, le bolsonarisme, lui, est sorti renforcé de cette élection. En effet, au Congrès, où le Parti des travailleurs, ses alliés et ses soutiens sont loin d’avoir une majorité, une opposition ultra droitière et puissante attend Lula au tournant.

L’ombre persistante de Jair Bolsonaro

Députés et sénateurs bolsonaristes ne se contenteront sans doute pas d’une guérilla parlementaire et de manœuvres d’obstruction. En effet, ils disposent d’une force de frappe suffisante pour tenter de mettre en œuvre une procédure de destitution dès la rentrée parlementaire, début février 2023, après l’entrée en fonction du président le 1er janvier. 

Après un mandat chaotique marqué par une gestion mortifère de la crise du Covid-19, le président d’extrême droite est parvenu à imposer son agenda ultra conservateur et ses méthodes politiques non conventionnelles à un pays fracturé en deux camps qui se détestent. 

Le score très serré de cette présidentielle hors norme montre que le bilan et le style de celui qui se présentait comme un outsider de la vie politique brésilienne n’a pas effrayé les électeurs. Un défi immense et difficile pour Lula, à l’aube de son troisième mandat.

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