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Agression en Haute-Mauricie: une «super woman» pour veiller sur les motoneigistes

Agression en Haute-Mauricie: une «super woman» pour veiller sur les motoneigistes


SHAWINIGAN | En Haute-Mauricie, tout le monde connaît Sylvie Lachapelle. Conseillère municipale, infatigable hôtelière et présidente du Club quad, la «super woman» de Parent a survécu à une tentative de meurtre d’une extrême violence, en 2020. Près de trois ans après son agression, elle milite contre la violence faite aux femmes.

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Dire que Sylvie Lachapelle est une femme d’action serait un euphémisme. De son propre aveu, la dame de 56 ans a toujours «roulé à 300 milles à l’heure». Sauf en motoneige, bien sûr. 

Le 3 janvier 2020, elle a frappé un mur. En fait, c’est plutôt le mur qui l’a frappée. À coups de poing, à coups de genou, à coups de «bottes de ski-doo» dans le visage. 21 fois en trois minutes à peine. 

«Ce n’est pas compliqué, il a scrappé ma vie», résume-t-elle en entrevue avec notre Bureau d’enquête. 

«Il», c’est Patrice St-Amand. L’homme de 44 ans est accusé de tentative de meurtre à l’endroit de la copropriétaire de l’Hôtel Central de Parent. Son procès a débuté la semaine dernière à La Tuque. 


Patrice St-Amand est accusé de tentative de meurtre.

Capture d’écran, TVA Nouvelles

Patrice St-Amand est accusé de tentative de meurtre.

Vidéo percutante

L’agression d’une violence inouïe a été captée par une caméra de surveillance de l’établissement, et les images ont été rendues publiques, mercredi.


Une caméra de surveillance a capté la scène où il aurait roué l’hôtelière de coups au visage.

Courtoisie

Une caméra de surveillance a capté la scène où il aurait roué l’hôtelière de coups au visage.

L’indignation était sur toutes les lèvres en Haute-Mauricie. À l’Auberge de la petite chapelle, à l’hôtel Marineau, au « Déli » – le restaurant de la rue Commerciale où tout le monde mange –, dans les couloirs du palais de justice: tout le monde parlait de ce qui était arrivé à Sylvie. 

Ailleurs en province aussi, car Mme Lachapelle est une figure de proue de la communauté quadiste et motoneigiste.

«Comment un être humain peut faire ça à un autre? C’est le mal incarné! Cette femme-là, c’est un ange. Elle ne méritait tellement pas de subir ça. Quand je l’ai appris, ça m’a scié les jambes», laisse tomber l’humoriste Philippe Laprise, qui a vite pris de ses nouvelles via l’application FaceTime.


L’humoriste Philippe Laprise connaît bien Mme Lachapelle, qu’il décrit comme «un ange».

MARTIN ALARIE / AGENCE QMI / JOURNAL DE MONTREAL

L’humoriste Philippe Laprise connaît bien Mme Lachapelle, qu’il décrit comme «un ange».

Celui qui a animé l’émission de télé Histoires de sentiers ne tarit pas d’éloges envers Mme Lachapelle.

«C’est une femme hyper ouverte, hyper douce, zéro violente. Je ne l’ai jamais vue fâchée. Je suis sûr que juste avant [la tentative de meurtre alléguée], elle lui parlait doucement», décrit-il en entretien téléphonique, une description semblable à toutes celles que notre Bureau d’enquête a entendues lors de notre passage en Haute-Mauricie.

Amoureuse de la nature

Native de Laval, Sylvie Lachapelle s’est installée à Parent – un petit village de 400 âmes à 200 kilomètres au nord de La Tuque – à l’âge de 18 ans. Elle est allée rejoindre son conjoint, qui travaillait déjà dans la région.

«J’étais supposée être là juste un an», se souvient celle qui y vit depuis presque quatre décennies.

Son idylle n’a pas duré, mais Sylvie est tombée amoureuse de son nouveau coin de pays. Mordue de pêche, de véhicule tout-terrain et de motoneige, elle a choisi de s’y établir pour de bon lorsqu’elle a rencontré son conjoint des 36 dernières années, Jean Dupont. 

Lieu mythique

À l’époque, ce dernier était gérant de l’Hôtel Central. L’établissement qui comprend une trentaine de chambres, un restaurant et un bar a pignon sur rue dans ce village forestier depuis 1910. 


De nombreux motoneigistes se donnent rendez-vous à l’Hôtel Central de Parent tous les hivers.

Courtoisie

De nombreux motoneigistes se donnent rendez-vous à l’Hôtel Central de Parent tous les hivers.

Lorsque le propriétaire a décidé de s’en départir en 1999, Sylvie Lachapelle et Jean Dupont ont sauté sur l’occasion.

Ayant toujours œuvré dans le domaine du service à la clientèle, Mme Lachapelle s’est grandement investie dans sa communauté. Elle a notamment occupé un poste de conseillère municipale pendant huit ans.

Et, en plus de travailler «comme une débile à l’hôtel», 15 heures par jour, sept jours sur sept, elle a fondé un corps de majorettes ainsi que le Club quad de Parent.


On voit ici Sylvie Lachapelle il y a quelques années avec un groupe de touristes français.

Courtoisie

On voit ici Sylvie Lachapelle il y a quelques années avec un groupe de touristes français.

«Le seul club de la Fédération [dont le Conseil d’administration ne comprend] que des femmes», dit-elle fièrement. 

Avec le Club quad, elle organisait des méchouis et des «soupers au doré», dont les profits allaient à la population de Parent. «Quand les gens avaient besoin de soins médicaux en dehors du village, on les aidait avec l’hébergement, par exemple. On a aussi aidé à conserver l’église de Parent», illustre Mme Lachapelle.

Hôtelière et psychologue

«Sylvie est une personne centrée sur les gens, toujours prête à aider. Elle a joué à la psychologue souvent. Si quelqu’un était un peu trop en boisson, il ne repartait pas du Central, elle allait le coucher dans une chambre», relate Philippe Laprise. 

C’est d’ailleurs ce qu’elle aurait offert à Patrice St-Amand, le soir de l’agression. Sylvie Lachapelle s’était levée du lit un peu avant 1h30 pour aller aider sa serveuse Nathalie Hébert, qui avait «du trouble» avec ce client turbulent.


Capture d’écran TVA Nouvelles

«Il n’y a jamais eu de problèmes à l’Hôtel. Les gens me respectaient. Ça arrivait rarement qu’il y avait des batailles», note-t-elle. 

Cette nuit-là, Jean Dupont avait offert à sa conjointe de s’occuper de la situation, mais celle-ci a décliné son offre. «Mon conjoint était plus âgé et plus petit. Je jasais avec les gars, je prenais un verre avec eux autres. Je réussissais toujours à désamorcer les choses», détaille l’hôtelière.

Bouncer à ses heures

Du haut de ses 5pi7, Sylvie Lachapelle n’hésitait pas à «jouer au bouncer», s’il le fallait. «J’ai déjà sorti un gars de 6pi sur le trottoir en le poussant dehors. Ça fait 15 ans et le monde m’en parle encore. En ville, les gens ne sont pas habitués à ça, la police est proche. Nous autres, il faut qu’on se démerde», résume-t-elle. 


L’humoriste Philippe Laprise connaît bien Mme Lachapelle, qu’il décrit comme « un ange ».

Photo d’archives

L’humoriste Philippe Laprise connaît bien Mme Lachapelle, qu’il décrit comme « un ange ».

Sylvie Lachapelle a toujours semé le bien autour d’elle, et elle en récolte maintenant les fruits. Incapable de conduire plus d’une heure en raison de son important traumatisme crânien, le soutien de ses proches lui est indispensable.

Bien qu’elle soit toujours incapable de reprendre le travail, il est hors de question pour l’hôtelière de baisser les bras. «J’essaye toutes sortes d’affaires pour enlever le mal de tête, tout ça à mes frais. Je vois des spécialistes à Trois-Rivières, à Québec, à Montréal. Je suis même allée voir un chiro à Saint-Jean-Port-Joli», énumère-t-elle. 

Comme l’a formulé le procureur de la Couronne, Me Éric Thériault, Sylvie Lachapelle est certainement faite en fer forgé. Elle plie, mais elle ne casse pas.

Elle a tenté de se relever à deux reprises pendant qu’elle était passée à tabac. Deux jours après avoir été opérée par le chirurgien Alain Guimont, elle sortait de l’hôpital. 

Violence inacceptable

Trois semaines plus tard, elle participait à une veillée contre les féminicides à Québec, à la suite du décès de Marylène Lévesque, aux mains d’un tueur récidiviste. 

«Je trouvais ça important de montrer que c’est inacceptable. Les femmes doivent être prudentes et, surtout, ne pas tolérer la violence. Et il faut passer le message aux hommes: s’ils ont un problème, qu’ils se fassent soigner», soutient Mme Lachapelle. 

Au printemps 2020, l’hôtelière s’est rendue à l’hôpital de La Tuque pour remettre une statuette d’ange à la première infirmière qui l’avait accueillie. «Je voulais lui dire merci et qu’elle voit que j’avais la face moins pire», dit-elle en riant. 

Dommages collatéraux

Ce avec quoi Sylvie Lachapelle peine à composer, ce sont les dommages collatéraux de son agression. «Dans les petits villages, on fait confiance à tout le monde. Quand j’ai été attaquée, ça a affecté toute la population», explique-t-elle.

Et, comme un malheur ne survient jamais seul, le conjoint de Mme Lachapelle a poussé son dernier souffle le 10 août dernier.

«Après mon agression, il était pogné tout seul avec l’hôtel et il vivait beaucoup de stress. Il a eu deux AVC et a trois cancers. C’était trop pour lui», se désole celle qui s’est occupée de son Jean jusqu’à la fin.

Malgré tous ces malheurs, Sylvie Lachapelle n’a aucune intention de quitter Parent. Et quand on lui demande ce qui lui manque le plus, elle répond sans hésitation: «travailler». 

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