Affaire de drogue Kertania Odususi : Quand la “stupidité” devient stratégie judiciaire

Kertania Odususi

Une criminologue qui ne comprend pas le crime ?

Il y a quelque chose de presque absurde dans cette histoire.
Kertania Odususi, 24 ans, étudiante en criminologie à la London Metropolitan University, s’est rendue en Thaïlande pour un “voyage gratuit” qu’on lui proposait en échange d’un simple service : ramener une valise supposée contenir du tabac.
À son retour à l’aéroport d’Édimbourg, le 16 mars 2024, les agents de la Border Force ont ouvert ses bagages — deux grandes valises bleues — et découvert 40 paquets sous vide contenant 20 kilos de cannabis. Valeur marchande : environ 200 000 £.

À ce moment-là, tout semblait joué. Elle avait transporté une quantité industrielle de stupéfiants, en provenance d’un pays connu pour son trafic, et à une époque où les autorités britanniques multiplient les contrôles. Mais une chose inattendue allait la sauver : son ignorance.


“Je ne savais pas ce que je transportais” : la défense la plus vieille du monde

Au tribunal d’Édimbourg, Odususi a raconté qu’elle avait accepté ce voyage sans poser de questions, croyant rendre service à un ami. Elle a expliqué qu’elle avait emballé elle-même les valises, mais ne possédait pas la clé pour les rouvrir.
Lorsque les douaniers ont forcé les valises et révélé la drogue, elle s’est effondrée en larmes :
« Mon cœur a littéralement lâché, j’ai paniqué, j’ai su que ma vie était finie. »

Devant le jury, la jeune femme a plaidé la naïveté. Et cela a fonctionné.
Après seulement une heure de délibération, les quinze jurés ont rendu un verdict “not proven” — une singularité écossaise qui, dans les faits, équivaut à une acquittement définitif sans appel possible.

Le résultat est sidérant : une future criminologue a été libérée pour avoir été jugée trop ignorante pour comprendre le crime qu’elle transportait.


La justice a-t-elle récompensé la bêtise ?

Le cœur du scandale est là. Ce verdict envoie un message dévastateur :
la justice écossaise considère désormais la stupidité comme une circonstance atténuante.

Le jury n’a pas jugé les faits — pourtant accablants — mais une impression.
Une jeune femme, éduquée, au visage lisse, pleurant à la barre.
Une étudiante en criminologie que l’on préfère croire naïve plutôt que cynique.
Et cette émotion, plus que la raison, a suffi à dissoudre la gravité du crime.

Comment un système judiciaire peut-il à ce point se laisser influencer par la mise en scène de la fragilité ?
Comment peut-on étudier les mécanismes du crime, suivre des cours sur la responsabilité pénale, et prétendre ne pas savoir qu’une valise scellée en provenance de Bangkok cache autre chose que du tabac ?


Le danger silencieux : la normalisation de l’ignorance

Ce cas ne serait qu’une aberration isolée s’il ne s’inscrivait pas dans une tendance plus large.
En Écosse, le verdict “not proven” a déjà permis à plusieurs accusés d’échapper à des condamnations malgré des preuves accablantes.
Le Scottish Legal News rapporte que plus de 19 % des procès criminels se terminent par ce verdict ambigu, qui ne tranche rien mais libère tout le monde.

Autrement dit : le doute est devenu un alibi national.
On préfère douter de l’intelligence d’un accusé plutôt que de son innocence.
Et, dans le cas Odususi, le doute a pris la forme la plus cynique qui soit :
si elle étudie le crime, c’est qu’elle ne peut pas être une criminelle —
et si elle l’est malgré tout, alors c’est qu’elle est trop stupide pour l’avoir compris.


Quand les futurs juristes deviennent les angles morts du système

Ce verdict crée un paradoxe vertigineux : Kertania Odususi est étudiante en criminologie.
Demain, elle pourrait travailler dans les services judiciaires, devenir chercheuse, avocate, voire juge.
Elle aura pour mission de juger, d’enseigner, d’interpréter les comportements déviants.
Et pourtant, le système qui l’a formée vient de l’exonérer au motif qu’elle n’était pas capable de comprendre le crime le plus basique : le transport de drogue.

Autrement dit : la stupidité a désormais valeur de compétence judiciaire.

La question n’est plus “comment une étudiante a pu commettre une telle erreur ?”, mais “comment un jury a pu transformer cette erreur en vertu ?”
Le message implicite adressé aux futurs criminels est clair : jouez l’idiot, pleurez un peu, et le système finira par vous croire.


Un verdict sans retour possible

Le “not proven” est une curiosité écossaise vieille de plusieurs siècles.
Ce n’est ni une condamnation, ni un acquittement : une sorte de zone grise qui permet au jury de dire “nous ne sommes pas convaincus, mais nous ne voulons pas condamner”.
En droit écossais, ce verdict empêche tout nouvel examen de l’affaire, même si des preuves ultérieures apparaissaient.

En clair : même si la police écossaise découvrait demain des messages prouvant qu’Odususi avait organisé le trafic elle-même, elle ne pourrait plus jamais être rejugée.
La justice a parlé — et s’est condamnée à se taire.


Les jurés, entre compassion et confusion

Selon une étude du Scottish Courts and Tribunals Service, le profil des jurés écossais est majoritairement féminin (61 %), urbain et issu des classes moyennes.
Beaucoup d’entre eux n’ont aucune formation juridique.
Leur jugement repose donc sur des émotions, des impressions, et parfois une forme de culpabilité morale vis-à-vis d’un accusé “jeune” ou “malchanceux”.

Les chercheurs de l’Université de Stirling ont démontré que dans près d’un procès sur cinq, le verdict “not proven” est choisi quand le jury veut éviter le poids moral d’une condamnation, même si les preuves sont fortes.
Autrement dit, la justice écossaise s’humanise à tel point qu’elle se désarme.


Une dérive morale : quand l’émotion remplace la responsabilité

Il faut dire les choses simplement : le jury a cru qu’elle était idiote.
Et c’est cela, le cœur du scandale.
L’affaire Odususi n’est pas celle d’une innocente injustement accusée, mais celle d’un système judiciaire qui confond la compassion avec la justice.
Un système qui, face à une jeune femme qui pleure, oublie qu’elle transporte l’équivalent d’un demi-million d’euros de drogue.

On ne peut pas bâtir un État de droit sur la base du larmoiement et de l’incompétence.
Si la stupidité devient un passeport pour l’impunité, alors l’intelligence devient un handicap judiciaire.


La société du doute permanent

Cette affaire marque un tournant symbolique : l’idée que la responsabilité individuelle se dissout dans la psychologie de circonstance.
On ne juge plus ce que les gens font, mais ce qu’ils disent ressentir.
On ne condamne plus les actes, mais les intentions supposées.
Et dans ce brouillard sentimental, les trafiquants, les manipulateurs et les opportunistes trouvent une faille béante.

Ce n’est plus la loi qui arbitre : ce sont les émotions.
Le droit devient une scène, le procès un théâtre, et la justice une tragédie nationale.


Une justice qui doute, c’est une justice qui abdique

Dans l’histoire écossaise récente, d’autres affaires marquées par le verdict “not proven” ont déjà semé la colère :
le meurtre de Jodi Jones, les World’s End Murders, ou encore l’affaire Margaret Fleming.
Mais le cas Odususi va plus loin.
Car il ne s’agit pas seulement d’un crime, mais d’un symbole : celui d’une génération qui étudie la criminalité sans en comprendre les implications morales.

La jeune femme poursuivra probablement ses études. Peut-être même brillera-t-elle dans le monde judiciaire.
Mais une question demeure : que vaut un système qui apprend à comprendre le crime sans savoir le reconnaître ?


“Le droit de ne plus penser : comment le verdict ‘not proven’ protège les coupables”

Le cas Odususi révèle plus qu’un dysfonctionnement judiciaire : il symbolise une démission intellectuelle.
Sous prétexte d’humanité, la justice écossaise consacre une idée terrifiante — celle qu’il est désormais possible d’être irresponsable non pas parce qu’on est fou, mais parce qu’on est stupide.

Depuis toujours, le droit repose sur un principe fondateur : la capacité de discernement.
Celui qui sait ce qu’il fait, assume. Celui qui ne sait pas, est protégé.
Mais entre ces deux pôles, la société moderne a inventé une zone grise : celle de la sensiblerie et du déni intellectuel, où la compassion devient un substitut de pensée.

Le verdict « not proven » a été conçu pour éviter les erreurs judiciaires.
Il est aujourd’hui devenu l’alibi moral d’une époque qui n’ose plus juger.
Les jurés n’osent plus condamner, les juges n’osent plus trancher, les politiques n’osent plus réformer.
Et pendant ce temps, la bêtise devient un refuge juridique — une stratégie de défense, presque un privilège de classe.

Quand une étudiante en criminologie peut transporter pour 200 000 £ de drogue et être déclarée non coupable parce qu’elle “n’a pas compris”, ce n’est plus la justice qui flanche — c’est la civilisation du droit qui vacille.
Car si le crime devient excusable par ignorance, alors le savoir devient un fardeau, et l’intelligence, une faute.

Dans un monde où l’on ne juge plus les actes mais les intentions,
où la culpabilité se mesure à la sincérité des larmes,
il ne reste plus que deux catégories d’individus :
ceux qui mentent bien, et ceux qui pleurent mieux.

Et ce n’est plus la loi qui gouverne — c’est la psychologie.
Une psychologie molle, sentimentale, anesthésiante, qui confond la bonté avec l’abdication.
En cela, le verdict “not proven” n’est pas seulement une absurdité judiciaire : c’est un symptôme civilisationnel.
Il marque la victoire de l’émotion sur la raison — et la défaite du courage d’être lucide.


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