Dimanche 16 octobre, la commune d’Asilah a renoué avec son traditionnel moussem culturel international. Jusqu’au 5 novembre, les invités ont la possibilité d’assister à des colloques et des interventions sur des thèmes qui mélangent politique, géostratégie, peinture, ou encore poésie….
Après une annulation en 2020 suivie d’une version partielle en 2021, le festival a retrouvé les principales composantes à l’origine de son succès, dont l’une, particulièrement visible, tient à la sociologie hétérogène et prestigieuse des participants. Comme lors des éditions précédentes, on y croise pêle-mêle artistes, poètes, ministres des Affaires étrangères et ambassadeurs africains, à la retraite ou toujours en fonction.
Créée en 1978 par l’ancien ministre des Affaires étrangères (1999-2007) et ambassadeur du royaume à Washington (1993-1999) Mohamed Benaïssa et l’artiste peintre Mohamed Melehi, tous deux originaires d’Asilah, cette fête régionale annuelle est placée sous le haut patronage du roi Mohammed VI, que ce dernier connaît bien, puisqu’il avait assisté à la première édition, lorsqu’il était âgé de seulement 15 ans.
Évolution
Nous sommes à la fin des années 1980. À l’origine, celui qui n’est encore « que » député souhaite faire construire une bibliothèque dans sa ville natale. De son côté, son camarade Mohamed Melehi, enseignant à Casablanca, rêve de voir fleurir des ateliers de peinture à l’intérieur de la médina bleue et blanche.
C’est ainsi que les deux amis décident de créer la Fondation du forum d’Asilah, d’où naîtront plusieurs projets, dont celui du fameux moussem, qui deviendra avec le temps l’un des rendez-vous phares du royaume. « C’est une construction qui s’est réalisée progressivement. À la base, on voulait surtout que cette petite ville rayonne », lance Mohamed Benaïssa, à la fois nostalgique et conscient du chemin parcouru.
Initialement conçu comme une plateforme de dialogue interculturel, l’évènement dépassera très largement les ambitions initiales de ses créateurs, jusqu’à acquérir une dimension politique. Aujourd’hui, le festival sert de plateforme informelle d’échanges entre intellectuels, diplomates, artistes ou représentants de la société civile.
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Une évolution parfaitement assumée par Mohamed Benaïssa, qui se souvient avoir réuni, à l’époque où il était en fonction à Washington au milieu des années 1990, le directeur de la section Proche-Orient au Conseil national de sécurité des États-Unis, Martin Indyk, et le ministre iranien de la Communication. « C’était l’une des toutes premières rencontres entre Iraniens et Américains », rappelle, non sans une pointe de fierté, le maire d’Asilah.
Relève
Avec ses fresques murales présentes un peu partout dans les différents endroits qui accueillent les invités, le moussem n’en conserve pas moins une forte touche culturelle et artistique. Une façon de faire perdurer l’héritage de son ami d’enfance et co-fondateur du projet, Mohamed Melehi, décédé en 2020 à l’âge de 83 ans après avoir contracté le Covid-19.
Le festival – Benaïssa récuse cette appellation et lui préfère celle de « moussem » – survivra-t-il à son créateur, une fois que ce dernier aura tiré sa révérence ? La question, à ce stade, reste entière, tant l’évènement est aujourd’hui incarné par son initiateur, qui assure toutefois vouloir « faire émerger un nouveau capitaine, quelqu’un susceptible de prendre la relève ».
Un ultime défi sous forme d’aubaine pour le maire d’Asilah qui, malgré ses 85 ans, confie avoir « horreur de se reposer », préférant « chercher la quiétude dans le travail ». Une séquelle intériorisée de son séjour américain ? Peu importe, l’ancien ambassadeur a d’ores et déjà trouvé la formule qui résume sa dernière mission : « Je vais semer des graines ».