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le pari risqué de Joe Biden sur l’avortement

le pari risqué de Joe Biden sur l’avortement



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Le président des États-Unis a promis mardi une loi fédérale sur le droit à l’avortement en janvier en cas de victoire du Parti démocrate aux élections de mi-mandat début novembre. Un pari pour mobiliser son électorat à trois semaines d’un scrutin qui s’annonce serré.

Dans une campagne un peu morne, Joe Biden tente un pari risqué. En promettant, mardi 18 octobre, d’inscrire le droit à l’avortement dans la loi fédérale en janvier en cas de victoire du Parti démocrate aux élections de mi-mandat du 8 novembre, le président américain espère créer un sursaut au sein de sa base électorale.

Plus haute juridiction des États-Unis, la Cour suprême est revenue le 24 juin sur son arrêt Roe vs Wade qui garantissait depuis un demi-siècle le droit des Américaines à interrompre leur grossesse, et a rendu sa liberté à chaque État en matière d’IVG.

« Rappelez-vous ce que vous avez ressenti ce jour-là (…), la colère, l’inquiétude, l’incrédulité », a lancé Joe Biden mardi lors d’un discours devant le Parti démocrate à Washington, dénonçant le « chaos » ayant suivi cette décision.

« En quatre mois, des lois interdisant d’avorter sont entrées en vigueur dans 16 États », a-t-il poursuivi, et « les élus républicains du Congrès ont renchéri » en promettant d’adopter un tel interdit au niveau fédéral s’ils reprenaient le contrôle du Congrès. « Mais soyons clairs : si une telle loi devait être adoptée dans les années à venir, j’y mettrais mon veto », a tonné le locataire de la Maison Blanche.

En revanche, si les électeurs renforcent la majorité démocrate, « la première loi que j’enverrai au Congrès visera à codifier Roe », a-t-il promis. « Et dès que le Congrès l’aura adoptée, je la signerai, en janvier, pour les 50 ans » de cet arrêt.

L’économie et l’inflation, principales préoccupations des Américains

Joe Biden n’a pas détaillé le texte qu’il enverrait au Congrès et a fait mine d’oublier qu’une proposition de loi protégeant le droit à l’avortement avait déjà été adoptée par la Chambre des représentants. Ce texte est bloqué depuis plusieurs mois au Sénat, où les démocrates ne disposent pas d’une majorité suffisamment large pour passer outre l’obstruction parlementaire des républicains.

Pire, « il se trompe de stratégie » pour l’emporter aux « midterms », selon Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Paris-Panthéon-Assas. « Il n’y a pas eu de manifestations phénoménales dans les rues américaines depuis l’annulation de Roe vs Wade, souligne ce spécialiste des États-Unis. Bien sûr, cela va redynamiser une certaine base chez les démocrates, mais ça ne suffira pas pour l’emporter en novembre. C’est un sujet qui n’intéresse ni les républicains, ni les indépendants. »

>> À lire aussi : « États-Unis : des élections de mi-mandat qui s’annoncent ‘imprévisibles’ pour Joe Biden »

Les sondages montrent d’ailleurs que l’avortement est loin d’être la priorité des Américains. Environ 26 % d’entre eux citent l’économie comme leur principale préoccupation et 18 % l’inflation, loin devant l’avortement à 5 %, selon une enquête publiée cette semaine par l’institut Siena avec le New York Times.

Encore plus inquiétant pour les démocrates, les électrices indépendantes semblent aussi avoir revu leurs préférences. En septembre, les démocrates étaient 14 points devant les républicains dans ce segment de l’électorat, ils sont désormais 18 points derrière.

Une analyse erronée des résultats du référendum au Kansas ?

« C’est vraiment un choix surprenant de la part de Joe Biden, insiste Jean-Éric Branaa. La question de l’avortement n’est même pas mobilisatrice chez les jeunes, qui auraient préféré voir les démocrates faire campagne sur la question environnementale. La question sociale est également passée sous silence. Il y a une erreur d’analyse sur ce qui s’est passé au Kansas. »

Dans cet État conservateur du Midwest, une proposition visant à supprimer le droit à l’avortement inscrit dans la Constitution du Kansas a été rejetée par les électeurs lors d’un référendum organisé début août, et de nombreux démocrates y ont vu le signe que cette question pouvait mobiliser l’électorat.

Depuis, certains stratèges démocrates, comme James Carville, célèbre ancien conseiller de Bill Clinton, ont estimé qu’il fallait faire de l’avortement un sujet majeur. L’ancien président Barack Obama a également apporté son soutien à cette stratégie avec une vidéo postée mercredi sur les réseaux sociaux. Ils s’appuient notamment sur certains sondages montrant que la décision de la Cour suprême pousserait des électeurs à se rendre aux urnes.

Ainsi, selon une étude de la Kaiser Family Foundation publiée le 12 octobre, 50 % des électeurs inscrits affirment que le renversement de Roe vs Wade les motive davantage à aller voter le mois prochain. Encore mieux : selon la même publication, trois femmes sur cinq âgées de 18 à 49 ans disent être davantage certaines d’aller voter depuis la décision de la Cour suprême.

Mais au-delà des sondages contradictoires et de l’importance de la question de l’avortement chez les électeurs et électrices, c’est la promesse même de Joe Biden qui paraît peu crédible. Pour pouvoir passer une loi dès janvier, il faudrait que les démocrates conservent la Chambre des représentants tout en gagnant dix sièges au Sénat, afin d’atteindre les 60 sénateurs nécessaires pour mettre fin à l’obstruction des républicains. Un tel scénario est hautement improbable.

Autre solution, évoquée par Joe Biden mardi lors de son discours : changer la règle du « filibuster », technique utilisée par les sénateurs républicains pour faire obstruction. Mais comme deux des 50 sénateurs démocrates ne veulent pas y toucher, il faudrait que les démocrates remportent deux nouveaux sièges au Sénat, tout en conservant leur majorité à la Chambre basse, pour changer la donne. Un objectif, là encore, qui paraît trop ambitieux. Selon le site spécialisé FiveThirtyEight, les démocrates devraient pouvoir, le 8 novembre, conserver le Sénat, mais perdre la Chambre des représentants.

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