Gêné par un genou meurtri, Franck Ribéry, 39 ans, a annoncé vendredi la fin de sa carrière de footballeur. Joueur hyper talentueux et charismatique, personnage attachant et parfois controversé, le milieu offensif a connu moult galères tout en se hissant parmi les meilleurs joueurs du monde, notamment sous les couleurs du Bayern Munich. À sa manière, « Kaiser Franck » a marqué l’histoire du football français.
L’officialisation était attendue. Le quotidien L’Équipe l’avait annoncé début octobre : Franck Ribéry allait mettre un terme à sa carrière. Miné par des douleurs à un genou, le Français n’avait pu jouer qu’une trentaine de minutes cette saison avec son club italien de la Salernita, mi-août. À 39 ans, le moment est arrivé.
Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, l’enfant de Boulogne-sur-Mer confirme sa retraite. « Le ballon s’arrête mais pas mes sentiments pour lui. Merci à tous pour cette fantastique aventure », confie Franck Ribéry. « La douleur à mon genou n’a fait qu’empirer et les médecins sont formels : je n’ai plus le choix, il faut que j’arrête de jouer », poursuit-il.
The ball stops. The feelings inside me do not. ✨
Der Ball ruht. Die Gefühle in mir nicht. ✨
Le ballon s’arrette mais pas mes sentiments pour lui. ✨
Il pallone si ferma. Le emozioni dentro di me, no. ✨Thanks to everyone for this great adventure. 🙏🏼#FR7 #Elhamdoulillah pic.twitter.com/Ku4i1MeEbE
— Franck Ribéry (@FranckRibery) October 21, 2022
Franck Ribéry quitte les terrains, mais le néo-retraité n’en n’a pas terminé avec le ballon rond. « C’est la fin d’un chapitre, celui du joueur, mais pas la fin de mon histoire professionnelle, vous pouvez en être sûr. Alors, je vous dis à très bientôt pour le début d’un nouveau beau chapitre », promet-il. L’US Salernita confirme que l’ex-joueur « continuera, dans un autre rôle, à faire partie du club ». Sans doute dans l’encadrement ou dans la direction (si tu as une source là-dessus à citer)
Cette cicatrice au visage, une souffrance devenue une force
Rembobiner le parcours de Franck Ribéry est un défi tant la vie de l’homme et du footballeur n’a rien d’un long fleuve tranquille. Natif du Pas-de-Calais, son enfance bascule alors qu’il n’a que deux ans. Victime d’un accident de la route, il percute le pare-brise. Le petit garçon en restera marqué à vie avec des cicatrices le long de la joue droite et sur le front.
Des années plus tard, ces stigmates participeront au charisme qui émane de Franck Ribéry. Mais elles ont aussi été une souffrance. Début 2018, dans le documentaire ‘Ma part d’ombre’ sur Canal+, il se confiait sur les moqueries dont il faisait l’objet alors qu’il était enfant, et comment elles ont forgé sa carapace et sa personnalité :
« C’est ça qui m’a donné ce caractère, cette force aussi. Quand tu es jeune et que tu es marqué comme ça, ce n’est pas facile. Le regard des gens, les critiques. (…) À l’école, des parents te regardent et parlent entre eux. Ça rigole. (…) C’est méchant. Quand tu es jeune, tu souffres. Mais même quand on se moquait de moi, jamais je n’allais dans un coin pleurer. Jamais. », raconte-t-il dans une confession émouvante.
Dans l’adversité, Franck Ribéry s’est construit. Il en a toujours été ainsi pour lui. À Lille, l’adolescent turbulent est exclu du centre de formation à 16 ans et doit trouver refuge à Boulogne-sur-Mer, au troisième échelon national. Si certains jeunes talents connaissent une trajectoire linéaire, le jeune homme balafré doit, lui, emprunter un chemin plus cabossé, plus laborieux. Il passe des essais infructueux, travaille un temps sur des chantiers et se retrouve à Alès, puis à Brest, toujours en National.
Explosion du « môme » à Marseille et en équipe de France
Son unique saison dans le Finistère, en National, est déterminante. Il brille avec le Stade brestois et tape dans l’œil des recruteurs. Le FC Metz saisit l’opportunité et, à 21 ans, Franck Ribéry découvre la Ligue 1 avec les Grenats. Ses débuts sont éblouissants. La France découvre un phénomène supersonique, insaisissable, vrai calvaire des défenseurs. Six mois plus tard, le petit prodige rejoint Galatasaray. En Turquie aussi, le Français ne restera que six mois.
À l’été 2005, retour dans l’Hexagone pour « Ti Franck ». L’Olympique de Marseille attire le feu follet. Comme à Metz un an plus tôt, Franck Ribéry réalise des prouesses. Adopté par le public marseillais, le milieu offensif se révèle toujours plus aux yeux du monde entier, avec une saison exceptionnelle sur le plan personnel (12 buts, 8 passes décisives).
La cerise sur le gâteau arrive au printemps 2006 quand le sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech, décide d’emmener le novice pour la Coupe du monde en Allemagne. Dans une équipe de France composée de cadres expérimentés, Franck Ribéry amène une touche de folie et d’insouciance. Le groupe l’accueille à bras ouverts, le Marseillais est adoubé par le capitaine Zinédine Zidane.
La greffe est une réussite totale. Le nouveau venu est titulaire et entre dans le cœur des supporters le 27 juin 2006, en huitièmes de finale face à l’Espagne. La Roja mène 1-0 quand arrive la 41e minute de jeu : lancé par Patrick Vieira, Franck Ribéry dribble Iker Casillas et égalise pour l’équipe de France, qui s’imposera 3-1. « Vas-y mon petit ! (…) Il est génial, le môme ! », s’exclame le journaliste Thierry Gilardi, dans un commentaire resté célèbre. Ribéry et ses partenaires finiront vice-champions du monde.
2010, l’année horrible
En 2007, Franck Ribéry change de dimension en rejoignant un cador européen : le Bayern Munich. Là-bas, il héritera du surnom de « Kaiser Franck » (« Franck l’Empereur »), en clin d’œil à Franz Beckenbaueur, légendaire défenseur des Bavarois. Pendant 12 ans, le numéro 7 enchantera la Bavière, avec notamment cette Ligue des champions soulevée en 2013.
C’est aussi pendant ces années que l’étoile Ribéry pâlit. L’année 2010 est cauchemardesque. En avril, éclate « l’affaire Zahia » : Franck Ribéry est accusé d’avoir eu des relations sexuelles tarifées avec une escort-girl, Zahia Dehar, alors que celle-ci était encore mineure. Karim Benzema fut également accusé. La justice relaxera finalement les deux joueurs en janvier 2014, mais l’image de Franck Ribéry est écornée.
Dans la foulée, la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud est un fiasco total. Sur le terrain, l’équipe de France est ridicule, très loin de son niveau d’il y a quatre ans. En coulisses, le groupe explose. Après l’exclusion de Nicolas Anelka, les Bleus s’insurgent et boycottent un entraînement à Knysna, devant les caméras du monde entier.
L’équipe de France sombre et la presse française se fait l’écho d’une prétendue animosité entre Franck Ribéry et Yoann Gourcuff. Dans ce marasme, le joueur du Bayern Munich s’invite un matin en claquettes-chaussettes sur le plateau de l’émission Téléfoot, sur TF1, et confie, dans une scène surréaliste et avec des trémolos dans la voix, tout son mal-être.
Le Franck Ribéry blagueur et rafraîchissant a disparu. Quelque chose s’est cassé en Afrique du Sud, tandis qu’à Paris, la ministre des Sports allume « des caïds immatures (qui) commandent à des gamins apeurés ». L’épisode de Knysna vaudra à Franck Ribéry trois matches de suspension.
Le Ballon d’Or 2013, une tache indélébile
Alors qu’il se maintient à un excellent niveau à Munich, « Kaiser Franck » perd peu à peu le fil avec les Bleus. Il ne brille pas durant un Euro 2012 décevant pour la France, coachée par Laurent Blanc. Sous la houlette de Didier Deschamps ensuite, Franck Ribéry retrouve la lumière. Il est d’abord un cadre de l’équipe de France en reconstruction.
Mais la Coupe du monde 2014 au Brésil se jouera sans lui. Une blessure au dos le contraint à déclarer forfait. Quelques semaines plus tard, Franck Ribéry annonce sa retraite internationale, à 31 ans, estimant avoir manqué de soutien au moment de sa blessure. L’aventure avec les Bleus, commencée en fanfare, s’achève en eau de boudin (81 capes, 16 buts).
Quelques mois plus tôt, un autre épisode avait fait mal au dribbleur : cette troisième place au classement du Ballon d’Or 2013, derrière le vainqueur Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Franck Ribéry avait pourtant signé une saison 2012-2013 stratosphérique. Mais il a quand même terminé à la troisième marche du podium. « Un vol », comme il l’a raconté à nouveau à Canal+ :
« Ça a été difficile. Incompréhensible. J’ai gagné tous les trophées. J’étais le meilleur joueur de la Bundesliga et le meilleur joueur d’Europe. J’étais présent de A à Z, que ce soit avec mon club ou avec l’équipe de France. (…) J’étais au sommet, je ne pouvais pas faire plus », juge-t-il.
Dans cette course à la distinction individuelle suprême, l’esthète a aussi eu le sentiment de ne pas avoir eu un soutien massif de la France du football : « J’ai eu le soutien de certains Français, mais je n’ai pas eu tout mon pays derrière moi. » Le proverbe « nul n’est prophète en son pays » sied assez bien au joueur, moqué entre autres pour ses fautes de langue. Son « routourne va tourner » est même passé à la postérité.
Un monument du foot français
S’il a pu ressentir un certain désamour dans l’Hexagone et a manqué le train des Bleus champions du monde en 2018, Franck Ribéry a trouvé, pendant ses 12 années en Allemagne, un autre foyer. En 2019, à l’heure de quitter la maison munichoise, le Français faisait des adieux émouvants à l’Allianz-Arena, l’antre du Bayern.
« Merci. La famille Ribéry vous aime », clamait-il, en larmes, entouré de son épouse Wahiba et de leurs enfants. C’était avant d’aller terminer sa carrière à un niveau plus modeste en Italie, à la Fiorentina (2019-2021) et donc à la Salernita.
Aujourd’hui, l’ex-Tricolore reçoit des hommages du monde entier, à l’heure de raccrocher les crampons après 22 années sur les terrains. À Munich notamment, les mots sont les plus forts. Oliver Kahn, l’ancien tempétueux gardien devenu dirigeant du Bayern, a salué celui le faisait tourner en bourrique avec ses blagues :
« Tu es arrivé à Munich comme un filou, tu m’as surpris une ou deux fois avec un seau d’eau et tu es désormais une icône absolue du club. Je te souhaite le meilleur pour ton avenir, tu seras toujours chez toi au Bayern. »
Au sein du mastodonte de Bavière, le Français a disputé 425 matches, inscrit 124 buts et distribué 182 passes décisives. Il a également remporté 22 trophées, dont neuf sacres en Championnat et une Ligue des champions. Cela suffit à rappeler, en dépit des critiques, des obstacles et des ratés, l’immense carrière réalisée par l’un des joueurs les plus brillants et les plus excitants de l’histoire du football français.