Défauts de clarification, aides trop diluées, manques de coordination… Dans un rapport intitulé « L’Agence nationale du sport [ANS] et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever », que Le Monde s’est procuré, la Cour des comptes n’épargne pas l’action de cette agence chargée du sport de haut niveau et du développement de la pratique pour tous. Les magistrats de la rue Cambon invitent ainsi à des « clarifications » nécessaires et rapides pour une plus grande « efficience » des politiques mises en œuvre par l’ANS, et formulent une dizaine de recommandations.
Si la Cour des comptes reconnaît que les premiers résultats de l’ANS ne pourront être appréciés que dans la durée, elle s’interroge toutefois, dans ce rapport non public remis fin juillet à la commission des finances de l’Assemblée nationale, sur le choix du statut de l’ANS, créée en avril 2019 sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP). Ce statut juridique permet d’associer l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités locales et le monde économique pour « une gouvernance du sport partagée à responsabilités réparties », telle qu’était définie l’ambition de « l’Agence » à sa naissance.
Problème : si les crédits alloués sont effectivement partagés entre ces différents acteurs, seul l’Etat abonde au budget de l’ANS ; les financements par le secteur privé se font encore attendre. « La création de l’Agence n’a entraîné ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques publiques en faveur du sport et l’articulation entre le secteur public et le secteur privé est restée au niveau de l’intention », souligne la Cour des comptes, qui souligne également l’absence de « hiérarchisation » et de « priorisation » des objectifs « multiples » de l’ANS, qui nuisent à l’efficacité de son action.
Un ministère des sports bis
La Rue Cambon recommande de réaffirmer la tutelle de l’Etat sur l’Agence, que beaucoup dans le mouvement sportif considèrent comme un ministère des sports bis. Des présidents de fédération ne cachaient pas, ces derniers mois, ne pas bien savoir qui fait quoi au sommet de l’Etat. La direction des sports du ministère des sports et des Jeux olympiques est ainsi invitée à « une réorganisation rapide » pour « une clarification indispensable de ses missions régaliennes et de pilotage stratégique ». L’ANS, son opérateur, est chargé, in fine, d’exécuter les politiques publiques, selon les magistrats.
Le séminaire organisé à la mi-juillet par la ministre des sports avec l’ensemble des acteurs du sport français semble avoir répondu aux recommandations de la Cour des comptes. « Il faut un ministère stratège et une agence opératrice », avait notamment déclaré Amélie Oudéa-Castéra, qui avait partagé sa vision du sport français devant un auditoire conquis.
Les magistrats s’interrogent également sur « l’efficacité réelle des aides financières » que l’Agence octroie aux clubs et associations sportifs pour le développement de la pratique pour tous. Des aides trop faibles (5 000 euros de moyenne), selon eux, au regard de celles versées par les collectivités locales, et qui posent la question de leur maintien ou non.
« Conforter l’ANS sur le haut niveau »
Autre grief de la Cour des comptes, les « conférences régionales du sport », déclinaisons locales de l’Agence nationale du sport, n’incarnent pas dans les faits cette ambition de « gouvernance partagée à responsabilités partagées » en raison d’« un refus d’une clarification des compétences des divers niveaux de collectivités ». « Cette gouvernance territoriale du sport doit conduire à une coordination et une complémentarité des politiques conduites par les différents acteurs », souligne le rapport de la Cour des comptes.
Seule la politique mise en œuvre par l’ANS sur le haut niveau semble trouver grâce aux yeux des magistrats. Le plan « Ambition bleue » – décliné par le manager général de la haute performance, Claude Onesta, et ses équipes en vue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 – relève de « choix clairs » et « cohérents », selon le rapport.
Mais, là encore, la Cour des comptes en appelle à « une clarification et [à] une articulation renforcée des missions et responsabilités » de l’Agence et de la direction des sports. Au sein de chaque fédération cohabitent désormais un directeur technique national nommé par la direction des sports du ministère et un directeur de la haute performance choisi par l’Agence, ce qui, parfois, a contribué et contribue encore à la confusion des rôles.
La Rue Cambon recommande de « conforter l’Agence dans ses missions sur le haut niveau et la haute performance ». Pour réussir les Jeux de Paris dans deux ans, mais aussi « faire de la France une grande nation du sport », ambition première de cette réforme de la gouvernance du sport.