Le décret du 24 avril autorisant les employeurs à couper l’eau chaude des sanitaires dans les entreprises et bâtiments professionnels a suscité de vives réactions. Ce décret est censé favoriser la sobriété énergétique, en vue de réduire la consommation d’eau chaude qui augmentait constamment dans les locaux tertiaires. Les chiffres du ministère de la transition écologique montrent que la consommation d’eau chaude sanitaire dans les locaux tertiaires a atteint 22,6 milliards de kilowatts/heure (kWh) en 2019, soit une augmentation de plus de 10 % par rapport à 2013. Cette consommation représente plus de 10 % de la consommation énergétique totale des bâtiments du tertiaire.
Le décret sera en vigueur jusqu’au 30 juin 2024 et la mesure s’appliquera même cet hiver. Les bâtiments concernés incluent les écoles, les hôpitaux et les établissements publics, mais seulement les sanitaires réservés aux travailleurs de ces bâtiments. Ainsi, pour couper l’eau chaude à ses salariés, l’employeur doit récolter l’avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. Par ailleurs, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), obligatoire dans toutes les entreprises d’au moins un salarié et transmis par l’employeur au service de prévention de santé au travail, doit faire le constat de l’absence de risque pour la sécurité et la santé des travailleurs du fait de l’absence d’eau chaude.
Cependant, la coupure de l’eau chaude peut provoquer la prolifération de bactéries, dont la légionellose, qui se développent lorsque la température de l’eau est tiède, c’est-à-dire comprise entre 20 et 45 degrés Celsius. Camille Pradel, avocat spécialiste de la santé au travail, rappelle que certains salariés ont souffert de la légionellose et qu’un cas a été mortel. Ainsi, le DUERP doit prendre en compte les risques de stagnation de l’eau et s’y référer aux normes de bonnes pratiques.
Pour empêcher la stagnation de l’eau chaude et prévenir ainsi la prolifération de bactéries, l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France recommande de « purger tous les points d’usage en cas d’absence prolongée ». L’Agence signale également qu’un arrêté du 30 novembre 2005 préconise une température élevée d’au moins 50 °C en tout point du système de distribution, à l’exception des tubes finaux d’alimentation des points de puisage.
En somme, le décret du 24 avril qui autorise les employeurs à couper l’eau chaude des sanitaires dans les entreprises et les bâtiments professionnels s’avère risqué pour la santé des travailleurs s’il n’est pas appliqué correctement. Ainsi, l’employeur doit prendre en compte les risques sanitaires et écologiques avant de mettre en place une stratégie de réduction de la consommation d’eau chaude.