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Vaste réserve en Outaouais: les dessous d’une querelle de multimillionnaires

Vaste réserve en Outaouais: les dessous d’une querelle de multimillionnaires


Un jugement récent lève le voile sur une rude bataille judiciaire que se sont livrée deux groupes de puissants hommes d’affaires pour le contrôle d’une réserve naturelle au Québec considérée comme une des plus vastes et immaculées en Amérique du Nord. 

Une décision rendue en mai par le juge Thomas M. Davis de la Cour supérieure révèle au grand jour l’affrontement qui s’est déroulé en coulisse pour l’avenir de la réserve Kenauk, en Outaouais. 

Le juge a refusé qu’un groupe de riches hommes d’affaires obtienne un dédommagement après avoir échappé la vente de la prestigieuse propriété en 2013. Selon La Presse, le groupe dirigé par l’héritier de l’entreprise de crayons Bic, Charles Bich, réclamait 13 M$.

Tout a débuté lorsqu’un groupe d’investisseurs mené par le Québécois Patrick Pichette, ex-numéro 2 de Google, a mis la main sur la réserve pour 43,7 M$.

Pichette souhaitait éviter à tout prix qu’un développement immobilier projeté ne vienne défigurer le lac Papineau, où il possédait déjà une résidence.

Charles Bich désirait de son côté acquérir Kenauk avec d’autres afin notamment d’étendre un domaine de chasse privé qu’il détient avec André Desmarais dans le secteur. 

Bich croyait que son groupe et celui de Pichette s’étaient entendus sur une négociation exclusive pour l’obtention conjointe du territoire convoité. Pichette a toutefois préféré s’associer avec d’autres partenaires.

Pas d’exclusivité

Bich et Picchio International (un holding de la famille du Dr Francesco Bellini, cofondateur de Biochem Pharma) ont donc amorcé les procédures judiciaires en 2015. Ils estimaient avoir été induits en erreur par l’autre groupe d’hommes d’affaires.

Selon des allégations formulées en Cour par la poursuite, Pichette et ses partenaires auraient été de mauvaise foi et auraient fait preuve de duplicité dans le cadre de la transaction.

«Le tribunal conclut qu’il n’y avait pas d’entente d’exclusivité pour faire une offre conjointe sur Kenauk», a toutefois déterminé le juge Davis. 

Rencontre chez Heenan

Dans le jugement, on apprend qu’en août 2013, les deux groupes d’investisseurs potentiels s’étaient rencontrés dans les bureaux d’Heenan Blaikie au centre-ville. C’est Roy Heenan lui-même, un des fondateurs de la firme aujourd’hui fermée, qui a présidé la rencontre.

Patrick Pichette et ses partenaires se sont défendus en disant qu’il ne s’agissait que de discussions préliminaires, sans engagement formel. Comme les deux groupes n’avaient pas la même vision pour Kenauk, Pichette est ensuite allé chercher d’autres partenaires.

Selon le juge Davis, le fait que deux partenaires de Bich, André Desmarais et le Dr Bellini, qui avaient été annoncés comme témoins au procès en 2018, n’aient finalement pas été appelés à la barre, a nui à la cause de la poursuite. 

«Leur absence est curieuse, car les deux étaient essentiels au groupe de Bich pour compléter la transaction», a remarqué le juge.

En raison du manque de témoins pour prouver les éléments clés de la poursuite, le magistrat a jugé la procédure intentée par le groupe de Bich abusive et ouvert la porte à ce que Pichette puisse faire valoir ses droits en lien avec cette décision. 

LA RÉSERVE KENAUK

S’étendant sur 65 000 acres, Kenauk a été décrit comme un des plus grands et des plus intacts ensembles de terres privées au Canada et en Amérique du Nord.  

La réserve Kenauk compte 70 lacs privés et abrite une communauté fermée (gated community) avec 13 chalets de luxe et une marina exclusive. 

«Une rivière immaculée coule sur quinze kilomètres en partant du pittoresque Lac Papineau vers la rivière des Outaouais. Ajoutez à cela 102 kilomètres de bords d’eau offrant des vues incomparables sur le lac Papineau, des centaines de kilomètres de routes existantes, la diversité et l’abondance de la faune et de la vie sauvage et les possibilités sont infinies», décrivait une brochure de courtiers en 2013. 

D’UN CÔTÉ 

PATRICK PICHETTE 

Ancien chef de la direction financière de Google. Détenait des actions de Google pour une valeur de 87 M$ US (113 M$), en 2015, selon le New York Times. Il possédait déjà une maison au lac Papineau et souhaitait acquérir Kenauk pour préserver la faible densité de population dans le secteur. Une exploitation touristique restreinte fait partie de sa vision. 

DOUG HARPUR 

Président des Viandes de la Petite-Nation, il possède un élevage de cerfs au nord-est de Kenauk, Harpur Farms. Des cas de maladie du cerf fou y ont été déclarés en 2018. 

DOMENICO MONACO 

Homme d’affaires montréalais dont la famille possède une maison à Kenauk depuis les années 1970. 

MICHAEL M. WILSON 

Président du conseil d’administration et ex-PDG du producteur de fertilisants Agrium. En 2013, il était au troisième rang des dirigeants les mieux payés au pays, avec une rémunération annuelle de 23,8 M$, selon le Centre canadien de politiques alternatives. Intéressé par l’acquisition de terres pour la conservation au Canada, il lorgnait Lake Mills et Baie Noire. 

DE L’AUTRE 

CHARLES BICH 

Résident du nord de l’État de New York. Sa famille est l’actionnaire de contrôle du célèbre groupe Bic (rasoirs, stylos et briquets notamment). La fortune de la famille Bich était évaluée l’an dernier à 1,3 milliard d’euros (1,74 G$) selon le magazine Challenges. M. Bich détient un intérêt avec André Desmarais dans un secteur au nord de Kenauk. Il voyait un potentiel de développement immobilier autour du lac Papineau. 

ANDRÉ DESMARAIS 


Pourvoirie Kenauk

Photo tirée de powercorporation.com

Président délégué du conseil d’administration de Power Corporation. La fortune de la famille Desmarais était évaluée à 5,81 milliards $ en 2021, selon le site Hardbacon. M. Desmarais possède une ferme où l’on élève des cerfs rouges et des wapitis au nord de Kenauk. Il possède une pourvoirie, le Domaine faunique des Laurentides, où l’on pratique la chasse. L’acquisition de Kenauk aurait permis d’agrandir l’aire de chasse du Domaine, selon le jugement. 

DR FRANCESCO BELLINI 

Fondateur de Biochem Pharma, vendue à la britannique Shire en 2000 avec un gain de 250 M$. Le docteur Bellini et sa famille, dont son fils Roberto, désiraient acquérir un domaine privé pour leur usage exclusif. Le lac Maholey, privé et inhabité, offrait cette perspective, car on peut y pratiquer une pêche au bar de classe mondiale. Le lac des Cèdres et le lac Collins étaient aussi jugés d’intérêt, en raison de la pêche à la truite aussi de classe mondiale.

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