Les groupes TF1 et M6 ont annoncé vendredi l’abandon de leur projet de fusion, jugeant qu’il ne présentait « plus aucune logique industrielle » compte tenu des concessions qui leurs sont réclamées par l’Autorité de la concurrence, notamment la cession de la chaîne TF1 ou M6.
« À la suite des débats avec l’Autorité et malgré les remèdes additionnels proposés, il apparaît que seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l’autorisation de l’opération. Les parties ont donc conclu que le projet ne présentait plus aucune logique industrielle », dit la maison-mère de TF1 dans un communiqué.
« En conséquence, en accord avec les autres parties, Bouygues a décidé de mettre fin au processus d’examen de l’opération devant l’Autorité de la Concurrence. » L’instance a fait part fin juillet de ses préoccupations face à ce projet, redoutant son impact sur l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels, l’édition et la commercialisation des chaînes de télévision ainsi que la distribution de services de télévision et la publicité.
L’Autorité de la concurrence prend acte
Dans un communiqué publié aussitôt après l’annonce de Bouygues, l’Autorité de la concurrence dit prendre acte de cette décision et rappelle que « l’opération aurait pu engendrer des risques concurrentiels majeurs notamment sur les marchés de la publicité télévisuelle et de la distribution de services de télévision ».
« La puissance de marché des groupes TF1 et M6 réunis, qui sont, aujourd’hui, les deux plus proches concurrents sur le marché de la publicité télévisée, fait naître un fort risque de hausse des prix des espaces de publicité vendus par les parties au détriment des annonceurs et des consommateurs », dit Benoît Coeuré, le président de l’Autorité, dans ce communiqué.
L’émergence ratée d’un mastondonte
L’opération prévoyait la prise de contrôle du nouvel ensemble par Bouygues avec une participation de 30%, tandis que le groupe allemand RTL, filiale de Bertelsmann, conserverait 16% de cette nouvelle entité. L’union entre la première et la troisième chaînes du paysage audiovisuel français aurait pu faire émerger un mastodonte, dépassant France TV, avec plus de 30% de part d’audience et représentant les trois quarts du marché publicitaire de la télévision.
Audition pas convaincante
L’Autorité de la concurrence avait mené deux jours d’auditions des parties intéressées par la fusion, à huis clos début septembre, et devait rendre sa décision mi-octobre. Ses services d’instruction avaient, lors des auditions, réitéré leur position de fin juillet, plutôt défavorable. Le gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, avait pour sa part validé début septembre l’acquisition par l’opérateur Altice des chaînes TFX et M6 Génération (6ter), dont les groupes TF1 et M6 souhaitaient se séparer afin de pouvoir fusionner. Ce rachat était conditionné à leur mariage.
La menace de Netflix
Depuis son annonce en mai 2021, le projet divisait les acteurs économiques. Certains soutenaient l’union face à la concurrence américaine et notamment les acteurs du streaming (Netflix, Disney, Amazon ou même YouTube et Tiktok). Le succès de Netlix, qui prévoit comme son homologue Disney+ de lancer dès cette année une offre moins chère financée par la publicité, servait notamment de justification à l’opération. D’autres, comme l’Union des marques qui représente les annonceurs, s’inquiétaient de l’influence d’un mastodonte de la télé; le rapprochement entre TF1 et M6 risquant selon eux de limiter la concurrence sur le marché de la publicité.
France Télévisions soutenait le projet
La patronne de France Télévisions, alliée à TF1 et M6 dans la plateforme de streaming Salto, avait affiché son soutien au rapprochement de ses deux concurrents. « Nous avons besoin d’avoir des concurrents privés en bonne santé », avait déclaré Delphine Ernotte lors d’une audition au Sénat. « Parce que si demain les offres privées se délitaient – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui -, c’est tout le média télé qui tomberait, et nous avec lui », avait-elle martelé.
(avec Reuters et AFP)