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SQDC: encore beaucoup de chemin à faire pour limiter les parts du marché noir

SQDC: encore beaucoup de chemin à faire pour limiter les parts du marché noir


Après quatre ans d’existence, la Société québécoise du cannabis (SQDC) plafonne, avec 58 % de parts de marché subtilisées au marché noir. Un statu quo inacceptable aux yeux de son PDG. 

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«C’est un très bon premier résultat, mais on a encore beaucoup de chemin à faire», reconnaît Jacques Farcy, qui est à la tête de la plus jeune société d’État du Québec depuis 12 mois. 


Jacques Farcy, président et chef de la direction de la Société québécoise du cannabis, à Montréal (SQDC), la semaine passée.

Photo Pierre-Paul Poulin

Jacques Farcy, président et chef de la direction de la Société québécoise du cannabis, à Montréal (SQDC), la semaine passée.

Il a accepté de faire le point à l’occasion du «jalon important pour les Québécois» qu’est le quatrième anniversaire de la légalisation du cannabis – la loi de Justin Trudeau est entrée en vigueur le 17 octobre 2018.

Son message? «On doit continuer notre développement, le statu quo n’est certainement pas une option.»

Il faut dire que Jacques Farcy gère une drôle de bébitte. La SQDC est une entreprise commerciale qui ne peut pas – et ne veut pas – stimuler ses ventes.

Le carré de sable que lui a dessiné Québec est limité par des enjeux de santé publique. Mais il lui faut bien poursuivre sa mission, qui est de capter le marché noir du cannabis. 

Le PDG est confiant d’y arriver, même s’il reconnaît que la courbe «plafonne». On parlait de 30 % la première année, de 50 % en 2021 et de 58 % aujourd’hui. 

Un gros travail à faire

«Ce n’est pas un modèle qui a été choisi par la SQDC. On a déjà beaucoup évolué en quatre ans, bien que la mission soit très claire et qu’on soit encadré», dit-il. 

Tout est dans la manière d’accomplir la mission et c’est là que les prochaines années seront décisives. 

Le PDG est conscient que les 450 produits offerts en succursale ne sont pas mis en valeur. 

«Il y a des clients qui ne savent pas encore qu’on vend du hasch, car ce n’est pas flagrant quand vous entrez dans une succursale», donne-t-il comme exemple. 

La SQDC doit donc «être meilleure» pour expliquer les types de produits qu’elle vend pour que les clients «soient capables de se repérer» au travers de son offre.

Meilleur que le marché noir

Bref, les parts de marché «faciles à capter» l’ont déjà été. C’est une partie plus difficile de l’évolution de la SQDC qui est sur le point de commencer. 

«On va avoir besoin de stratégies plus fines», admet Jacques Farcy. 

Reste que la SQDC «n’est pas là pour faire de l’argent». La santé publique siège au CA et les formations de conseiller sont conçues par le ministère de la Santé. 

«Le cannabis est un produit particulier, son acceptabilité sociale au Québec a progressé, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire», expose le PDG. 

Maintenant que le produit est accessible grâce à un réseau de 90 – bientôt 100 – succursales, la phase 2 sera de «faire comprendre» que la SQDC a une «meilleure offre» que le marché noir. Et ce n’est pas gagné du tout.  

La SQDC après 4 ans 

187 000 kg Consommation totale de cannabis séché au Québec de mars 2021 à mars 2022, selon l’Enquête québécoise sur le cannabis

109 351 kg Ventes annuelles de cannabis de la SQDC pour la même période, soit 58,5 % du total

6,31 $ Prix moyen du gramme de cannabis à la SQDC, taxes incluses 

75,7 M$ Profits de la SQDC en 2021-2022, de l’argent qui va au fonds permettant le financement de la prévention, de la recherche et de la lutte contre les méfaits reliés au cannabis


Devanture d’une succursale de la SQDC à Montréal.

Photo d’archives, Chantal Poirier

Devanture d’une succursale de la SQDC à Montréal.

LE SUCCÈS DES SUCCURSALES 

L’approche mesurée quant au nombre de succursales est un succès, avance le PDG de la SQDC. «Au début, tout le monde disait que ça n’avait pas de sens, qu’il n’y aurait pas assez de succursales au Québec. Aujourd’hui, tout le monde comprend le bénéfice de ne pas en avoir à chaque coin de rue», dit-il. On en compte actuellement 90, un nombre qui passera à 98 sous peu. «Nos clients sont capables d’avoir des produits de qualité accessibles», assure-t-il. Il avance que si beaucoup de détaillants aimeraient compter sur un tel réseau de distribution, sa taille modeste permet d’éviter l’instabilité économique. 

DES PARTS DE MARCHÉ À GAGNER 

La SQDC capte actuellement 58 % du marché du cannabis au Québec, alors que l’objectif pour 2022 était de 66 %. Voici comment elle pourrait aller chercher plus de clients.  

DE LA BETTERAVE ET DU CHOU-FLEUR 

La société d’État est limitée dans l’offre de produits comestibles qu’elle peut offrir, «car la loi interdit certains types de produits comestibles qui sont très attractifs», insiste le PDG Jacques Farcy. Si certains clients veulent pouvoir acheter des produits comme des bonbons, par exemple, la SQDC a trouvé «une voie de passage»: des betteraves, de la figue et du chou-fleur infusés au cannabis. «Je suis d’accord que ce n’est pas ce à quoi on pense quand on pense aux produits comestibles», dit M. Farcy. Pour l’heure, la SQDC n’a convaincu personne avec son offre. 

LES GROS CONSOMMATEURS  

Pour les gros consommateurs, le marché noir continue d’offrir des rabais au volume, avoue le PDG Jacques Farcy. Le marché noir continue «à être particulièrement agressif en termes de stratégies commerciales». La SQDC ne veut pas aller là, car «ça pourrait mener à des dérives». La société d’État «veut être compétitive avec le marché noir», mais ne veut pas «être moins chère que le marché noir».   

LES PETITS PRODUCTEURS D’ICI 

Il est plus rentable pour un petit producteur de vendre ailleurs au Canada ou dans le monde qu’à la SQDC, soutient Maxime Guérin, de chez Mindicanna. Si on veut diversifier l’offre de produits québécois, il faudra assouplir les règles, plaide-t-il. Car pour l’instant, il est facile de perdre sa place sur les tablettes si on n’est pas en mesure de fournir soi-même les 90 succursales, ce qui est tout un défi logistique.  

Et les fournisseurs d’ici dans tout ça? 

La SQDC ne s’en cachera jamais: elle n’est pas là pour stimuler le marché et accélérer les ventes, mais bien pour répondre à un besoin. 

Si un producteur de cannabis a une vision «trop commerciale», il n’est pas dans la même logique que la société d’État, rappelle son PDG, Jacques Farcy. 

Difficile, dans ces conditions, de créer un écosystème de producteurs québécois qui ont une chance de se tailler une place dans le marché. 

«Le gouvernement de la CAQ et la Santé publique se sont mis dans la tête que le cannabis, c’est du tabac, et qu’on allait appliquer les mêmes règles tous azimuts», plaide Pierre Leclerc, directeur de l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC).

«Une aberration» 

L’ex-employé politique à Québec rappelle que, pour l’instant, tous les ministères du Québec ont la directive d’appliquer les règles de l’Organisation mondiale de la santé en matière de lutte au tabagisme à l’industrie du cannabis. 

«C’est une aberration complète. On ne peut pas parler à Québec, on n’a droit à aucune aide de l’État, ça encourage la stigmatisation de nos produits et ça nous exclut du financement traditionnel des banques», dit-il.

Il est certain «que l’industrie ne peut pas progresser et qu’on ne peut pas combattre le marché illégal», ajoute-t-il. 

À la SQDC, on assiste à ce débat en restant sur les lignes de côté. 

«J’ai besoin d’une industrie en bonne santé si je veux être capable de mener ma mission à bien», se contente de dire Jacques Farcy. 

Il reconnaît, cela dit, les difficultés par lesquelles passe l’industrie du cannabis.

«C’est sûr que d’un point de vue citoyen, je reconnais que c’est dommage qu’on ne soit pas plus ouverts à ça au Québec», dit-il.

Il demeure positif : l’industrie du cannabis au Québec va finir par convaincre les autorités qu’elle a du sens. Pour le moment, ce n’est pas le cas. 

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