Jorge Mario Bergoglio est un Argentin, né en 1936 ; ancien archevêque de Buenos Aires ; actuel évêque de Rome et premier pape non européen. Il est le premier pape né sur le continent américain et issu de la communauté des jésuites. Au nom de l’Église catholique romaine, il vient de passer près d’une semaine au Canada pour présenter des excuses aux survivants autochtones du colonialisme.
Des excuses pour avoir collaboré à des politiques oppressives et de destruction culturelle des autochtones au Canada pendant plus de 100 ans, jusqu’en 1996.
Une destruction culturelle méthodique que le pape François assimile aujourd’hui à un génocide.
Ces excuses arrivent trente années après celles de l’Église anglicane. Les survivants des pensionnats les espéraient depuis bien longtemps. Plusieurs ont même déjà quitté ce monde.
L’Église catholique avait pourtant la charge de plus de 60 % des pensionnats pour autochtones. Or, elle avait toujours refusé de présenter des excuses formelles pour le rôle qu’elle a joué dans cette entreprise de destruction culturelle.
Sur un terrain sensible
Que l’on soit croyant ou athée, ouvert ou fermé d’esprit, il est aisé de constater que la posture de ce premier pape jésuite est courageuse. Un courage que ses prédécesseurs au Vatican n’auront pas démontré.
Des adeptes ou fanatiques du messianisme européen d’hier ou d’aujourd’hui à travers le monde, du haut de leur sentiment arbitraire de supériorité, verraient plutôt l’approche du pape François comme une aberration.
Avec force et conviction, ils diraient : « Après tout, c’étaient des “sauvages” ; il fallait les civiliser… ». Des propos également entendus ici et là, quand il s’agissait de justifier le colonialisme en Afrique.
Avec ceux-là, on est à des années-lumière de la réconciliation.
Cela dit, bon nombre d’autochtones, survivants des idéologies et des politiques coloniales, reconnaissent dans l’acte de pénitence du pape, au nom de l’Église catholique romaine, un pas vers la bonne direction.
C’est un acte essentiel qui s’inscrit dans leur processus collectif ou individuel de guérison des traumatismes du passé et qui leur permet de s’impliquer pleinement sur le chemin de la réconciliation.
Parmi les survivants, plusieurs demeurent cependant dubitatifs quant aux suites tangibles des espoirs semés…
Un chantier
Comme l’a dit le pape François, les excuses ne sont qu’une « première étape ». Il reste donc beaucoup de travail à faire.
À l’évidence, les évêques du Canada ont pris acte. Dans un communiqué publié vendredi dernier, ils déclarent avoir entendu leurs sœurs et frères autochtones, notamment au sujet :
- Des appels à une plus grande transparence dans la préservation et la divulgation des archives des pensionnats ;
- Des demandes de soutien pour aborder la question des artefacts autochtones déposés au musée du Vatican ;
- Du désir d’affirmer les droits inhérents des peuples autochtones et de clarifier les politiques et les principes historiques souvent appelés « doctrine de la découverte ».
Cependant, le corps physique du jésuite argentin de 85 ans commence à lâcher. On lui souhaite la force de se rendre au terme du chantier qu’il vient d’ouvrir au Canada et au Québec.