Le jeune homme qui aurait abattu trois inconnus en 24 heures a récemment été remis en liberté par un tribunal, même s’il représentait un «risque important pour la sécurité du public».
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Abdulla Shaikh était suivi par la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). Depuis quatre ans, l’homme de 26 ans cumulait les séjours à l’hôpital psychiatrique, où les médecins tentaient de contrôler sa schizophrénie. Les spécialistes lui ont aussi diagnostiqué des traits de personnalité antisociale et narcissique.
Malgré «un déni total» de sa maladie et un « historique de non-observance au traitement», la CETM a jugé en mars dernier que la libération sous conditions était appropriée dans son cas.
Or, il semble que Shaikh n’ait pas respecté ses conditions – dont celle de garder la paix – puisque les autorités le soupçonnent d’être à l’origine de trois meurtres gratuits commis en 24 heures, à Montréal et Laval.
La police a retrouvé sa trace hier matin dans un motel de l’arrondissement Saint-Laurent.
Lorsque les agents du Groupe d’intervention tactique (GTI) ont tenté d’entrer dans sa chambre, le suspect aurait fait feu en leur direction à deux reprises, selon nos informations.
Les policiers n’auraient eu d’autre choix que de tirer à leur tour, tuant Shaikh sur le coup.
«Quand j’ai entendu les coups de feu, je me suis juste couché au sol», a raconté Gustavo Camara Gomez, qui séjournait au même motel.
Agression sur son ex-conjointe
Les déboires du jeune homme avec la justice ne datent pas d’hier. En 2016, il a été accusé d’avoir frappé au visage, menacé et agressé sexuellement une ex-conjointe dans un parc de Laval. Son procès devait avoir lieu en janvier.
Selon des documents consultés par notre Bureau d’enquête, Shaikh aurait forcé la jeune femme à lui faire une fellation.
Lorsque la plaignante a tenté de fuir, il l’aurait pourchassée en lui disant: «si tu vois la police et que je vais en prison à cause de toi, crois-moi que je vais envoyer quelqu’un chez toi pour te faire du mal». Quelques semaines plus tard, Shaikh aurait rejoint la jeune femme chez elle en pleine nuit pour lui lancer un verre d’eau au visage.
«Quand on a appris la nouvelle [de sa mort], on était soulagé, malheureusement. C’est triste», a confié jeudi une proche de celle-ci.
Depuis ces événements, Shaikh faisait l’objet d’une interdiction de posséder des armes.
Brûler son passeport
«C’était un fou, complètement disjoncté, a laissé tomber une source bien informée qui a requis l’anonymat. Il pouvait appeler des proches à 3 h du matin en pleine crise.»
C’est d’ailleurs lors d’un de ses délires, à l’été 2018, qu’il est allé à l’aéroport Montréal-Trudeau pour y brûler son passeport avec une chandelle. Au terme d’une évaluation psychiatrique, il a été déclaré non criminellement responsable d’avoir empêché, interrompu ou gêné l’exploitation d’un aéroport.
-Avec Michaël Nguyen, Frédérique Giguère, Laurent Lavoie, Nicolas Brasseur et Maxime Deland, Agence QMI
LES TROIS VICTIMES
Son parcours psychiatrique
Juin 2018
Première hospitalisation. Il est incohérent et désorganisé. Il affirme s’être intoxiqué avec du saumon. Aucune collaboration.
Juillet 2018
Événement de l’aéroport. En trois jours, il se présente six fois sur place. Il est expulsé chaque fois. Il y brûle son passeport avec une chandelle. Accusé de méfait.
Novembre 2018
Déclaré non criminellement responsable par la juge Joëlle Roy, qui ordonne sa détention stricte.
Janvier 2019
Première audience de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). Il refuse la médication. Détention maintenue, mais avec possibilité de sorties.
Avril 2019
Une analyse sanguine prouve qu’il ne prend pas sa médication. Il nie sa maladie.
Juin 2019
Deuxième audience de la CETM. Risque de dangerosité important, mais libération conditionnelle recommandée, et obtenue.
Décembre 2019
Refuse de collaborer avec la clinique externe. Transféré à un nouveau psychiatre.
Mai 2020
Arrêt de la médication.
Juin 2020
Réhospitalisé en raison de comportements dangereux. Irritable, méprisant et agressif avec le personnel.
Septembre 2020
Troisième audience de la CETM. Pointe une arme imaginaire sur sa tempe en fixant le psychiatre. On le dit menteur. Détention ordonnée, avec possibilité de sorties.
Janvier 2021
Quatrième audience de la CETM. Libération conditionnelle recommandée par le psychiatre, qui est incapable d’affirmer que son patient prendra sa médication. Sa mère veut s’occuper de lui. On le dit méfiant et capable de camoufler ses symptômes. Il incite d’autres patients à ne pas prendre leurs pilules. Malgré l’énumération de 20 constats inquiétants, la CETM le libère sous conditions.
«En l’absence de cadre et/ou de suivi, cette formation [de la CETM] est convaincue de la probabilité que Monsieur s’engage dans un comportement criminel entraînant des préjudices physiques ou psychologiques. Il est également clair pour la formation que le préjudice qui pourrait en découler puisse être grave.»
«La Commission conclut que l’accusé représente toujours, en raison de son état mental, un risque important pour la sécurité du public, mais estime que ce risque est adéquatement contrôlé si la libération de l’accusé est assujettie à un suivi et un encadrement approprié.»
Mars 2021
Obtention d’une ordonnance de soin pour traiter l’accusé contre son gré. Nie sa maladie.
Juillet-août 2021
Réhospitalisé. Se parle tout seul. Agit comme s’il était avec un être imaginaire. Comportement agressif s’il est contrarié.
Mars 2022
Cinquième audience de la CETM. Début d’autocritique. Banalisation de ses troubles de comportement. Imprévisible. Libération conditionnelle maintenue.