C’est une nouvelle guéguerre entre l’Algérie et le Maroc, mais celle-ci se déroule autour d’un terrain de foot. Ou, plus exactement, autour des nouveaux maillots d’échauffement avant-match des équipes nationales algériennes de football.
Le 27 septembre, par le biais du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le gouvernement marocain a chargé l’avocat Mourad Elajouti de sommer l’équipementier allemand Adidas de retirer ces maillots. Motif : ceux-ci constituent un vol du patrimoine national du Maroc.
À Lire
Maroc-Algérie : Mohammed VI officiellement invité au sommet d’Alger par Abdelmadjid Tebboune
Le lendemain, Me Elajouti a donc adressé une mise en demeure à Adidas, par courrier électronique et, par voie d’huissier, à son siège social en Allemagne, exigeant que la société « retire cette collection de maillots dans un délai de quinze jours ». Il lui demande, en cas de carence, « de prévoir une communication relative aux motifs utilisés issus de l’art du zellige marocain, et, éventuellement, de verser une partie des bénéfices aux artisans marocains détenteurs de droits. »
Menaces de poursuites judiciaires
Dans ce courrier adressé à Kasper Rorsted, le PDG du Groupe Adidas, et dont Jeune Afrique a obtenu une copie, le ministère marocain de la Culture dit se réserver le droit d’utiliser « toutes les voies de recours judiciaires possibles devant les tribunaux allemands et internationaux, ainsi que devant les organismes relatifs à la protection du patrimoine et les droits d’auteurs, l’Unesco et l’OMPI [Organisation mondiale de la propriété intellectuelle], afin de protéger les éléments du patrimoine culturel marocain des tentatives illicites d’appropriation. »
L’affaire remonte au 23 septembre, lorsque Adidas, sous contrat avec la Fédération algérienne de football (FAF) jusqu’à janvier 2023, a dévoilé sur son compte Twitter les nouveaux maillots de l’équipe algérienne, en mettant en vedette Benayada et Zerrouki, de l’équipe des Fennecs, ainsi qu’une joueuse de l’équipe nationale féminine.
Cette nouvelle collection, indique Adidas, s’inspire des motifs du palais El Mechouar, un édifice royal situé à Tlemcen, à l’ouest d’Alger, et construit en 1248 sous la dynastie des Zianides.
À Lire
« Couscousgate » : quand les tensions entre le Maroc et l’Algérie se font culinaires
Pour l’avocat mandaté par le gouvernement marocain, les motifs « utilisés dans ce nouveau design comportent des représentations de l’art du zellige marocain, ce qui s’apparente à une tentative manifeste d’appropriation culturelle par le biais de [la] marque. »
Assimilant ce design à une « manœuvre politique » et à une « volonté de supprimer une culture en faveur d’une autre », Me Elajouti indique que les carreaux de céramique émaillée sont apparus pour la première fois au Maroc au Xe siècle et que « les motifs présents dans le palais de Mechouar de Tlemcen sont d’inspiration marocaine et ont été aperçus pour la première fois à la madrasa Bū ʿInāniyā de Fès et la madrasa-zāwiya de Chellah. »
La Fédération algérienne de football se dit « non concernée »
Vice-président du Club des avocats du Maroc, qui regroupe 400 avocats, le juriste précise également dans cette mise en demeure que ces motifs utilisés « sont inspirés de motifs présents dans les monuments de la Médina de Fès et sur le site de Chellah, inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en 1981 et 1985. »
Du couscous au raï…
Contactée par Jeune Afrique, une source à la Fédération algérienne de football indique que cette collection de maillots avait été validée par l’ancien staff de la fédération, à l’époque dirigée par Charaf-Eddine Amara, mais que cette mise en demeure ne concerne nullement la FAF. Une source chez Adidas précise, quant à elle, que l’équipementier « ne commente pas les affaires en cours. »
À Lire
Maroc-Algérie : le patrimoine culturel, nouveau champ de bataille ?
Cette nouvelle polémique intervient dans un contexte de tensions entre Rabat et Alger, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis août 2021. Les tensions et les désaccords entre les deux voisins débordent parfois du cadre politique. Polémiques et autres passes d’armes ont opposé Algériens et Marocains, par exemple autour de la paternité du couscous, des dattes algériennes supposément cancérigènes, ou encore de l’origine du raï, dont le berceau se situe à l’ouest de l’Algérie et à l’est du Maroc.