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Que nous réserve Pierre Poilievre ?

Que nous réserve Pierre Poilievre ?


Pierre Poilievre répète comme un mantra depuis un mois que c’est à cause des dépenses du gouvernement Trudeau que tout est plus cher, et que seul le nouveau chef conservateur peut renverser la vapeur en imposant un régime minceur à l’État. 

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« L’enjeu principal, c’est l’inflation libérale », martèle-t-il en entretien au Journal, comme il le fait depuis des semaines à Ottawa.

Pour lui, le calcul est simple. Le gouvernement Trudeau a injecté trop d’argent dans l’économie via des programmes sociaux et des aides aux citoyens, ce qui a dopé la demande. Mais la quantité de biens disponibles n’ayant pas augmenté, les prix ont bondi.

Bien qu’il ait voté en faveur du premier train libéral d’aides pandémiques, qui a permis notamment de mettre en place la PCU, le chef conservateur n’a plus aucun bon mot pour cette stratégie pourtant appliquée par bien des alliés.

Néolibéral dès l’adolescence

Il est revenu à l’obsession qui l’habite depuis ses 17 ans : réduire la taille de l’État pour restreindre les dépenses. C’est à cet âge qu’il a fait des livres de l’économiste américain Milton Friedman, un des chantres de la pensée néolibérale et libertarienne, sa lecture de chevet.

Selon Friedman, l’intervention de l’État nuit à la prospérité et doit donc être limitée au strict minimum : la Défense, la Justice et le Trésor public. Le reste doit être laissé au libre marché, y compris le salaire minimum. Dans cette optique, M. Poilievre a voté deux fois contre une hausse du salaire minimum fédéral.

Aujourd’hui, 18 ans après avoir été élu à 25 ans, et maintenant père de deux jeunes enfants, il n’a pas changé, indique son ami de longue date, le député conservateur Michael Cooper.

« Le Pierre Poilievre que j’ai rencontré il y a 20 ans est le même Pierre Poilievre que je connais aujourd’hui et que les Canadiens connaissent », dit-il, saluant la constance disciplinée d’un homme de principe.

Misogynie et extrême droite

Il n’en est pas moins « prêt à tout pour accéder au pouvoir », a dit le néo-démocrate Alexandre Boulerice, outré quand le réseau Global a révélé la semaine dernière que les vidéos YouTube de M.Poilievre contenaient un mot-clic lié aux groupes misogynes en ligne depuis quatre ans.

En entrevue, le chef conservateur a répondu qu’il ignorait la présence de ces mots-clics et qu’il a exigé leur retrait. Mais pour la ministre Mélanie Joly, il ne s’agissait pas d’un accident.

M. Poilievre s’est aussi positionné aux côtés des participants du blocus d’Ottawa et des opposants aux mesures sanitaires, et s’est même affiché pendant sa campagne avec une figure de l’extrême droite, Jeremy MacKenzie, qu’il affirmait alors ne pas connaître.

L’ex-militaire fondateur de la milice néonazie Diagolon a été arrêté fin septembre après qu’il eut menacé de violer l’épouse de M. Poilievre, Anaïda.  

IMMIGRATION

Pierre Poilievre, lui-même marié à une réfugiée vénézuélienne, a placé les immigrants au cœur de sa stratégie politique.

Ce n’est pas un hasard : 41 circonscriptions au pays, la plupart situées dans les banlieues des grandes villes, comptent plus de 50 % de minorités visibles.

C’est en gagnant leur vote que Stephen Harper a obtenu un gouvernement majoritaire en 2011, grâce au travail acharné de son secrétaire d’État au multiculturalisme de l’époque, Jason Kenney, qui a formé Pierre Poilievre.

S’il est en faveur de la fermeture du chemin Roxham, le chef conservateur se positionne en ardent défenseur de l’immigration légale, qu’il voit comme la clef de la pénurie de main-d’œuvre. 

Pour accélérer l’intégration économique rapide des immigrants, il promet des ententes avec les provinces et les ordres professionnels pour que leurs compétences soient reconnues en 60 jours. 

LOGEMENT


Les logements comme ceux-ci à Montréal coûtent de plus en plus cher.

Photo d’archives

Les logements comme ceux-ci à Montréal coûtent de plus en plus cher.

En campagne à la direction de son parti, Pierre Poilievre a répété ad nauseam son exemple d’un jeune trentenaire diplômé et professionnel qui vit dans le sous-sol de ses parents parce qu’il ne peut pas s’offrir un logement à un prix raisonnable.

Pour lui, il y a deux coupables. D’abord, le gouverneur de la Banque du Canada qui hausse les taux d’intérêt. Il promet de le congédier, bien que la Banque centrale canadienne agisse de façon similaire aux autres banques centrales du G7 pour mâter l’inflation.

Ensuite, pour s’attaquer à l’offre anémique de logements, M. Poilievre reproche aux villes de pousser les prix à la hausse en imposant des frais et des délais exorbitants aux permis de construction.

Menaces de coupes

En campagne, il a indiqué que sous sa gouverne, les grandes villes perdraient une portion de leurs transferts fédéraux si elles n’augmentent pas de 15 % la construction résidentielle et ne densifieraient pas autour des axes de transport public.

Le gouvernement conservateur de l’Ontario applique des méthodes similaires. Toutefois, d’après une analyse de l’Institut Smart Prosperity, les ambitions ontariennes se heurtent au manque de main-d’œuvre en construction. 

LANGUE ET IDENTITÉ 

Premier chef conservateur réellement bilingue depuis Brian Mulroney, Pierre Poilievre passe d’une langue à l’autre avec une aisance rare pour un natif de Calgary.

Mais ceci n’a pas empêché les conservateurs de changer de position sur la spécificité francophone québécoise depuis qu’il est chef.

Son caucus a voté contre un projet de loi du Bloc Québécois visant à exiger la connaissance du français pour décrocher la citoyenneté canadienne au Québec. Pourtant, une ancienne version de ce projet de loi avait reçu l’appui des conservateurs.

Quant à la réforme caquiste de la Charte de la langue française (loi 96), Pierre Poilievre s’est montré fuyant à son endroit en campagne au leadership, tandis que trois de ses opposants l’ont vivement décriée.

Il s’est toutefois clairement dit contre la loi 21 sur la laïcité de l’État, se disant en accord avec la décision du gouvernement libéral d’intervenir contre la loi devant la Cour suprême quand l’occasion se présentera.

ENVIRONNEMENT


Une raffinerie de Fort McMurray.

Photo d’archives

Une raffinerie de Fort McMurray.

Alors que son prédécesseur Erin O’Toole promettait une réingénierie de la taxe carbone, Pierre Poilievre veut l’abolir, car elle contribue, dit-il, à la hausse des prix.

Pour verdir l’industrie des hydrocarbures, dont il est un farouche défenseur, il mise sur les technologies. Le gouvernement Trudeau encourage aussi cette avenue en finançant des projets de captation de carbone.

Ça reste à prouver

Mais ces technologies encore marginales sont loin d’avoir fait leurs preuves et demeurent extrêmement coûteuses.

« Si on prenait cet argent-là et qu’on l’investissait en efficacité énergétique ou dans les énergies renouvelables, on aurait des réductions de gaz à effet de serre beaucoup plus importantes par dollar investi », affirmait en 2016 le directeur d’Équiterre, aujourd’hui ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault.

Un rôle pour Québec

Mais Pierre Poilievre n’en démord pas. Il estime même que le Québec peut contribuer à verdir l’industrie des hydrocarbures en construisant davantage de barrages, et plus rapidement. 

« Les Québécois ont une source d’énergie propre, l’hydroélectricité, qu’ils peuvent utiliser pour liquéfier le gaz naturel sans émissions », a-t-il dit au Journal, justifiant son appui au projet GNL Québec, rejeté par le gouvernement Legault.

S’il assure qu’il n’imposerait rien à la province, le chef conservateur croit que le contexte est aujourd’hui plus favorable aux projets énergétiques que jamais.

« La guerre en Ukraine montre que si le Canada ne produit pas le gaz naturel, le marché sera monopolisé par les dictatures polluantes comme celle de Poutine », a-t-il insisté. 

En froid avec les médias 

Le nouveau chef conservateur se montre très méfiant envers les médias traditionnels, limitant les entrevues depuis son élection, le 10 septembre.

Il a fallu attendre cette semaine pour qu’il ouvre la porte à des médias de masse, dont Le Journal.

Pour le stratège conservateur Rodolphe Husny, c’est que le chef « ne veut pas donner l’opportunité aux médias de disséquer son message ».

Sa relation avec la presse parlementaire a d’ailleurs très mal commencé. Peu après avoir été porté au pouvoir, il a eu un vif accrochage avec un reporter de la chaîne Global News, David Akin, qui protestait contre son refus d’être interrogé.

« Les Canadiens le découvrent en ce moment et il veut qu’ils l’associent à un seul enjeu, l’économie », explique M. Husny, ex-conseiller au sein du gouvernement Harper.

Pour y parvenir en évitant d’être mis en doute par les journalistes, Pierre Poilievre utilise la période de questions à la Chambre des communes pour talonner le gouvernement sur le coût de la vie et les impôts.

Pour le reste, le chef de l’opposition mise sur les réseaux sociaux, où il entretient un lien direct avec l’électorat. Cette stratégie, dit-il, lui a permis de gagner son siège en banlieue d’Ottawa sept fois consécutives.

Ce rejet des médias, qui traverse la droite populiste mondiale, est lié à la perte de confiance globale envers la presse, souligne M. Husny.

Organe de propagande

C’est 52 % des Canadiens qui estiment que « la majorité des organisations médiatiques cherchent davantage à faire la promotion d’une idéologie qu’à informer le public », selon l’enquête annuelle d’Edelman sur la confiance.

S’il est élu premier ministre, Pierre Poilievre entend cesser de financer la chaîne publique CBC, et abolir les subventions dont bénéficient la plupart des groupes de presse, y compris Québecor.

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