« Les batailles les plus difficiles sont les plus belles à gagner. On est là pour gagner », assurait Didier Casas, secrétaire général de TF1, ce lundi 5 septembre sur franceinfo, à quelques minutes d’auditions décisives sur la fusion avec M6.
Pendant deux jours, les états-majors et actionnaires des deux groupes ont plaidé leur cause devant l’Autorité de la concurrence (ADLC): Olivier Roussat, directeur général de Bouygues, Gilles Pélisson, patron de TF1, Nicolas de Tavernost, président de M6, en qualité de « témoin », mais aussi Thomas Rabe, l’homme fort de Bertelsmann, propriétaire du groupe M6, et Martin Bouygues, qui a fermé le ban, mardi.
Xavier Niel en adversaire acharné
Les nombreux opposants ont aussi pu manifester leur ire: en tête, Xavier Niel, prétendant éconduit au rachat de M6 l’an dernier; Canal+, autre adversaire acharné; NRJ ou encore l’Union des Marques… L’Udecam, l’union des entreprises de conseil et d’achat média, lobby puissant, faute d’accord entre ses membres, n’a pas été entendue. Pas plus que le groupe Altice, dans les starting-blocks pour le rachat des deux chaînes lâchés par les fiancés pour faciliter leurs noces, TFX et 6ter. Sondé lors des tests de marché, cet été, le groupe de Patrick Drahi a néanmoins pu exprimer indirectement son soutien à cette fusion qui lui permettrait de changer de dimension dans le PAF.
Des concessions pour espérer l’emporter
Pour TF1 et M6, la partie est loin d’être gagnée. Surtout depuis que les services de l’ADLC ont lâché cet été un premier rapport défavorable au mariage. L’Autorité devrait livrer son verdict le 17 octobre prochain.
Pas le moment de mollir. Flanqué de ses conseils, le duo a donc bûché tout l’été: 13,5 millions d’euros dépensés à ce jour, sur ce poste, par M6, et 17 millions par TF1, sans compter les frais à l’étage de la maison Bouygues.
S’il est prêt à faire des gestes sur l’achat de droits et les contrats de distribution, l’essentiel des concessions envisagées par le duo concerne la publicité – « le vrai nœud » pour l’Autorité, selon les fiancés. La moitié des onze engagements envoyés mi-août à l’ADLC porte d’ailleurs sur le sujet.
« Se couper un doigt pour ne pas perdre le bras »
Les annonceurs redoutent la flambée des tarifs avec un géant pesant 70% du marché publicitaire. Un marché que l’ADLC semble peu encline pour l’heure à élargir au digital et comme le réclame le tandem depuis le début.
Dans leurs engagements, pour « rassurer » TF1 et M6 ont donc proposé de garder des régies séparées, y compris au niveau des gouvernances, et sans aucun couplage publicitaire, durant trois ans, renouvelables. « On s’est coupé un doigt pour ne pas perdre un bras », lâche un fiancé.
Les streamers en embuscade sur la pub
Gros argument martelé lors des auditions: la pub télé linéaire, selon le vocable cher à Nicolas de Tavernost, est à terme « substituable ». Les plateformes de streaming, Netflix et consorts, grignotent toujours plus ses audiences. En juillet, aux Etats-Unis, révèle une étude Nielsen, elles viennent d’être dépassées par celle des plateformes. Une première.
Et l’ennemi est aux portes: selon la presse américaine, Netflix sonde les plus gros annonceurs mondiaux pour lancer le 1er novembre dans plusieurs pays, dont la France, son offre avec réclame. Histoire de devancer Disney+ Basic, annoncée pour décembre. Netflix se montrerait même assez offensifs auprès des grandes marques, avec des tarifs élevés. Interrogé, la firme de Reed Hastings botte en touche. Le géant Apple affûte aussi ses armes. Comme le résumait récemment Tavernost, dans les colonnes de Télérama, « le jour où il y aura un monopole Google ou TikTok, personne ne discutera les prix ».