Les joueurs qataris peuvent être jaloux. Eliminés dès le deuxième match, ils ne connaîtront jamais une telle ambiance pour leur Coupe du monde à domicile. Dimanche 27 novembre, lors de sa victoire contre la Belgique (2-0), l’équipe du Maroc a joué, elle, comme à la maison. Et pas n’importe laquelle : une maison qui organise une grande fête avec des invités enthousiastes et joyeux.
Le stade Al-Thumama a beau se situer dans la zone sud de Doha, l’enceinte ronde aurait tout aussi bien pu s’élever au sud de Marrakech ou de Tanger. Les supporteurs marocains ayant décidé de jouer à fond leur rôle de douzième homme, voire celui d’un treizième ou quatorzième.
Chaque possession de ballon belge a été huée, chaque offensive, chaque geste défensif marocain ont été encouragé. Créant ainsi une atmosphère hostile à la Belgique d’Eden Hazard, deuxième nation mondiale au classement de la FIFA. Grâce à cette victoire, les Lions de l’Atlas s’emparent de la tête du groupe F, avec quatre points, en attendant le résultat de l’autre match entre la Croatie et le Canada (17 heures).
Vainqueurs de leur premier match (1-0 contre le Canada), les Belges ont tenté de résister à l’hostilité ambiante. Dirigés par Eden Hazard ou Kevin De Bruyne, en première période, ils ont le plus souvent calmé ce vent venu d’Afrique du Nord en confisquant le ballon. Les Marocains ont, eux, beaucoup couru et se sont battus comme des démons face aux Diables rouges.
Le remplaçant Sabiri décisif
Ce sont les Belges qui ont frappé les premiers par Michy Batshuayi (5e). L’ex-Marseillais est contré par Munir Mohand Mohamedi, gardien de dernière minute des Marocains. Un tour de passe-passe qui a échappé à la plupart des observateurs puisque le gardien Yassine Bounou, né au Canada, était annoncé titulaire sur la feuille de match et qu’il a même chanté avec ses coéquipiers l’hymne marocain avant le coup d’envoi. Incertains à cause de soucis physiques, les deux latéraux Achraf Hakimi (PSG) et Noussair Mazraoui (Bayern Munich) étaient, eux, présents.
Repliés dans leur camp, les Lions de l’Atlas en ont surgi de manière tranchante. Un ersatz d’occasion a suffi pour que le public scande le nom d’Hakim Ziyech. Le tir de l’attaquant de Chelsea est pourtant passé largement au-dessus du but de Thibaut Courtois (21e). Quinze minutes après, la tentative d’Hakimi n’a pas connu plus de succès. Mais, pendant les arrêts de jeu de la première mi-temps, un coup franc de Ziyech a mis le stade en ébullition. Sa frappe surprenant Courtois. Le but était justement refusé pour un hors-jeu de Romain Saïss, qui a obstrué le champ de vision du gardien du Real Madrid.
Lors du deuxième acte, les vivas et les chants marocains n’ont jamais faibli. Et les Marocains de suivre le tempo des tribunes en se montrant plus entreprenants, parvenant à se protéger des contres belges. L’Angevin Sofiane Boufal a même pensé ouvrir le score lorsque sa frappe enroulée a frôlé le poteau gauche belge (59e).
Vers un épique Croatie – Belgique
Mais ce sont les choix du sélectionneur Walid Regragui qui ont fait la différence. L’un des remplaçants, Abdelhamid Sabiri, s’est joué du meilleur gardien du monde. Excentré côté gauche, dans un angle impossible, Sabiri a marqué directement, devant un Thibaut Courtois impuissant (73e, 1-0). Râleur alors qu’il venait d’être remplacé, Sofiane Boufal, qui rejoignait en marchant son banc, s’est offert un sprint pour venir célébrer le but avec ses coéquipiers. Le but du break – et de la désillusion belge – était l’œuvre d’un autre remplaçant, le Toulousain Zakaria Aboukhlal, qui a converti dans les arrêts de jeu une offrande de Ziyech (92e, 2-0).
Agacé par la prestation de son équipe en ouverture contre le Canada – une victoire heureuse 1-0 –, Kevin De Bruyne était sans concession. « Je pense qu’on peut montrer plus de courage, être meilleurs avec le ballon et améliorer notre performance. Individuellement, c’est pareil : j’étais au niveau de jeu de l’équipe, c’est-à-dire sous la moyenne, et j’espère faire bien mieux que ça. »
Il n’a pas été entendu. Cette Belgique-là est loin des performances du Brésil, de la France ou de l’Espagne. Elle devra jouer sa qualification lors d’un troisième match qui s’annonce épique face au dernier finaliste du Mondial 2018, la Croatie.
De son côté, le Maroc a toutes les chances de devenir la nouvelle coqueluche du tournoi. Les choses s’étaient compliquées, samedi, pour les équipes arabes après un début encourageant : le Qatar est éliminé de sa Coupe du monde, l’Arabie saoudite a perdu son deuxième match face à la Pologne après son exploit argentin (2-0), et les Tunisiens, qui avaient neutralisé le Danemark (0-0), ont connu une désillusion contre l’Australie (1-0).
Jeudi 1er décembre, contre le Canada, les coéquipiers du Parisien Achraf Hakimi auront l’occasion de valider leur participation aux huitièmes de finale. Une performance qu’ils n’ont réussie qu’une seule fois, lors du Mondial 1986 au Mexique.
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