C’est en plein été que le gouvernement a commencé à préparer les esprits à l’hiver difficile qui s’annonce sur le plan énergétique, invoquant des mesures de sobriété dans un contexte des plus tendus, la faute aux approvisionnements en gaz russe coupés et à un parc nucléaire pour moitié à l’arrêt. Ainsi, à l’issue du Conseil des ministres du 20 juillet 2022, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran réclamait “un effort” à tous les Français, rappelant les petits écogestes du quotidien tels que “couper le wifi”, ce qui, au moment des sorties présidentielles en jet-ski et du débat sur les jets privés, a valu à ce même gouvernement quelques railleries.
Entre-temps, la situation ne s’est pas améliorée et, à l’approche de la saison froide, l’exécutif semble prêt à prendre nombre de mesures supplémentaires pour “passer l’hiver”, y compris concernant ces bonnes vieilles box Internet qu’il garde pour cible. Même si le poids du numérique dans les dépenses énergétiques d’un foyer reste modeste (autour de 13 %) et que la consommation électrique moyenne des box des opérateurs ne compte que pour 19 % de celle-ci selon l’Ademe (loin derrière le téléviseur ou l’ordinateur), le gouvernement défend l’idée que toutes les économies d’énergie sont bonnes à prendre.
Alors qu’Enedis a prévu une mesure lui permettant de bloquer la mise en route du chauffe-eau sur la plage méridienne des heures creuses, l’État réfléchit à la possibilité de demander aux opérateurs de forcer la mise en veille des box Internet sur certaines plages horaires et/ou de non-utilisation. C’est en tout cas le discours tenu hier, 10 octobre 2022, par Jean-Noël Barrot, ministre de la Transition numérique.
Sur Europe 1, il a déclaré : “L’objectif est de réduire la consommation énergétique sans demander des efforts trop importants aux Français. Il existe aujourd’hui des box, des décodeurs, qui se mettent en veille automatiquement, mais tout cela n’est pas uniforme. Donc, les engagements pris par le secteur, c’est, soit, pour les box existantes déjà installées, de faire une mise à jour qui permette cette mise en veille plus systématique, soit, pour les nouvelles box qui seront vendues, que cette mise en veille soit installée par défaut pour que ce soit transparent pour les Français.”
Il reprend là des points évoqués le 7 octobre par l’Élysée dans son “plan de sobriété détaillé” selon lequel “chaque geste compte”. “Les acteurs du secteur définiront les critères d’un paramétrage des box Internet et des décodeurs TV pour une mise en veille en cas de non-utilisation”, peut-on lire noir sur blanc dans le dossier de presse, avec une note d’information selon laquelle une box ADLS ou fibre optique consomme en moyenne 158 kWh par an. Dans les faits, la mise en veille automatique devra être déclenchée “soit à l’issue d’un certain temps d’inactivité, soit lorsque la box ne détecte plus aucun appareil branché en wifi”.
TV et décodeur devront s’éteindre en même temps
Autre mesure, alors qu’il est encore souvent nécessaire d’éteindre à la fois son téléviseur et le décodeur TV de sa box avec deux télécommandes différentes, le gouvernement souhaite que ces décodeurs se mettent en veille automatiquement dès lors que “la TV elle-même est mise en veille ou éteinte”.
Tout cela “ne devrait poser aucune difficulté technique aux opérateurs” et “tient du bon sens”, selon Jean-Noël Barrot. Avec ces mesures, l’État espère faire économiser quelques euros par an aux Français et alléger autant que faire se peut les consommations énergétiques du numérique.
Nous ne savons pas encore quand les opérateurs déploieront ces mises à jour voulues par le gouvernement ni à quels critères précis elles répondront. Néanmoins, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un processus potentiellement pénalisant pour les utilisateurs si, par exemple, les règles de mise en veille ne sont pas suffisamment paramétrables par l’utilisateur. En effet, tous les Français n’utilisent pas leur ligne Internet de la même manière, et certains hébergent par exemple des services dont ils estiment pouvoir bénéficier 24h/24, comme le prévoit d’ailleurs explicitement leur abonnement. D’autant plus à une époque où les solutions domotiques se démocratisent, et que des installations aussi essentielles que des interphones ou des serrures sont aujourd’hui connectés.
D’autres critiquent l’entêtement du gouvernement à vouloir faire des services numériques l’un des boucs émissaires de la sobriété énergétique sans que celui-ci déploie la même détermination à imposer des mesures contraignantes à d’autres domaines bien plus polluants et énergivores (et les exemples sont nombreux).
Reste à voir comment cette requête sera prise du côté des opérateurs, sachant que certains d’entre eux ont déjà envisagé des mesures visant à encourager les économies d’énergie. L’opérateur historique Orange a, par exemple, précisé que sa dernière Livebox 6 dispose d’une veille profonde paramétrable et s’engage à alerter collaborateurs et clients des pics de consommation sur le réseau électrique, les invitant dans ce cadre à limiter leurs usages numériques.