Alors que les anciennes granges disparaissent du paysage des campagnes du Québec à vive allure, il existe des gens qui se posent comme des sauveurs de ces bâtiments.
L’urbaniste Robert Mayrand, qui est conseiller en aménagement du territoire et en patrimoine à la MRC des Maskoutains, en Montérégie, nous a expliqué en entrevue que la disparition de ces bâtiments agricoles anciens est souvent due au fait qu’ils ne répondent plus aux besoins de l’exploitation agricole contemporaine «et [qu’] à partir du moment où il y a un déficit d’entretien, la structure va être affectée, elle va s’affaiblir ou elle va s’écraser».
Des sauveurs
Mais, il y a des sauveurs de granges qui tiennent à préserver ces icônes architecturales, tant à des fins utilitaires que pour le plaisir des yeux.
Bernard Lajoie, un résident de Sainte-Hélène-de-Bagot, entre Saint-Hyacinthe et Drummondville, a restauré plusieurs granges dans sa vie.
Il y a une douzaine d’années le septuagénaire en a acheté une à Pierreville, à une cinquantaine de kilomètres de chez lui, qu’il a déménagée à Saint-Hugues, un village voisin de Sainte-Hélène.
«On l’a tout démontée, morceau par morceau, et on l’a numérotée, le monde disait que j’étais fou», se souvient M. Lajoie, en riant. Son cousin menuisier l’avait aidé dans cette aventure.
Maintenant, il veut terminer la restauration d’une autre grange qu’il possède, à Saint-Simon-de-Bagot. Il prévoit le faire au printemps prochain.
Dans Lanaudière, à Crabtree, près de Joliette, de l’autre côté du fleuve, Gilbert Nicole possède avec sa femme depuis 1982 une fermette qui comprend une grande étable de 5770 pieds carrés.
«On a toujours voulu la conserver, c’est plus l’aspect bucolique et poétique de la chose qui nous motive, nous a raconté M. Nicole. On a dû investir environ 100 000 $ dessus au fil des décennies.»
Samuel Pépin-Guay, copropriétaire de Linéaire Écoconstruction, une entreprise de la région de Chaudière-Appalaches, est un autre genre de sauveur de granges: sa compagnie conçoit et fabrique des charpentes de bois anciens avec des techniques traditionnelles.
«Des granges, on en fait assez souvent, autant de la restauration ou des constructions neuves, toujours selon des techniques anciennes tenon et mortaise.»
M. Pépin-Guay nous a confié qu’il travaille actuellement sur un projet avec un résident de la région de Charlevoix qui a une grange classée patrimoniale, mais dont une partie du toit s’est effondrée à cause de la neige.
«L’idée est de récupérer ce qui reste et reconstruire un toit qui serait fait avec des techniques anciennes pour redonner un peu le look d’origine.»
Des initiatives existent donc, mais au-delà, il y a la place et le rôle qu’elles occupent ou qu’elles pourraient être appelées à occuper.
«Tant qu’on limite les usages à des usages agricoles pour les bâtiments de fermes anciennes, on va continuer à perdre des bâtiments anciens», soutient l’urbaniste Robert Mayrand, ajoutant qu’avec la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, «les usages possibles dans la zone agricole sont strictement encadrés et doivent être liés substantiellement à l’agriculture».
Selon lui, «la meilleure solution serait de revoir la réglementation et permettre d’adapter les usages à la réalité agricole locale, en introduisant et autorisant possiblement de nouveaux usages non agricoles, complémentaires à l’agriculture, mais qui ne viennent pas déstructurer ou fragiliser la zone agricole».
On peut penser à des granges qui seraient utilisées par des entreprises d’aménagement paysager, des services d’entreposage et de remisage de véhicules, pour des studios d’artistes ou pour des centres d’interprétation.