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Les résultats décevants des républicains aux élections de mi-mandat sont aussi une défaite personnelle pour Donald Trump, qui misait sur la réussite des candidats qu’il avait adoubés avant d’annoncer sa propre candidature à la présidentielle mardi prochain. Une humiliation renforcée par la puissante victoire engrangée en Floride par son rival potentiel pour 2024, le républicain Ron DeSantis.
Un vent de colère et de frustration soufflait dans les salons dorés de Mar-a-Lago, mercredi 9 novembre. Le propriétaire des lieux, Donald Trump, qui réside en Floride depuis qu’il a quitté la Maison Blanche, a passé une piètre nuit. La grande « vague rouge » promise par les républicains pour les Midterms ne s’est pas concrétisée lors de la soirée électorale de la veille. « Trump est livide » et « crie sur tout le monde », rapporte un conseiller au journaliste de CNN Jim Acosta.
Tous les résultats ne sont pas encore arrivés mais selon les dernières projections, le Parti républicain devrait reprendre le contrôle de la Chambre des représentants avec une mince majorité seulement, tandis que les démocrates, à qui l’opposition promettait une défaite cinglante dans les deux chambres, pourraient garder la main sur le Sénat.
La déception chez les conservateurs résonne comme une défaite personnelle pour Donald Trump. Certes, quelques candidats proéminents comme l’écrivain J.D. Vance, élu sénateur en Ohio, lui ont rapporté des victoires. Mais de nombreux prétendants républicains, et notamment des « election deniers », ceux qui reprenaient la théorie du complot selon laquelle la présidentielle de 2020 avait été volée, n’ont pas réussi à se faire élire dans les États-clés.
« Trump est furieux »
« Trump est en effet furieux ce matin, en particulier au sujet de Mehmet Oz – le candidat républicain au Sénat en Pennsylvanie, battu par le démocrate John Fetterman, NDLR – et il en veut à tous ceux qui lui ont conseillé de soutenir Oz, y compris sa femme », rapporte sur Twitter la journaliste du New York Times Maggie Haberman, fine connaisseuse de la galaxie Trump.
En Pennsylvanie également, le démocrate Josh Shapiro, qui était opposé au trumpiste Doug Mastriano, l’un des candidats les plus extrémistes de cette campagne, a été élu gouverneur. Il s’agit d’un poste clé puisque c’est le gouverneur qui certifie les résultats de son État lors des élections présidentielles.
Dans les États-clés du Michigan et du Wisconsin, les démocrates ont aussi conservé le poste de gouverneur face aux républicains pro-Trump. Et les résultats se faisaient toujours attendre en Arizona, où la républicaine Kari Lake, la plus célèbre des « election deniers », semblait en difficulté. À l’inverse, le républicain de Géorgie Brian Kemp, qui s’était mis à dos Donald Trump en certifiant la victoire de Joe Biden en 2020 après le recomptage des bulletins, a bien été réélu gouverneur.
Le vote clé des indépendants
Deux ans après la défaite de Donald Trump à la présidentielle, les candidats qui suivent sa ligne ont donc subi de nombreux revers électoraux. Selon les sondages de sortie des urnes, les indépendants auraient voté démocrate à 49 % contre 47 % pour les républicains. Or la cote de popularité de Joe Biden auprès de cet électorat était de seulement 30 % ces derniers mois, signe que même s’ils se sont bouché le nez en votant, ils ont préféré le parti qui a fait campagne pour la défense des valeurs démocratiques. Les démocrates ne s’y sont pas trompés, en aidant financièrement certaines campagnes des « election deniers » lors des primaires républicaines afin de mieux les battre ensuite.
Les républicains se retrouvent ainsi dans une situation paradoxale. La base fait preuve d’une fidélité sans faille à Donald Trump, comme en témoignent les victoires remportées aux primaires par les candidats qu’il a adoubés. Mais cette même ligne trumpiste a fait fuir les indépendants, des électeurs cruciaux pour remporter un scrutin face aux démocrates.
Le Grand Old Party doit-il changer de candidat pour gagner ? Il lui reste peu de temps pour le décider. La question se pose d’autant plus après la victoire écrasante du grand rival et potentiel candidat aux primaires républicaines Ron DeSantis mardi soir. Sa réélection au poste de gouverneur de Floride a été triomphale, y compris dans le comté de Miami-Dade, traditionnellement démocrate. Lors de sa soirée post-électorale, ses partisans ont chanté « Deux ans de plus ! », l’encourageant à terminer son mandat de gouverneur plus tôt afin de se lancer dans la course à la Maison Blanche.
Ron DeSantis, la formule gagnante ?
Une claque supplémentaire pour l’ex-président, qui comptait justement annoncer sa candidature pour 2024 mardi 15 novembre depuis Mar-a-Lago. « Certains sont en train de pousser Trump à décaler son annonce la semaine prochaine, et plusieurs républicains lui ont demandé par texto s’il le ferait, mais c’est risqué et cela reviendrait à reconnaitre qu’il a pris un coup hier, ce que certains de ses conseilleurs refusent d’admettre », ajoute Maggie Haberman. Repousser l’annonce serait « trop humiliant », a confirmé le conseiller de Donald Trump au journaliste Jim Acosta.
Reste que certains éditorialistes se mettent déjà à imaginer la suite. « Ron DeSantis vient-il de devenir le prétendant républicain ? », se demande ainsi Ross Douthat dans le New York Times, décrivant le gouverneur de Floride comme celui qui pourrait mener vers la victoire une plateforme de centre droit, basée sur une coalition multiculturelle (avec une part croissante de Latinos) d’électeurs des classes populaires. Le succès de DeSantis en Floride « montre que vous pouvez être une figure du conservatisme culturel, combattre les médias de gauche et le Dr Anthony Fauci, être un politicien prêt à s’opposer à Disney si les circonstances l’imposent », écrit-il. Pendant la pandémie, Ron DeSantis a résisté aux restrictions sanitaires dans son État. Il s’est aussi retrouvé dans une guerre avec le groupe Disney qui était en désaccord avec une loi interdisant aux enseignants de parler d’orientation sexuelle ou d’identité de genre aux écoliers.
Pour l’éditorialiste Ross Douthat, Ron De Santis a d’autres atouts qui font de lui le meilleur candidat républicain : « Il faut simplement aussi être compétent, organisé, bien comprendre l’opinion publique au moment de choisir ses combats, et également savoir collaborer avec l’adversaire politique et faire preuve de leadership sans faille en cas de crise. La combinaison proposée par Trump – agressivité culturelle associée à une relative modération économique – peut faire des merveilles politiquement ; encore faut-il qu’elle soit reproduite par un politicien qui sache ce qu’il fait et qui n’est manifestement pas Donald Trump. »