Robe dorée, chaussures blanches à talons aiguilles, ses longs cheveux noirs noués en chignon, Nadia Nadim est assise à l’arrière d’un taxi. Devant elle, son agent lit les commentaires qui tombent sur les réseaux sociaux. Le visage crispé, l’internationale danoise écoute. Elle tente de réprimer des larmes, puis elle explose : « Vous pensez vraiment que la Coupe du monde au Qatar ne va pas avoir lieu si je ne suis pas une ambassadrice ? Vous êtes stupides ? ! » Le taxi s’arrête. La footballeuse disparaît dans la nuit de Doha.
Ces images, filmées le 1er avril 2022, font partie d’un documentaire intitulé Nadia Nadim. Game Changer ? diffusé le 16 novembre, sur la plate-forme nordique Viaplay. A l’origine, le film devait suivre la jeune femme lors de son rétablissement après une opération du genou, en septembre 2021, jusqu’aux championnats d’Europe de football, en juillet 2022, en Angleterre. Assez rapidement, les réalisateurs ont changé de sujet, pour tenter de comprendre pourquoi une icône telle que Nadia Nadim mettait en jeu son image, en s’associant à la Coupe du monde la plus controversée de l’histoire du football.
Agée de 34 ans, l’ancienne attaquante du PSG, qui évolue au Racing Louisville, aux Etats-Unis, depuis 2021, a annoncé la nouvelle alors qu’elle se trouvait à Doha pour assister au tirage au sort de la compétition sportive la plus regardée au monde. « C’est un grand honneur d’annoncer que je suis ambassadrice officielle de la Coupe du monde 2022 », a-t-elle écrit le 1er avril sur son compte Instagram, où elle est suivie par 270 000 followers. Elle poste une photo en tenue officielle, polo rouge et pantalon noir, à côté du trophée, dans un stade qatari.
Les journalistes danois s’interrogent : est-ce un poisson d’avril ? La rumeur, pourtant, circulait depuis décembre 2021. Nadia Nadim avait posté, toujours sur son compte Instagram, plusieurs photos prises à Doha, lors d’une rencontre avec des bénévoles de la Coupe arabe des nations. Elle posait notamment avec la star anglaise David Beckham, grassement rémunérée par l’émirat pour jouer les VRP de sa Coupe du monde. A Copenhague, les tabloïds interrogent : pourquoi donc Nadia Nadim accepte-t-elle de se compromettre, en faisant de la publicité à un pays où des milliers de travailleurs immigrés sont morts et les droits des femmes et des personnes LGBTQ + sont bafoués ?
Naturalisée au Danemark
Car Nadia Nadim est bien plus qu’une footballeuse. Elle est un symbole. Née à Hérat, en Afghanistan, en 1988, elle a fui le pays à l’âge de 11 ans, avec sa mère – une enseignante – et ses quatre sœurs, après l’assassinat de son père, général dans l’armée afghane, par les talibans. Elles sont passées par le Pakistan, puis ont pris un avion pour l’Italie avec de faux papiers, avant de monter à bord d’un camion qui devait les mener en Angleterre, mais les a conduites… au Danemark.
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