Jean-Luc Choplin touche enfin du doigt son rêve : « Monter Cabaret pour ressusciter un cabaret. » En veste à pois multicolores et chemise assortie, le nouveau directeur artistique du Lido accueille, sous les boules à facettes, une troupe de danseurs et de chanteurs à peine débarqués de l’Eurostar, tous rodés à la comédie musicale. Ils vont redonner vie au spectacle qui suit le parcours d’une chanteuse britannique dans le Berlin de l’entre-deux-guerres, indissociable du film de Bob Fosse de 1972, avec Liza Minnelli dans le rôle-titre. Jean-Luc Choplin promet que le spectacle (en anglais sous-titré) va « enchanter Paris » et faire oublier les revues démodées du vieux music-hall, sans doute l’un des plus célèbres d’Europe.
Déjà, sur la façade du 116 bis, avenue des Champs-Elysées, un panneau lumineux animé a remplacé les photos de danseuses emplumées. Le visage immense et déformé du Britannique Sam Buttery, chanteur non genré, plonge sur les passants. Une manière d’annoncer aux Parisiens le changement de propriétaire. Fini le Lido de Paris, place à son homonyme le Lido 2 Paris, écrit avec le A du logo du nouveau maître des lieux, Accor, premier groupe hôtelier européen et sixième mondial. A bientôt 73 ans, Jean-Luc Choplin a des étoiles plein les yeux : « Notre nouveau Lido, promet-il, ce sera Broadway à Paris. »
Il prévient que la première de la pièce, le 1er décembre à 20 heures, sera un « incredible challenge » – « un sérieux défi », traduit le metteur en scène canadien Robert Carsen, qui a travaillé sur plusieurs spectacles de Jean-Luc Choplin. Rarement dans le monde des variétés françaises un projet n’a été aussi risqué. Ouvrir une salle de spectacle, avec une comédie musicale intégralement en anglais, alors que la période est plus qu’incertaine…
Nombreux sont ceux à ne pas y croire. D’autant que la concurrence est rude, avec plusieurs comédies musicales à l’affiche à Paris pour les fêtes, au Théâtre du Châtelet, à Bobino ou à La Seine musicale. Et qu’il est a priori difficile, en termes d’image de marque, de faire moins moderne que le Lido, synonyme de revues avec ses bellâtres guindés descendant un escalier de lumière, accompagnant des danseuses presque nues, tandis que le public sirote un champagne tiède.
Célébrités, guéridons et lampes rococo
Il y a moins d’un an, dans le Paris lugubre de l’après-Covid-19, personne n’aurait parié sur l’avenir du vieux Lido. Les comptes étaient dans le rouge : 80 millions d’euros de pertes cumulées depuis 2012. Un déficit impossible à éponger, avec 184 salariés permanents et une salle à moitié pleine les bons jours, à la merci de tour-opérateurs souvent low cost. Les rumeurs d’une fermeture imminente étaient nombreuses, mais le groupe Sodexo, le propriétaire, rechignait à vendre.
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