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Mon père ne m’a jamais appelée par mon prénom

Mon père ne m’a jamais appelée par mon prénom


Denise Bombardier est une personnalité qui est souvent critiquée et controversée, et qui n’a jamais cessé de défendre notre langue française. Durant notre entretien, j’ai découvert une femme qui, contrairement à ce que les gens pensent, n’a pas été élevée dans une famille bourgeoise. D’ailleurs, un jour elle a dit à l’auteur Michel Tremblay afin d’illustrer la classe sociale de la famille où elle vivait dans le quartier Villeray : « Les belles-sœurs dans ta pièce sont des bourgeoises comparativement à mes tantes ». Le sens de l’humour de cette femme m’a agréablement surpris. 

Madame Denise Bombardier est une fière Québécoise qui m’a convaincu qu’on n’est pas obligé de vivre en France ou dans un quartier bourgeois pour bien parler le français. Elle aimerait que les jeunes Québécois et les immigrants soient fiers de maîtriser notre langue française.

À quel endroit habitiez-vous dans votre jeunesse ? 

Contrairement à ce que les gens croient, j’ai vécu dans un milieu d’ouvriers sur la rue de Gaspé près de Guizot dans le même quartier que René Angélil. Nous n’étions pas des bourgeois, mais tout simplement, une famille qui aimait et appréciait tout le monde.

Votre père menaçait de vous tuer. 

Chaque soir, lorsqu’il aiguisait les couteaux dans la cave, j’attendais ses menaces. Il disait qu’il était pour nous couper avec ses couteaux. Heureusement que son angoisse de nous tuer n’a jamais débordé son angoisse de le faire.

Vous croyiez que tous les hommes étaient supérieurs à votre père. 

Mon père était méprisant. Il n’achetait pas de meubles et nous avions les meubles usagés de la famille. D’ailleurs, je couchais dans un immense creux de matelas, car auparavant mon oncle qui était très lourd couchait sur ce matelas. Heureusement que j’ai cru que les autres hommes étaient supérieurs à mon père.

Quelle a été l’influence de votre mère sur vous ?

Elle voulait que je m’éduque pour me permettre de m’éloigner de ce style de vie qui ressemblait à une maison psychiatrique. En revanche, sans l’amour de ma grand-maman maternelle que j’ai adorée et de mes trois tantes, je n’aurais pas survécu à mon enfance. Mon père avait peur d’elles.

Votre mère vous a inscrite à l’école de Madame Audet.

Cela a commencé à l’âge de 3 ans et demi chez une madame monstrueuse, puis, à l’âge de 5 ans, je me suis retrouvée chez Madame Audet sur la rue Saint-Hubert. Pendant des décennies, elle a donné des cours de diction à des artistes, des politiciens, des athlètes et à du monde ordinaire comme moi.

Vous fréquentiez la même école de diction que Maurice Richard.

Le Canadien avait envoyé Maurice Richard, mon idole sportive, suivre des cours de diction. Je l’entends dire avec sa voix grave : « JE SUIS MAURICE RICHARD ».

Vous aimiez le hockey.

Je vais en surprendre plusieurs, mais je jouais au hockey et au ballon-balai dans les rues et les ruelles du quartier, et au ballon-chasseur dans la cour de l’école. 

Vous faisiez des entrevues avec le Rocket et Jean Béliveau. 

J’avais à peine 12 ans, lorsque j’ai fait ces entrevues radiophoniques avec eux au bord de la bande, lors des pratiques du Canadien, au Forum. 

Votre mère devait prendre l’argent de votre père sans qu’il le sache. 

Ma mère devait voler l’argent des poches de mon père pour faire l’épicerie ou bien, en utilisant un couteau, sortir de l’argent qu’il avait caché entre le mur et les « traînes de bois ».  

Les Anglais vous défendaient dans vos batailles de boules de neige.

J’ai appris à parler l’anglais dans le quartier, et les enfants canadiens-français n’ont pas accepté ça. C’est simple, les Anglais me défendaient contre les Français [avec son rire communicatif, elle me confie que les temps ont changé depuis cette époque]. 

Vous avez incarné le rôle de sainte Bernadette ?

Pour jouer ce rôle dans une pièce à l’école, je devais aller à la messe chaque matin afin de découvrir qui elle était. Il faisait tellement froid, car nous étions en hiver. 

Les sœurs de Sainte-Croix ont joué un rôle important dans votre vie.

J’admirais les religieuses de Sainte-Croix, car elles m’apprenaient de nouveaux mots et surtout à maîtriser la langue française. Cependant, je ne craignais pas de donner mon opinion, car j’étais curieuse intellectuellement. 

La lecture était votre monde imaginaire.

À l’école primaire, mon monde imaginaire de la lecture m’a permis de voyager dans des châteaux, visiter les différentes villes du monde et lire à propos de la résistance française dans la Deuxième Guerre mondiale. 

Alliez-vous en vacances avec votre famille ?

Le fait que mon père travaillait chez Trans-Canada Air Lines, qui est devenu plus tard Air Canada, lui permettait d’avoir des billets d’avion gratuits pour sa famille. Il a utilisé ce privilège seulement une fois. Cependant, il m’a fait tellement peur. 

Pourquoi aviez-vous peur ?

Chaque fois que quelqu’un montait à bord de l’avion, j’étais craintive, car mon père nous avait avisés que s’il manquait un siège pour un passager, nous devions céder notre place. Il n’y a pas eu de problème, ce qui m’a permis de visiter la ville de New York. 

Vous alliez en vacances à Saint-Martin.

Pas à Saint-Martin dans la mer des Caraïbes, mais plutôt à Saint-Martin qui est aujourd’hui devenu le boulevard Saint-Martin à Laval. Mon oncle conduisait sa voiture, car mon père n’avait pas de voiture. Les adultes faisaient la tournée des bars et nous les attendions dans la voiture pendant qu’ils se soûlaient. 

Vous me dites que votre père avait honte de vous.

Un jour, je suis dans le même autobus que lui alors que mon propre père décide de s’éloigner de moi. À notre arrêt, il prend une sortie et il s’assure que ce n’est pas la même que la mienne. Il marche rapidement seul vers la maison en m’ignorant totalement.

La pire chose dans votre vie, c’est que votre père ne vous ait jamais appelée par votre prénom.

J’ai choisi un métier où tout le monde connaît mon prénom. C’est une victoire pour moi, car je n’existais pas aux yeux de mon père.

Votre petite-fille vous a fait vivre un moment inoubliable.

Elle avait peine 4 ans quand elle a dit : « Tu sais grand-maman, j’adore la belle langue française ».



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